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Citations sur Les derniers sentiments cathares (14)

La pluie semble s'épaissir, des flocons neigeux commencent à tomber, il fait de plus en plus froid. Petit à petit la forêt perd ses couleurs hivernales : le vert le marron le gris et le sombre s'en sont allés, le blanc uniforme et pur recouvre peu à peu le paysage. Alysatis semble vivre un cauchemar. Depuis sa plus tendre enfance la neige la plonge dans une panique effroyable. Le blanc à perte de vue, celui qui engloutit les couleurs, amortit les bruits de la vie, gèle les cœurs endormis, le blanc, la bête noire du parchemin du troubadour en mal d'inspiration, le blanc, redouté du musicien en composition, le blanc, le blanc, le blanc... Cette couleur éblouit ses yeux. Cette explosion soudaine de blanc prend des reflets bleutés avec la tombée du jour. La rivière qu'ils longent leur offre des bouquets de glace. Elle trouve ce spectacle merveilleux malgré la peur qui lui grignote un peu plus les entrailles au fur et à mesure que le jour tombe. Le givre paillette les cheveux de Pierrick, leurs mains jointes sont bleues de froid et elles se demandent bien comment ils pourront les décrocher si par bonheur ils atteignent ce soir le camp prévu.
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Les futurs martyrs ont le temps d'envisager et de se préparer à leur fin terrestre. Certains font preuve de plus de force que d'autres. Quelques-uns gardent un lien étroit avec les « faux délices » du Monde, et doivent trouver l'aide et le soutien auprès de leurs frères pour emprunter cette voie étroite jusqu'à la mort. Personne n'est contraint à mourir et Pierrick se demande quelle voie a choisi Alysatis. Il a si peur qu'elle ait demandé le consolamentum afin de mourir en Parfaite, suivant les traces si proches de sa grand-mère Eulalie. Il a si peur que sa soudaine disparition conforte ce choix. Il a si peur de ne jamais la revoir si ce n'est dans les flammes d'un brasier, résultat de la folie humaine.
Peu à peu, une atmosphère d'exaltation gagne les habitants de Montségur. A chaque coin de rue, à l'angle de chaque place, on peut percevoir ce ressenti et cette béatitude, même de la part des simples croyants. Les Parfaits distribuent leurs pécules et leurs biens : un bonnet, une bourse, des souliers, de l'argent, du froment, du sel, de la cire, de l'huile, du poivre... Quelques croyants viennent demander le consolamentum à l'évêque Marty : parmi eux Maquésia Hunaud de Lanta, Corba et Esclarmonde de Pereille, la belle-mère, la femme et la fille du seigneur Raimon de Pereille ; ce dernier doit accepter non sans peine et déchirement le fait que trois générations de sa lignée aient décidé de disparaître au nom de la foi cathare. Lui qui restera ici-bas ne sera plus jamais comme avant, il ne le sait que trop bien.
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Elle veut ressentir cette époque médiévale, elle veut s'en imbiber – les cris des hommes d'armes, les battements saccadés des métiers à tisser, le cliquetis de la chaîne qui remonte l'eau du puits, l'odeur du pain chaud, les rires des enfants, toutes ces choses si simples qu'on ne croirait pas qu'elles puissent finir un jour – Albane écoute ces échos dans son coeur. Elle n'oublie pas les Parfaits, vivant à l'écart, les Purs, les perpétuels orants, qui prient jeûnent et méditent. Ils restent silencieux mais elle les perçoit aussi vifs que les enfants qui babillent dans l'enceinte du château.
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Alysatis reste bien consciente que la sécurité de Montségur ne tient qu'à un fragile fil, pourtant elle est toujours restée accrochée à l'espoir d'un renouveau ou d'un monde meilleur, confiante en l'évolution des mentalités et revendiquant le flambeau de la liberté. Elle ne se leurre pas pour autant. Les chevaliers logés à Montségur, dont Pierrick le principal fleuron de leur cavalerie, vont et viennent autour du château, cédant parfois à l'effervescence et lui rappelant chaque jour ce climat d'insécurité.
(...)
