Citations sur Rivage de la colère (212)
Le travail de la canne était plus fatigant que celui du coprah. Regarder devant soi. Abattre le coupe-coupe, oublier la douleur dans le bras, les ampoules aux mains, les poignets enflés, le dos en bouillie. Jeter la canne derrière soi, avancer d’un pas. Les feuilles étaient tranchantes et lui cinglaient les jambes sous sa jupe. (page 333)
Elle n’aurait jamais cru qu’un homme puisse s’incliner devant un enfant. C’était l’apanage des femmes, d’ordinaire, l’odeur du bébé, la douceur du sein, une question de peau et d’entrailles. Mais à regarder Gabriel, si ému, on aurait pu croire que c’était lui la mère. (page 109)
Sur la plage, le spectacle était une désolation. Toutes les familles s’entrechoquaient, avec des paniers, des draps bourrés d’affaires à l’image de ce qu’elle avait fait elle-même, les regards perdus, hagards, les lamentations, l’incompréhension. Pourquoi les arrachait-on à leur île ? Qui avait décidé ça ? Quand reviendraient-ils ? Le désarroi était total. (pages 162-163)
Voix douce des standards aériens. Dès que l'avion sera stabilisé, un dîner nous sera servi. J'ai prévu de garder le fromage et le dessert pour notre déjeuner de demain. Une fois qu'on l'a connue, le peur de manquer ne vous lâche plus. Le présent s'effrite. Seul compte le futur. Alors s'il y en a une, j'emporterai aussi la mignonnette de vin.
Le moment était venu de se battre, défier l’ennemi, avancer le visage nu. On les avait trop longtemps écrasés. Le règne de la souffrance docile était terminé. (page 303)
Les rafales sifflaient et Gabriel, pétrifié, recevait sur sa peau la peau de cette femme qu’il avait tant aimée, il recevait sa chaleur, sa mémoire, sa douceur perdue. Elle enfonça un peu plus sa tête dans son cou. Quand il ferma les paupières il sentit, éternel et fugace, un baiser sous son oreille. (page 277)
De même l’enfance qui nous empêche de devenir grands vient à nous manquer le jour où elle s’éloigne. C’est la perte, c’est la douleur qui crée l’idéal.
Parfois, elle le savait, les désirs sont si puissants qu’on discerne avec précision le contour des choses qui n’existent pas.
Ça veut dire quoi, l'indépendance ? Qui est indépendant ? L'êtes-vous vous-même ?
J'ai longtemps cru en ce rêve. Liberté, autonomie. Applicable aussi bien en politique que dans l'intimité. Je t'aime, je ne t'aime plus, si je ne t'aime plus je pars, ma vie ouverte aux quatre vents. Je crois que je me trompais. L'indépendance, je veux dire la pure, la véritable, l'absolue, n'existe pas.
On est toujours le colonisé d'un autre.
La justice est la méchante sœur de l’espoir. Elle vous fait croire qu’elle vous sauvera, mais de quoi vous sauver-t-elle puisqu’elle vient toujours après le malheur.