La rêverie du fabulateur devient un jour la réalité même ou, du moins, la seule vérité digne d’être dite et perpétuée. Elle nous enseigne que le monde, réciproquement, n’est que le songe d’un dieu somnolent et distrait qui nous aurait créés par inadvertance. Il revient alors à chacun de donner à sa propre existence un semblant de nécessité
On profite mal de ce qu’on possède, et l’on rêve de ce qu’on n’a pas.
L’objet de la passion amoureuse naît pareillement de son absence même et de l’évocation de ses charmes inaccessibles.
L’amour et l’argent, bien sûr, se révèlent interchangeables dans le genre humain tout entier : c’est au point que je me demande souvent pourquoi l’on a choisi l’or ou tel autre métal précieux, plutôt que la belle, bonne et simple rencontre amoureuse, pour en faire la « valeur-équivalent » universelle, autrement dit la monnaie unique pour tous les échanges.
Que faire d’autre, en vérité, quand ces personnages et ces situations ont déjà livré tout leur suc et qu’il ne reste que l’écorce du citron ?
Un rien suffit alors à bouleverser l’ordre du monde : un rien… autrement dit le désir qu’on éprouve… le seul désir, pourvu qu’il soit assez fort.
Ce qu’on appelle le monde, ou la réalité, n’est d’ordinaire qu’un assemblage hétéroclite de destins hasardeux, une histoire inventée dont l’auteur perdrait régulièrement le fil entre un chapitre et le suivant. En revanche, le romancier le plus médiocre sait qu’il faut en principe une fin à son récit.
Il suffit de peu de chose pour briser l’enchaînement sans fin des causes et des effets. Un rien nous ferait croire qu’on peut remettre en question ce qui est, discuter pour de bon une réalité qu’on trouve discutable… et rendre la vie à ceux qui sont morts.
L’exception, dit-on, confirme la règle : l’enfreinte accompagne encore plus souvent la loi et, par paradoxe, contribue peut-être à mieux la fonder.
Eiffel avait montré qu’il était un homme de cœur. Il révélait qu’il était aussi un homme de son époque, où l’on vénérait le travail et l’épargne, où l’on était plus enclin à donner qu’à ne pas ramasser ce qu’on pouvait prendre.