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Critique de michfred


93 critiques! Merci Sarko! oui, vous avez bien lu: notre inculte à talonnettes a plus fait pour la promotion de ce merveilleux livre que des générations de professeurs dévoués et que la beauté radieuse de Marina Vlady dans le film de Cocteau!

Depuis, on voit fleurir sur les boutonnières des badges "J'aime la Princesse de Clèves" , presque aussi populaires que la langue tirée des Stones, ou le "save water, bath with a friend" qui a eu ses heures de gloire dans un temps que les moins de ...tuit ans ne peuvent pas connaître!

Bref, gloire aux incultes qui ont assuré sans le vouloir la promotion de ce petit livre aigu, fouillé, premier roman classique -et non de chevalerie- , écrit par une femme qui plus est, encore empreint des foisonnements de la préciosité baroque -ah, les interminables panégyriques sur les plus belles, les plus nobles, les plus fameuses princesses qui fussent jamais venues en cette cour...-, mais qui a su néanmoins dessiner avec une fermeté toute classique les lignes de force de tous les futurs romans d'amour français.

J'entends par là: il est beau, mais volage, elle est belle mais prude, mais mariée, ils s'aiment, ça ne peut pas coller, ça ne collera jamais, ils se séparent.

L'amour passion, celui qui fait souffrir, au point qu'on se demande si on n'aime pas mieux la souffrance, qui vous rend si vivant, tout à coup, que cet amour lui-même....Voir Denis de Rougemont pour le reste...

Les scènes fortes ne manquent pas: le vol du portrait, sorte de mise en abyme, genre étiquette de Banania...On fait le portrait de la Princesse, immobile, elle voit le duc de Nemours voler ce petit portrait, et ne peut intervenir car la scène se passe dans un salon, il voit qu'elle l'a vu, et elle voit qu'il l'a vue le voir...Vertige!

Pas mal non plus, la scène de la canne qui a fait fantasmer plus d'un psychanalyste: le duc est venu épier la princesse en son château de campagne où elle a fui pour l'éviter: de nuit, il l'aperçoit qui enrubanne lascivement une canne, la sienne, oubliée lors d'une visite, qu'elle la caresse, la tourne et la retourne entre ses doigts fins, le regard brouillé, dans le simple appareil d'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil...je m'égare!

Je me souviens d'une explication de cette scène, faite à la fac par un jeune étudiant boutonneux, complexé mais néanmoins plein d'audace, qui se livra à un décodage sexuel, jungien ou barthésien, d'une grande limpidité, tout en balançant fiévreusement son pied droit couvert d'une chaussette rouge, tandis que le gauche, couvert d'une chaussette bleue, restait fixé au sol, impavide (je jure sur la tête de madame De La Fayette que je n'invente rien!).

Notre aimable professeur, toujours courtois, poli, civil, d'habitude, devenait de plus en plus rouge de fureur rentrée, et quand le jeune homme eut fini ses incongruités, il éclata en anathèmes virulents contre la nouvelle critique...et ses adeptes!

Voilà un livre puissant , songeais-je sur mon banc, en réprimant à grand'peine un fou-rire (nous avions en ce temps que les moins de ...tuit ans etc.. le respect de nos professeurs et de leur autorité), un livre, dis-je, qui est capable de susciter des polémiques et des interprétations ultra-modernes trois siècles après avoir été écrit!

Je le pense toujours aujourd'hui: "Save classicism, bath with the duke of Nemours!"


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