La légendaire et méconnue histoire d'Owein Tenby

Un marin naufragé, Owein Tenby, profite d'une des boucles d'un temps cyclique pour revenir dans un passé légendaire achever un combat qu'il était de son destin de mener. Fées, enchanteurs, chevaliers de la table ronde, vieux dieux celtes, morts vivants, mirages, magie et combats sanglants. Soit ! L'héroïc fantasy n'est pas mon genre préféré ! Mais elle n'intervient que dans le dernier tiers du livre, et avant d'en arriver là, il y a 150 pages que je trouve excellentes : l'état de « dort veille » d'Owein et de son comparse Thomas, les cheminements oniriques d'un homme qui ne sait pas pourquoi il se retrouve naufragé sur les côtes de Cornouaille, ses tâtonnements pour retrouver ses souvenirs et comprendre ses impressions de déjà vu. Et il en va de même des autres personnages, sortis des brumes du passé pour y retourner, dans un chevauchement troublant du vrai et du faux, du vivant et du mort. L'ambiance brumeuse et floue de ces terres magiques, dominées pas leur château mystérieux aux légendes informulées, avec leurs bistrots de pêcheurs aux boissons biens réelles et leurs rendez-vous de chasse inquiétants, participe aussi de l'enchantement. L'espace lui-même se dilate ou se rétrécit, déroutant, tantôt Cornouaille, tantôt Avalon, tantôt pays de Galles, tantôt no man's land enveloppé d'un dragon de brouillard.
Viennent ensuite le retour aux temps légendaires et les combats acharnés, avec adjuvants et opposants et transformation des uns en les autres. Pas trop ma tasse de thé, d'autant que je m'y perds assez vite, mais l'écriture reste très belle, tantôt efficacement merveilleuse « Tout près, l'exosquelette miroitant et le regard à la foi limpide et intense des fées-guerrières agissaient sur l'ennemi comme un miroir aux alouettes. Fascinés, désorientés, éblouis, mercenaires et chevaliers se laissaient distraire par ces reflets d'une incroyable féérie et ces quelques secondes d'hésitation, voire d'atonie, leur coûtait immanquablement la vie (282)», tantôt distancée et assez drôle « Ni brune, ni hargneuse, ni maigrichonne, admit silencieusement Tenby en apercevant Morgane, mais plutôt auburn et bien gaulée (190) ».
Héroïc fantasy, certes, mais voici quand même un bien chouette récit, où l'on ressent le plaisir que la romancière a eu à tisser ces aventures. Avec, à mon avis, de vraies qualités littéraires.