Le serveur, un adolescent au visage couvert d’acné, leur apporta d’un pas pressé deux monstrueuses pizzas. Terrifié après s’être fait admonester deux fois sur la lenteur de son service, il déposa les assiettes encore brûlantes d’une main tremblante. Accro de romans d’heroic fantasy, il avait l’impression d’incarner un garçon de salle dans une auberge moyenâgeuse en train de servir leur pitance à un ogre et un assassin. Que penser effectivement de cet homme à la corpulence comparable à celle d’un fût de bière, à la voix forte et de méchante humeur, et de cet autre lui faisant face, silencieux comme la mort, le visage couturé de cicatrices et au regard de démon.
Sa fragilité et son innocence lui rappelèrent tellement sa sœur Lucie qu’il en eut le cœur serré.
Deux destins différents, mais pour finir, des avenirs semblables, chacune la vie brisée par des monstres qu’elles n’auraient jamais dû croiser.
L'empoisonnement est le processus meurtrier favori de la gent féminine. Au fil des siècles, bon nombre d'entre elles se sont ainsi illustrées. Clépâtre, Circé, Agrippine, pour ne citer que les plus célèbres. Ou d'autres comme Belle Gunness ou Genene Jones. Le poison est l'arme de la femme, car, pour certains, il symbolise la faiblesse, voire la lâcheté. Pour d'autres, cela s'explique du fait que depuis la nuit des temps, les femmes sont les guérisseuses des clans dont l'art les amène à connaître plus que quiconque le pouvoir et les vertus des plantes et de tout ce que la nature produit de dangereux ou de bénéfique.
Il connaissait ce genre de souffrance et ne pouvait qu’imaginer la peine qu’il devait éprouver de revenir sur les lieux qui avaient vu la mort de son unique enfant.
D’habitude, nos scènes de crime se résument à des mecs morts suite à un assassinat, une rixe, un règlement de comptes, mais là, on voit bien que c’est l’œuvre d’un taré.
Elle n’arrivait plus à réfléchir. La douleur se mêla à la peur, et elle ne put plus bouger, attendant là tel un animal blessé que l’on vienne l’achever. Sur le point de renoncer, de fermer les yeux en attendant le coup de grâce, elle eut une dernière pensée pour ses enfants.
Il se rappelait encore trop bien la mine déconfite qu'avait affichée Goulet lorsque Maxime avait franchi les portes du service. S'il n'avait pas été titulaire d'une carte professionnelle en bonne et due forme, le planton de l'accueil l'aurait sans doute interpellé pour délit de sale gueule.