Je retiens mon souffle en sentant sa main autour de ma taille, ses doigts dans mon dos. Son autre main se pose sur mes hanches, point de convergence de toutes mes terminaisons nerveuses. Oliver m'attire contre lui, dans sa chaleur. Sa ceinture appuie sur mon ventre, mes seins s'écrasent sur son plexus solaire.
- Merci pour un peu plus que le dîner, ajoute-t-elle en fixant le canapé. (Il y a un amas de tension sexuelle sur le canapé, je me demande si elle voit la même chose que moi.) Merci d'être aussi viril. Ma vie est très compliquée en ce moment, tu vis des choses très fortes, toi aussi. J'apprécie le fait que tu sois ma grande cuillère.
Je souris sans répondre. Que dire ? Que je pourrais tout supporter venant d'elle ?
Finalement, elle se tourne et se dirige vers la porte.
- Tu es mon armure de coton.
- Je prends ça pour un compliment.
Avec un petit sourire, Lola monte sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur ma joue.
- Bonne nuit, Olls.
- Bonne nuit, Lola love.
Et elle s'éloigne.
Je ne sais plus où j'en suis : J'aimerais continuer à construire la carrière à laquelle je travaille depuis si longtemps, mais pouvoir gérer de A à Z. Je voudrais qu'Oliver fasse partie de ma vie, mais sans être à ce point dépendante de son amour. Je voudrais pouvoir respirer sans avoir l'impression d'être entravée par des cordes. Et surtout, je voudrais savoir comment réparer mes erreurs. ça fait beaucoup d'un coup.
La vignette montre la fille, les yeux fixés sur le garçon, le corps léché par d’immenses flammes bleues.
Oliver place les mains derrière la tête, croise les jambes et ferme les yeux.
Bite.
BITE.
C’est tout ce que je vois.
Elle est là, sous son boxer, presque en érection, ostensiblement non circoncise, descendant sur sa cuisse. Seigneur, elle semble énorme. Grossit-elle encore quand il bande pour de bon ? Seigneur, il pourrait arracher les dents d’une femme pendant qu’elle le suce.
Embarrassée, je me concentre sur la feuille de papier. Pourquoi a-t-il une demi-érection ? Est-ce normal quand un garçon joue au modèle ? Sûrement. Est-ce génial ou totalement gênant ?
Oliver a l’air de trouver ça génial. Il suffit de le regarder. Le regarder, lui. Lui.
– Lola ? Ça va ?
Tiens, j’ai oublié de continuer à dessiner. Il l’a remarqué. Je me rassieds sur le canapé et commence à reproduire chaque détail de son corps : les poils noirs de ses jambes, les muscles de ses cuisses, le creux de ses hanches et oui, la silhouette de sa virilité sous son boxer.
Je gribouille sur une douzaine de pages, pour m’approprier le moindre détail. Je colorierai plus tard. Mes mains sont pleines de traces de fusain, j’ai une crampe à force de crayonner sans arrêt.
– Allonge-toi sur le ventre.
Il s’exécute, je regarde ses hanches se soulever, s’enfoncer dans le tapis comme s’il le pénétrait inconsciemment.
En réponse, tous les muscles de mon corps se tendent douloureusement, adressant une supplication à l’univers.
Je connais Lola. Je connais toutes ses expressions. J'ai un putain de master en décodage de réactions de Lola, ses peurs, ses crises d'angoisse silencieuse. Même si ça n'a rien à voir avec moi, quelque chose ne tourne pas rond.
Que se passe-t-il quand l'émotion est trop grande, quand elle occupe toute la poitrine, toutes les veines, tous les membres ? Comme si le soleil m'enveloppait jusqu'à me faire éclater de bonheur - me transformant en poussière d'étoiles et en éclats d'obus éparpillés sur le lit.
Le temps passé avec Oliver me fait l'effet d'une friandise que je voudrais savourer pour toujours.
- Lola, tu es une rose sur un tas de fumier.
- Rentrons.
- Oui.
Il rit, ouvre ma portière et nous chancelons tous les deux. Je manque m'étaler sur le trottoir. Quiconque nous verrait sortir ainsi de la voiture penserait que nous sommes ivres.
N'est-ce pas tout comme ?
C'est ce qu'on appelle l'alchimie, j'en suis persuadée. Ce sentiment qui nous paralyse et nous transperce, qui me donne l'impression d'être en vie pour la première fois en assassinant les souvenirs des moments qui l'ont précédé.
Des souvenirs affadis de ce que je ressentais en étant si loin de lui.
Avec un grognement satisfait, il demande :
– Tu vas me montrer tes esquisses ?
– Hors de question.
– Alors, c’est pornographique ?
Je glousse.
– Tu es en boxer.
– Ça veut dire oui ? Maintenant, j’ai encore plus envie de voir tes dessins.