La mémoire en larmes des époux semblait aussi figée que les pampilles de leur lustre vénitien accroché au plafond du salon.
Je n’eus jamais peur des textes comme je ne trouvai jamais que mon nouvel ami fût sévère ou que le noir fût noir. Cette teinte honnie par ma mère restait pour moi une couleur absolue, contenant toutes les autres couleurs. Et le génie des auteurs que j’aimais entretenait un rapport catégorique avec le noir : il me donnait la lumière.
J’en voulais aux hommes de disposer de mon corps et de pouvoir jouir sans qu’il ne leur en coûtât jamais rien, tandis que je prenais chaque fois le risque de ne plus m’appartenir.
La mort avait commencé à entrer en elle à faire son œuvre. Le temps se rétrécissait atrocement. La vie entrait dans la mort, mais c’était encore la vie. Ce le serait jusqu’au bout. Marcher sur le fil tendu de cette frontière rendait fou.
Aucun mot ou construction poétique élaborée par les adultes n’est à la hauteur de l’enfance et du génie de celle-ci, capable de remettre en question la plus vieille de toutes les métaphores.
Une femme sans époux en Iran, c’est une pute chez qui tout le monde peut entrer la nuit.
Les claquements de doigts des Jets et des Sharks emplirent le salon. La musique de Bernstein était chaude. J’entrais dans un monde nouveau dont ma mère venait de pousser la porte.
Les femmes d’ici, portant tchador ou hijab, disparaissaient. Le diabolique morceau de tissu contribuait à rendre tout plus ténu en elles : présence, gestes, regard, voix.
Le ciel d’Ispahan était une écharpe de soie cobalt, irisée de franges orange où une main invisible avait brodé des rossignols. Sur la place royale, le ciel enflammait l’eau lisse du grand bassin en pierre noire.
J'avais marché vingt-cinq ans à cloche-pied dans une cellule capitonnée où l'on avait éteint la lumière. (p. 149)