Demandez à un Français ce que faisait sa famille pendant la guerre, au pire il vous trouvera un oncle ou un cousin résistant.
Les Français, un peuple de résistants, longue tradition, faut pas les prendre pour des cons. (p. 89)
Ces derniers temps, mon corps a poussé dans tous les sens, mon visage est devenu un tableau de bord de supersonique, tous les matins je découvre de nouveaux boutons.
Je suis repoussant, un spécimen au bestiaire de l'horreur.
Où mes contemporains trouvent-ils la force de jouer la séduction, de se faire la bise le matin, de rire trop souvent et trop fort, de souffrir publiquement, de jouer les satellistes faussement détendus autour d'un noyau de super-copains-à-la-vie-à-la-mort, de croire à leurs soudaines et violentes déprimes, d'attendre pendant des heurres assis en grape sur un banc que la grâce leur tombe dessus, de jeter en larmes à la face de leurs parents qu'ils sont vieux et ne comprennent rien à rien ?
J'ai seize ans, je suis seul entre deux portes et tout m'emmerde.
Rien d'original. (p. 112-113)
"Le début des années... trente... c'était terrible... il y avait des millions... de chômeurs en Allemagne... on était très très pauvres... le Führer nous a redonné du travail... il représentait l'espoir... il disait qu'il allait s'occuper... de nous, qu'il ne nous... abandonnerait pas... que nous méritions un meilleur avenir... il n'a pas fait... que des horreurs en tout cas... pas au début."
La vieille femme hérissée de tuyaux s'exprime au moyen de son respirateur artificiel. [...]
"Il y a probablement eu un moment... où c'est devenu possible... de s'apercevoir qu'Hitler allait... comment dire... prenait la mauvaise route... je me souviens que des intellecuels sont... partis, ont quitté l'Allemagne... je ne sais plus... leur nom... des écrivains un... musicien qui a fait des opéras... avec Brecht... et d'autres... nous on n'était pas très intéressés... par la politique... on s'est juste sentis... un peu plus respectés... on n'a rien vu venir..." (p 149-150)
De toute façon, je sais depuis bien longtemps qu'il me faudra être adulte pour être de mon âge.
on ne parle jamais allemand à la maison, s'appeler Ernst Wommel et ne pas savoir parler allemand, ça ressemble à quoi ?
"Et qu'est-ce que vous auriez fait de plus si maman nous avait tout raconté ? [le passé nazi du grand-père]
- Je ne sais pas, on aurait su, au moins, on aurait pu se faire une opinion.
- T'es encore qu'un petit branleur haut comme trois pommes et tu voudrais t'autoriser à juger l'histoire ? (...)
- Mais qui es-tu, toi, pour nous donner des leçons ? Tu crois qu'il faut avoir quel âge pour être autorisé à juger les nazis ?" (p. 72)
"J'étais soldat dans la Wehrmacht, l'armée allemande, j'ai été faire la guerre aux Russes. C'était très dur. Ensuite, j'ai été muté à Dachau, près de Munich. Là au moins, j'étais à l'abri, je ne risquais pas de me faire trouer la peau par un bolchevik. Et puis on ne pouvait pas refuser une mutation. Bien sûr, ce qui s'y passait était horribe, j'étais très choqué au début. Alors je me suis efforcé d'être le plus humain possible. Tu comprends ?" (p. 69-70)
Le guide n'a pas encore vingt-cinq ans. Ses joues rougissent quand il parle, il se balance d'un pied sur l'autre à la recherche d'un hypothétique équilibre, parler en public l'impressionne.
Une colère soude lui donne du courage.
il est touchant.
Papa et maman n'ont pas de famille en dehors de Max et moi : en Allemagne, plus personne n’existe et en France, Max et moi, on est les premiers.
Je ne sais pas ce qui est arrivé à leurs parents.
On n'en parle jamais.
A tout cela qui n'est pas moi, qui ne dépend pas de ma réflexion, de mes choix, de mes actes, je n'échapperai pas, autant fuir l'oracle.