Alysatis a senti son cœur s'emballer lorsque l'armée, forte de dix mille hommes a planté ses tentes au pied du village. Elle a alors bien compris ce jour-là que sa vie allait sûrement beaucoup changer. Aujourd'hui elle le sait, sa liberté s'est envolée, elle ne peut plus aller cueillir ses plantes dans la forêt, elle ne peut plus sortir de l'enceinte du château. Tous, que ce soit les parfaits, les laïcs, les religieux ou les combattants, sont prisonniers de cette enceinte. (...) En cette période de froid rigoureux, environ cinq cents hommes, femmes et enfants vivent ainsi sur leurs uniques réserves mais celles-ci ne sont pas éternelles et chacun en prend conscience au jour le jour.
Alysatis se demande comment elle va pouvoir continuer à soigner lorsque ses réserves de plantes sauvages seront consommées. Elle a déjà commencé à en semer quelques graines dans son petit jardin à l’abri du rempart mais ses essais restent peu fructueux et le froid vif de la saison a souvent raison de ses plantations.
Elle est inquiète mais a décidé d'affronter une bataille à sa façon. Elle vaincra le froid et les maux de l'hiver, elle vaincra la peur et les doutes, elle vaincra la suspicion et l'inquisition. Une formidable force est née au creux de son cœur depuis l'approche des hostilités comme si elle prenait conscience qu'elle avait un rôle à y jouer, aussi petit soit-il.
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J'atteignis mon petit moulin là-haut sur la colline perdue, en surplomb du village, mon endroit, mon antre, là où je déploie mon âme comme le moulin déploie ses ailes. Cette sensation retrouvée d'immensité à perte de vue calma mes larmes. Je représentais si peu de chose sous cette pluie battante, habitante esseulée d'une planète si belle et si majestueuse. Je ne savais peut-être plus très bien qui j'étais mais j'appartenais à la Terre, n'était-ce pas une ultime raison de sourire à la vie qu'elle m'offrait, d'où qu'elle vienne, et qui que je sois, et quel qu’en soit l'avenir qui m'y était concédé ? Je n'avais plus peur, la Nature venait de me donner la main et je remerciais le moulin de mon cœur, l'ami de toutes mes réflexions, celui devant lequel je m'assois quand plus rien ne va.
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Nous sommes début octobre et le soir à l'heure de la fermeture de ma librairie le jour commence déjà à décliner. Alors je monte au premier étage dans mon appartement de l' « arbre à lire », où moi aussi j'ai quatre chaises ; vous voyez, nous avons des points communs.
Les soirs de grands vents, les volets grincent et la rue résonne en tempêtes irraisonnées ; ma verrière qui donne sur l'arrière pousse de petits cris comme si elle avait décidé de céder aux bourrasques.
Ces soirs-là je me blottis sous ma couette, je mets ma musique préférée (Era, vous connaissez?), la musique m'apaise... et je lis, je lis, jusqu'à satiété, jusqu'à épuisement, jusqu'à ce que je m'endorme, pelotonnée tout contre ma solitude. Parfois une larme perle avant que mes paupières ne sombrent au pays des rêves ; c'est une larme de solitude qui a débordé, les mêmes que vous sûrement et cela nous fait un deuxième point commun.
Les hivers sont longs, terriblement oppressants.
Quelquefois à midi je m'échappe de la librairie ; Charlotte n'a jamais su où j'allais. Je vous le dis ce soir parce que j'ai besoin d'épancher mon cœur, parce qu'il fait vent et que ma verrière me le fait savoir de ses lamentations grinçantes, je vous le dis même si je ne vous connais pas parce que j'ai l'impression que nous avons un point commun que nous ignorons encore.
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Je suis rentrée hier soir très tard et j'ai retrouvé ma librairie de Montolieu, mon petit appartement du premier étage avec ses quatre chaises autour d'une table vide ; seuls les petits bruits de ma verrière gémissant au vent du mistral brisaient le silence de ce tableau de solitude retrouvée. Je ne cultivais qu'une envie, c'était de m'en échapper et de rejoindre mon moulin tout là-haut au sommet de la colline, mon endroit, mon antre, là où je déploie mon âme avant qu'elle ne prenne son envol. Mais j'étais très lasse et surtout il se faisait très tard pour une belle promenade.
Je n'avais pas non plus la force de t'écrire, sachant pertinemment que tu allais attendre cette lettre avec tellement d'impatience, cette première lettre après notre première rencontre.
Tu l'as si bien remarqué en me quittant hier : le temps de nos lettres a enfin laissé la place au temps de nos êtres.
