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Critique de florigny


Jan Y. Nilsson, l'un des plus grands poètes suédois aux ventes de recueils confidentielles, est retrouvé pendu sur le bateau de pêche sur lequel il vivait, après s'être laissé persuader par son éditeur d'écrire un polar politique où l'encre occuperait plus de place que le blanc du papier, tout en sauvant l'éditeur de la faillite. S'est-il suicidé, désespéré d'avoir livré son âme au diable, c'est à dire aux forces du marché en faisant litière de son intégrité esthétique et morale, alors qu'il a consacré toute sa vie à la poésie, pour rendre le monde visible ? le Commissaire Barck, mirlitonneur-amateur de vers, est appelé pour faire la lumière sur ce fait divers à l'excellent épilogue cynique.


Avec un talent très sûr, un humour ravageur et une belle vigueur stylistique, Björn Larsson, professeur de français à l'université de Lund, spécialiste de Simone de Beauvoir, philosophe mais aussi marin expérimenté, attaque frontalement le snobisme des genres littéraires, donne un bon coup de pied dans la fourmilière de l'édition, et surtout règle son compte au polar suédois en pulvérisant ses stéréotypes : « Parfois il semblait, que l'écrivain suédois, pour être pris au sérieux, se devait de raconter sa jeunesse malheureuse. Meurtres, traumatismes infantiles, alcoolisme sous toutes ses formes, le tout pimenté d'une bonne dose d'angoisse», « On publie une quantité de polars chaque année en Suède. Il n'y aura bientôt plus personne pour écrire autre chose ». Selon l'auteur, son roman n'est pas une parodie mais un genre de polar, destiné à remédier à la trop grande place prise par le polar suédois, monoculture littéraire laissant imaginer à ses nombreux lecteurs que la Suède est gangrénée par le crime et la délinquance, et confisquant la notoriété de tous les autres auteurs, hors ce genre.


En choisissant une victime et un commissaire tous deux poètes, Björn Larsson amène avec malice et intelligence le lecteur à élargir son horizon, à explorer d'autres genres littéraires, en l'occurrence la poésie. Réflexion sur la littérature, sur le sens de la création poétique, sur les dérives de certains éditeurs préoccupés de trouver le meilleur produit de consommation livresque, le plus bankébeule, mais également, jeu littéraire, profession de foi, manifeste, déclaration d'amour à la littérature, Les poètes morts n'écrivent pas de romans policiers, est un roman inclassable (mission accomplie pour l'auteur) susceptible d'intéresser autant les amateurs de polars que les amateurs de poésie en éveillant leur curiosité.


Tous les extraits de poèmes cités dans le roman sont dûs à Yvon le Men, qui a accepté, non sans humour de prêter des extraits de ses oeuvres à Jan Y. Nilsson, malheureuse victime de l'intrigue. C'est Björn Larsson qui a assuré leur traduction du français en suédois. Ca barde au pays de Fifi Brindacier !
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