Citations sur Fraternelle mélancolie - Melville-Hawthorne, une passion (12)
L'année de sa mort, il avait souligné une phrase de Tacite dans un volume de Schopenhauer. « Le désir de gloire est le dernier désir qu'un sage rejette. »
Lorsqu'une relation se décompose, on lutte contre une force sur laquelle on n'a pas de prise : la liberté de l'autre. Il s'éloigne et on ne peut rien faire.
Disparaître, comment admettre que ce que je suis va disparaître, se demandait Melville, aussi peu sûr que je sois d'être ce que je suis, aussi torturé que me rende le fait d'être, comment accepter de ne plus être? Trop individualiste pour se fondre dans une religion, habité par trop de tensions pour oublier son angoisse, il était resté seul, vacillant avec son interrogation.
L'étymologie du mot désir nous rappelle qu'il contient en son sein la nostalgie de ce qu'il ne peut atteindre. Desiderare était un verbe utilisé dans le langage des augures lorsqu'il manquait dans le ciel l'astre répondant favorablement à l'attente du destin.
Les livres doivent prendre le risque de s'aventurer en zones immergées, sans quoi ils se condamnent à n'être que de tristes inventaires de données homologuées, abandonnant à l'oubli le désordre caché de la vie intérieure.
La poésie vous apprend à vivre dans l'ombre. L'insignifiance que le monde lui prête n'entame en rien l'importance que vous lui accordez.
« Tous les auteurs ambitieux devraient avoir des fantômes capables de revisiter ce monde et d'inhaler la vapeur de l'adulation qui commence à s'élever dès que le Fossoyeur a jeté sur eux une dernière pelletée. », écrivait Melville en 1849 alors qu'il n'avait pas encore touché le fond du trou.
Peut-être, me disais-je, que ces fantômes réconfortants c'étaient nous qui écririons après lui. Peut-être que le sort heureux qu'avait connu son oeuvre après sa mort, que sa miraculeuse renaissance servait à éclairer notre pénombre, à nous, écrivains actuels, qui peinions à apercevoir un cap. Oui, sur ce chemin ombrageux qui était le nôtre, le fantôme de Melville était la plus lumineuse des compagnies.
« La graisse de baleine est la graisse de baleine, écrivait-il à Richard Henry Dana. Quoique vous en puissiez tirer de l'huile, la poésie en coule aussi malaisément que la sève d'un érable gelé. Pour parfaire la cuisson du mets, il faut nécessairement y mettre un brin d'imagination. »
Il n'y a pas de grand livre sans cette fusion entre ce qui nous contraint et ce qui nous dépasse.
Les légendes sont des vérités avec des ailes. Elles survolent ceux dont elles sont nées, portées par les vents du passé, sans cesser de parler des blessures de leur âme. Elles se nourrissent des tourments saisonniers et de leur immémoriale racine, elles soufflent dans le présent l'odeur d'anciens feux, et traversent les nuits en absorbant leur peur.