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Critique de ClaireG


Quelle aventure que le destin pour certains !

Ce fut réellement le cas pour la femme de Robert Louis Stevenson. Avant lui, avec lui et après lui.

Fougueusement racontée par Alexandra Lapierre, cette histoire fourmille de détails glanés inlassablement et minutieusement dans la correspondance et les carnets de notes des protagonistes. Plus c'est aventureux, plus c'est réel. Plus passionnante que l'Ile au Trésor !

Indianapolis, au sud des Grands Lacs – Fanny van de Grift, fille aînée d'un marchand de bois, contracte un mariage d'amour à 17 ans avec Sam Osbourne, vaguement juriste qui, après deux années de guerre civile, est chargé d'escorter son beau-frère tuberculeux vers les cieux plus cléments de San Francisco. Il oublie de revenir. A 24 ans, Fanny décide de le rejoindre et entreprend un voyage long, pénible et dangereux à travers les Etats-Unis, toujours en guerre, avec leur petite fille Belle, 6 ans.

Sam Osbourne s'est mué en chercheur d'or, ou d'argent ou de n'importe quoi qui lui permet de boire et de laisser sa jeune femme, sa fille et son bébé dans la misère. Commence pour Fanny une longue période d'embûches incroyables dans ces espaces immenses, tout en voulant toujours le meilleur pour son mari. Un troisième enfant naît. le couple déménage souvent. Lassée des infidélités et de l'intempérance de Sam, Fanny quitte la Californie pour l'Europe en 1875 avec ses enfants. Elle s'installe à Paris où meurt son plus jeune fils puis dans le petit village de Grez-sur-Loing (Seine et Marne) où de nombreux artistes installent leur chevalet en pleine nature.

C'est là que Fanny rencontre l'Ecossais Robert Louis Stevenson, celui qui écrit et qui marche, venu rendre visite à son cousin artiste, bohème et charmeur. L'intérêt qu'ils se portent est réciproque mais Fanny est sommée par son mari de rentrer en Amérique. Elle en reviendra divorcée ce qui, pour l'époque, était une gageure. En 1878, RLS, brisé par ce départ, part marcher dans le Sud de la France et y écrit Voyage dans les Cévennes avec un âne. Avant leur mariage en 1880, RLS, de santé fragile, fait une pneumonie qui manque de l'emporter. Fanny le soigne jour et nuit en mettant sa propre énergie en danger.

Démarre alors une vie pleine de rebondissements et de voyages. Les poumons de RLS sont fragiles et Fanny cherche sans arrêt des lieux favorables en fonction des chutes et rechutes du poitrinaire. Il s'entend admirablement avec les enfants de Fanny, il a instinctivement la connaissance de leurs rêves et de leur monde et écrit pour le jeune Lloyd qui s'ennuie L'île au Trésor qui fera pour longtemps de Stevenson un écrivain pour enfants.

Entre 1880 et 1887, RLS, souvent alité, écrit beaucoup dont l'Etrange cas du Dr Jekyll et M.Hyde qui fait de lui une célébrité aux Etats-Unis.

Et puis, idée subite de Fanny, elle loue les services d'un capitaine et embarque Louis, Lloyd et sa belle-mère veuve pour un voyage de sept mois en Polynésie. Miracle pour Stevenson, pas d'hémorragie, pas de toux, il respire normalement pour la première fois de sa vie. Nuku Hiva, Honolulu où vivent Belle et son mari et où les Stevenson vont vivre six mois de plénitude et s'impliquer dans la vie politique du roi indigène Kalakaua qui fait de son pays un Etat moderne et qui veut fédérer toutes les îles que les Blancs n'ont pas encore investies.

Ensuite, c'est le coup de foudre réciproque pour l'archipel de Samoa où le couple va construire une maison et vivre à Vailima jusqu'à la mort, en 1894 à 44 ans, de Tusitala, le conteur d'histoires, comme les Samoans appellent Robert Louis Stevenson.

De tous ses voyages, de toutes ses observations, de son séjour à la léproserie de Molokaï installée par le père Damien, des fêtes et des moeurs locales, de la vie des marins à bord de leur goélette, Stevenson écrit des articles pour les journaux, des nouvelles qui se vendent comme des petits pains, de multiples reportages avec photos. Il est secondé par Fanny, plus réaliste que lui, par Belle qui lui sert de secrétaire avisée et par Lloyd qui cosignera plusieurs textes. Une histoire de famille, quoi !

Fanny reste encore quelques mois à Vailima après la mort de RLS puis elle quitte les îles, et finit par s'installer à Santa Barbara (Californie) où elle meurt en 1914. Sa fille ramena ses cendres à Samoa près de la tombe de Louis.

L'énergie et le caractère trempé de Fanny sont impressionnants.
L'écriture d'Alexandra Lapierre traduit parfaitement le tempérament et la volonté de cette femme incroyable. J'ai lu et relu les passages où elle bâtit leur maison à Samoa après avoir défriché et stabilisé le bout de forêt qu'ils venaient d'acquérir. A plus de 50 ans, et pratiquement seule face à la mollesse des indigènes qui voyaient en elle un démon stupéfiant.

De nombreux fragments de lettres sont reproduits. Tout le monde s'écrivait et beaucoup tenaient un journal. Que ce soit Louis à ses amis d'Angleterre, Fanny à ses parents et sa fille, que ce soit les notes de Lloyd ou les souvenirs de Ned Field, amant de Fanny avant de devenir le deuxième mari de sa fille. Voilà un pavé de près de 600 pages passionnantes étoffé de photos, d'une bibliographie remarquable et de notes sur tous les lieux visités.

J'ai vraiment eu envie de siroter un jus d'ananas dans mon hamac après cette lecture.

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