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Elle n'a pas souhaité porter la tiare familiale ce soir car en vérité, elle ne l'a jamais vraiment aimée et la trouve bien trop pompeuse et artificielle. Alysatis préfère le naturel et les plantes qu'elle cueille le lui rappellent quotidiennement. Elle n'a toutefois pas oublié la bague que lui a remis Eulalie sa grand-mère sur son lit de mort. Elle considère cette bague comme son véritable trésor et y tient comme à la prunelle de ses yeux. Elle ne connaît pas vraiment son histoire car Eulalie n'a hélas pas eu le temps de la lui conter. Mais elle reste toutefois persuadée que cet anneau est intimement lié à son passé et à celui de sa famille. Toute en bronze, un étrange écusson y est gravé, représentant des branches d'olivier et de laurier emmêlées. Cette tresse végétale incrustée dans le métal a ému Alysatis la première fois qu'elle l'a observée. Depuis elle est devenue son trésor intemporel car elle sait que d'autres l'ont porté avant elle et que d'autres aussi la porteront après elle. Elle a parfois l'impression que cet anneau est un passeur dans le temps, mais un passeur de quoi ? De quel message ? De quel secret ?
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Quallisto se promène paisiblement, ses naseaux libèrent de longues volutes de fumées dans le brouillard humide et froid de ce matin d'octobre et Pierrick se plaît à observer, tout là-haut, la citadelle de Montségur, fière et altière, perchée sur son puig, comme si elle s’entraînait déjà à narguer ses ennemis inquisiteurs et croisés.
Quallisto arrête sa marche derrière un gros buisson en retrait de la rivière. Il semble qu'il ait remarqué quelque chose d'anormal. Les pensées volubiles de Pierrick fondent immédiatement, son sang ne fait qu'un tour, sa main se crispe sur le pommeau de son épée sans laquelle il ne quitte jamais la citadelle, il est aux aguets, craintif et prêt à combattre. Il descend de son cheval et essaie d'alléger ses pas sur le tapis de feuilles mortes pour ne pas être trahi par sa marche. Il contourne le buisson mais ne remarque absolument rien. Quallisto est toujours dans l'expectative mais ne semble nullement craintif, ce qui le rassure dans sa quête. Et puis, tout à coup, derrière un arbre encore feuillu, Pierrick aperçoit sur l'autre rive de la rivière l'objet de ses craintes infondées et sourit.
Accroupie au milieu de son immense cape de laine verte, une jeune fille s'affaire à ramasser des plantes une à une et à en former de petits fagots enroulés dans des bandelettes de tissu pour les déposer dans son panier. Elle est concentrée et imperturbable ; elle ne semble pas avoir remarqué la présence de Pierrick et de son cheval. Il hésite mais décide de ne pas se manifester et de garder cette entrevue secrète. Ce sera le cadeau que lui aura offert sa journée naissante.
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Presque tous les matins on peut l'apercevoir au bord du petit ruisseau juste en lisière de la forêt en contrebas de la citadelle. Drapée dans son lourd manteau de laine verte, on dirait qu'elle cherche à se fondre dans les tons de la nature. Ses longs cheveux blonds vénitiens tombent en cascade sur ses épaules. Comme d'habitude, elle n'a pas eu le temps de s'apprêter pour son escapade dans la rosée matinale, elle les a juste attachés pour ne pas qu'ils la gênent lors de sa cueillette. Si son père la voyait ainsi seule, dans un tel accoutrement et de si bonne heure par delà la vallée, il serait certainement fou de rage et il aurait peut-être raison. Mais on lui a enseigné la cueillette des plantes depuis sa plus tendre enfance. Sa grand-mère le lui a moult fois répété : il faut collecter les plantes avant le lever du soleil, ceci afin de conserver la précieuse rosée déposée sur les feuilles et les fleurs. Eulalie, sa grand-mère, nommait cela l' « or du millième matin des alchimistes ». Elle s'était toujours posé des questions quant à cette appellation mais elle suivait scrupuleusement les conseils d'Eulalie, en mémoire d'elle, mais aussi pour continuer sa quête médicinale. Depuis des années, de nombreux malades venaient lui rendre visite à la citadelle, plus ou moins secrètement, car elle n'était pas à l’abri d'être injustement accusée de sorcière par des âmes jalouses et mal intentionnées. Sur son lit de mort, c'est à sa petite fille qu'Eulalie a légué sa médecine, sachant qu'elle serait prête à assumer un tel rôle.
Nous sommes en l'an 1242, à Montségur, dans l'arrière pays ariégeois.
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