4. [Ex 3. Éthique : Serge Hefez] « D'abord il s'est passé un fait clinique, cette émergence dans le champ social de questionnements de plus en plus nombreux et d'affirmations de plus en plus fréquentes autour de l'affirmation de genre, et ce chez des enfants de plus en plus jeunes. Je pense qu'il a toujours existé des petits garçons qui disaient : "Je ne suis pas un garçon, je suis une fille, je veux être une fille, je veux mettre des robes", etc. Mais tout à coup, quelque chose a été entendu peut-être différemment de cette parole-là et ça a été entendu parce qu'un peu partout, quelque chose a émergé chez de jeunes adultes autour de la question du gender fluid, du queer, de la remise en question des identités sexuées.
[…]
Mais ces mouvements sont surtout rendus possibles par une évolution de la société, une profonde transformation des identités que nous vivons depuis deux ou trois générations, le fait que le destin soit à la carte et plus au menu, que chacun soit censé se choisir, s'inventer dans son corps, dans sa psyché, dans son identité sociale.
[…]
Cela a permis l'émergence d'un nouveau savoir psychologique et médical qui est arrivé en France dans un second temps. Des consultations spécialisées en questionnements de genre ont commencé à se mettre en place pour les enfants et les adolescents par le biais de rencontres pluridisciplinaires avec des endocrinologues, des psychiatres, des philosophes, des généticiens, soit toute personne qui peut être amenée à accompagner cette réflexion. Ce sont des prises en charge extrêmement délicates, parce que ce sont des enfants et des adolescents qui sont en grande souffrance, pour certains une souffrance liée simplement à ce questionnement de genre, pour d'autres une souffrance beaucoup plus complexe dans laquelle la question de genre n'est qu'un élément d'un tableau clinique beaucoup plus inquiétant. » (pp. 78-80)
3. [Ex 2. Épistémologie : Serge Hefez] « [La psychanalyse a davantage à faire...] Avec l'érotique, bien sûr, mais aussi avec le pouvoir transformateur de la relation affective, pour ne pas dire transférentielle ! L'amour, puisqu'il faut bien le nommer, autorise ces deux jeunes gens à un corps-à-corps créatif, comme si leur vie fantasmatique n'était pas un préalable à leur rencontre mais pouvait au contraire se façonner progressivement, s'inventer dans cette découverte réciproque... et aujourd'hui encore, ils façonnent au quotidien les usages de leurs corps et de leur relation dans les joies et les tourments inhérents à toute conjugalité. Au point qu'ils commencent à être habités par une rêverie jusqu'à présent inimaginable pour l'un comme pour l'autre : avoir un enfant que Noah pourrait porter puisqu'il a conservé utérus et ovaires. Il pourrait aussi rejoindre la cohorte des "pères enceints" que je rencontre actuellement. » (p. 64)
2. [Ex I. Clinique : Laurie Laufer] « D'où écoute-t-on ? Un analyste peut écouter depuis ses propres préjugés, depuis ses propres normes. Il n'est pas au-dessus de ce qui se dit, de surplomb, dans un espace d'écoute transcendant. Dans la pratique, chacun est pris par ses propres préjugés. Quels qu'ils soient. Ce n'est pas parce qu'on dit qu'on est queer qu'on ne produit pas d'autres normes queers. On est toujours en train de produire des normes. "Jouissons sans entraves" est une injonction, une sorte de normalisation aussi. Cela apparaît comme une forme de libération. Mais, c'est ce qu'on disait, il faut toujours se méfier des libérations. La repolitisation relève d'une réflexibilité critique sur ses propres productions normatives : "Qu'est-ce que je produis comme norme avec mes propres préjugés ?" Il y a des psychanalystes qui n'ont pas cette réflexivité critique et d'autres qui travaillent à cela. » (pp. 35-36)
1. [Ex Introduction, par les éditeurs] « Si la visibilité politique des transidentités ne constitue pas un fait nouveau en France, la demande de psychothérapie, a fortiori d'analyse par des sujets qui s'autodéfinissent comme transgenres est apparue très récemment. La réticence de ces personnes à franchir le seuil du cabinet d'un psychanalyste puise son origine dans l'amalgame entre la psychiatrie, qui a érigé le transgénérisme en catégorie nosographique, et une écoute orientée par la psychanalyse. En conséquence, on commence à peine à avoir accès aux discours fortement diversifiés des sujets aux identifications de genre non conformes. » (p. 9)
Une conversation présentée par Robert Maggiori, critique littéraire, et membre fondateur des Rencontres Philosophiques de Monaco
Avec
Dov Alfon, Directeur de la rédaction et la publication au quotidien Libération
Raphaël Glucksmann, Député européen et essayiste
Laurie Laufer, Psychanalyste
Asma Mhalla, Spécialiste des enjeux politiques et géopolitiques de la Tech
Informer est un droit, s'informer un devoir. Il n'est techniquement pas impossible de savoir quelles circonstances, quelles situations politiques économiques ou militaire, quels régimes de gouvernement, quels types de pouvoirs autoritaire, dictatorial, totalitaire, etc., entravent le devoir d'informer. Mais il est plus malaisé de déterminer les causes qui rendraient labile, «occasionnel», intermittent, le devoir de s'informer. Renonce-t-on de force à ce dernier lorsqu'aucune résistance, aucune «opposition» ne semblent assez fortes pour rétablir le droit bafoué? A-t-on, comme on dit, «perdu confiance» vis-à-vis d'organes d'information dont on pense qu'ils ont des objectifs - les mal nommés - politiques, idéologiques, n'ayant plus rien à voir avec la «formation» des citoyens à laquelle devrait participer une information objective, variée, ancrée à des sources sûres, argumentée, vérifiée? Ou le mal est-il plus profond, et tient d'abord à la confusion entre information et communication, puis à l'hégémonie de celle-ci sur l'autre? Si l'on considère en effet qu'il est plus important de communiquer que d'informer, alors il sera admis de tous, d'une part, que le fait de dire compte plus que ce qui est dit, compte plus que la véracité (la rigueur, le bien-fondé, la justesse…) de ce qui est dit, et, d'autre part, que l'opinion vaut en tous points le savoir. Les méga-entreprises de communication plus fortes que les Etats, grâce à leurs réseaux sociaux, dans lesquels chacun «s'exprime», ont transformé ce mal en pandémie universelle, et transformé la vérité en «option», en «avis». Quelles conséquences pour l'information, la formation, l'éducation des citoyens?
#philomonaco
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