Les mots permettent d’aller plus loin, mais quand on est allé si loin, d’un seul coup, malgré soi, ils n’explorent plus, ne font plus de conquêtes ; ils se contentent maintenant de suivre ce qui a eu lieu, comme de vieux chiens essoufflés. Ils fixent des limites artificielles, trop étroites, au troupeau anarchique des sensations et des visions.
Qui veut punir les hommes de leurs plaisirs et de leurs sentiments au nom du bien qu'il croit porter, au nom d'un dieu, se croit autorisé à faire tout le mal possible pour y parvenir.
Je suis toujours agacé par les écrivains qui disent écrire chaque phrase comme si c'était la dernière de leur vie. C'est accorder trop d'importance à l'oeuvre ou trop peu à la vie.
Je ne pouvais imaginer que mon oncle allait disparaître et je n'y croyais pas encore. Toute mon enfance si pâle et tous les moments qu'il nous avait donnés apparaissaient pour disparaître et j'ai senti de nouveau, mais avec une force inédite, qu'on mourait un nombre incalculable de fois dans une vie, des petites morts qui nous laissaient là,debout, pétrifiés,survivants,comme Robinson sur l'île qu'il n'a pas choisie, avec nos souvenirs pour bricoler la suite et nul Vendredi pour nous aider à la cultiver.
On sème de la psychologie là où l'on ne comprend rien...
Les certitudes de la science se dissolvent dans les incertitudes de l'expérience (p. 340).
La critique m’a permis de penser – ou d’essayer de penser – ce que je voyais, et de lui donner une forme éphémère en l’écrivant. Elle est le résultat d’une expérience à la fois superficielle (je n’ai pas les références nécessaires pour établir un jugement solide sur les œuvres) et intérieure (je ne peux lire ou voir quoi que ce soit sans le passer au crible d’images, de rêveries, d’associations d’idées que rien d’extérieur à moi-même ne justifie). Je me suis senti plus libre, je crois, le jour où je l’ai compris.
On n'échappe pas l'enfer dans lequel on est, on ne le détruit pas.
Elle ne renonce pas plus à ses sentiments qu'à ses convictions. Ce n'est pas parce que la gauche trahit sans cesse le peuple que Nina va finir, comme tant d'autres, à droite.. Ce n'est pas parce que tant d'hommes sont des nullités égoïstes et vaniteuses que Nina va cesser d'aimer. La sensibilité résiste aux principes. Un détail qui me la rend admirable est qu'elle n'arrive nulle part les mains vides, et que ce qu'elle apporte correspond toujours aux attentes ou aux besoins de ceux qu'elle retrouve. En résumé, elle fait attention aux autres, tels qu'ils sont et dans la situation où ils sont. Ce n'est pas si fréquent. (p. 15)
C'était l'alchimie de l'hopital au long cours : les survivants y avaient droit à tous leurs défauts, du moment qu'ils en faisaient bon usage . Nous n'étions pas ici dans un salon bourgeois . Nous nous battions sans juger, sans limites, avec toutes nos petites armes . En quoi l'esprit de CHARLIE, ce journal que les délicats et les tartinés de vertu d'où qu'ils viennent n'avaient jamais cessé de détester ou de mépriser, était adapté à la situation : il nous permettait de rire de tout, et d'abord de nous-mêmes, en faisant feu de tout bois . Nous n'avions pas mérité notre sort mais ce n'était pas une raison pour nous étouffer de scrupules ou pour nous prendre au sérieux . CEUX QUI NE NOUS AIMAIENT PAS seraient toujours assez nombreux pour le faire à notre place, et ils n'allaient pas tarder .