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Citations sur Le syndrome de la vis (11)

Les mensonges, c'est comme tout ce qu'on regrette dans la vie, ça s'accumule dans l'estomac pis ça finit par faire des trous.
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A l'épicerie, dans la rangée huit, une petite dame bloque le passage avec son énorme chariot qui couvre à peine la largeur de son impressionnant derrière. Qu'elle m'empêche de circuler est une chose, plutôt normal même, vu les pyramides précaires d'articles en tout genre entassés dans le milieu de l'allée, mais qu'elle ne s'en rende pas compte et ne fasse même pas semblant d'essayer de se pousser un peu me tue. Son visage est crispé dans une moue de dédain apparemment provoquée par l'insatisfaction que lui inspire la lecture des ingrédients des produits sans exception. Elle les attrape un à un, les tourne dans tous les sens, s'attarde à tous les petits pourcentages de gras, de sucre, de sel et ne semble jamais trouvé là son bonheur ou quelque chose qui satisfasse son désir de se faire du bien. Son pouce et son index pincent sa bouche aux commissures pâteuses et viennent se rejoindre au centre de sa lèvre inférieure après avoir râclé les peaux mortes, les croutes séchées d'un rouge à lèvres à moitié effacé dans les teintes de mauve. Des traces tenaces d'un mauvais vin rouge bu la veille, peut-être. Par réflexe, fort de cette seule trace probablement mal interprétée, mon cerveau la transforme en une vieille alcoolique pas fine, facile à détester. Je m'avance en me traînant les pieds, pour faire du bruit, mais elle ne bouge pas. Sourde en plus. J'ai besoin d'aller tout droit, d'atteindre la section des desserts maison, pour ramasser trois tartes aux pets-de-soeur de la boulangerie Bouchard de L'Isle-aux-Coudres. [...] Une personne qui dort à peu près normalement se résigne sans regimber à changer de rangée pour éviter le problème. Je n'en suis pas. En passant près d'elle, en la frôlant sans délicatesse, dans ma tête je lui crie de toutes mes forces : "Mange de la laitue bio, crisse !" J'ai une voix intérieure qui porte, elle bouge, se dirige vers l'allée des légumes. Je me rends jusqu'au bout de la rangée, prends mes tartes, les paie et sors, sans détruire quoi que ce soit, sans tuer personne. Je suis parfois capable d'un contrôle absolument épatant.
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- Pis ton club de lecture ? [...]
- On va faire un Margaret Atwood dans deux semaines, je vais m'essayer avec les biscuits au beurre de la fournée bio au coin de la 4e.
- Pis, Gatsby ?
- Madame Poulin était déçue.
- Pourquoi ?
- A cause du mot "magnifique".
- Ah.
- Elle s'attendait à une histoire de magicien, quelque chose de même, je pense. [...]
Ma mère ne lit pas vraiment, elle ouvre les livres pour en respirer le parfum, flatte les pages amoureusement juste avant de les avaler tout rond, sans souci d'indigestion . Ainsi, quand nous étions petits, il lui arrivait d'ouvrir un livre le matin et de ne le lâcher qu'à notre retour de l'école, le soir, alors qu'elle revenait de très loin, étonnée de nous voir déjà là, catastrophée par la fuite du temps et le souper pas prêt. Puisqu'elle s'en voulait toujours un peu, après, elle demandait à mon père de bien cacher les autres livres, ce qu'il faisait volontairement très mal pour se voir de temps en temps forcé de commander une grosse pizza bien grasse de chez Giffard Pizza. J'ai d'abord aimé la littérature pour ces moments de béatitude alimentaire où nous étions soustraits aux tentatives sincères mais bien vaines de cuisiner de ma mère.
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La tête de Paul penche vers l'avant, lestée d'inquiétudes logées dans le front.
- Comment on fait pour élever des enfants ?
- Aucune idée.
- Moi non plus.
- T'es chanceux, t'as quatre essais.
- Y m'en reste trois.
- Y'a juste quinze ans.
- Y'a presque seize ans, pis y fout rien.
- Mais y'a rien à faire à quinze ans ! T'es toujours trop jeune ou trop vieux pour tout. Fait que tu t'assois sur ton cul, pis t'attends que ça passe.
- Je voulais tout faire, moi, à quinze ans.
- Oui, toi t'as tout fait, pis t'as tout réussi. Ça y laisse pas beaucoup de marge pour t'impressionner.
- Je veux pas qu'y m'impressionne.
- On veut toujours impressionner ses parents ; quand ça marche pas, on les fait chier.
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- Je traverse à l'île pour voir descendre les glaces.
- Quelle île ?
- Haïti. La mer a gelé la semaine passée.
- ...
- C'est une blague. L'île d’Orléans. A la pointe Sainte-Petronille.
C'est le temps parfait.
- Y fait pas un peu noir ?
- Non, la lune est presque pleine, y'a pas de nuages.
Le canard m'apparait mal choisi pour décrire le froid qui nous pénètre les os à la pointe de l'île ; j'irais pour quelque chose de plus mordant, comme le brochet ou la mouche à chevreuil. A la pointe de l'île, la mer noire charrie des monstres de glace à tête lumineuse qui foncent sur nous et dévient au dernier instant de chaque côté. Je bouge la main pour faire comme si c'était moi qui décidais, façon Moïse. Les blocs semblent flotter au dessus d'une mer acide qui gruge leurs corps.
Ma fascination pour la mer glacée est à moitié faite de terreur : il suffirait de s'y laisser tomber pour mourir en quelques petites minutes.
Nageur ou pas. Bouée ou pas. La mer glaciale ne fait pas de quartier, elle mange les corps crus.
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J'entends le ton qui monte au deuxième, William veut finir sa partie, il joue en ligne et ne peut pas se débrancher comme ça, Léo cherche sa brosse à dents Starwaze, Xavier veut sortir aller rejoindre ses amis. Quatre personnalités, quatre univers difficilement conciliables. Je n'ai essayé qu'une seule fois de les faire asseoir tous en même temps autour d'une table pour jouer au Monopoly. Regrettable débordement d'enthousiasme de ma part. Le petit pleurait parce qu'il ne savait pas compter et voulait les cartes de trains, William chialait parce que j'avais amené la version de l'Ancien Temps avec des piastres en papier au lieu de celles avec des cartes de crédit électroniques, Romain faisait une moût de dégoût quand il tombait sur des terrains "couleur de fif" qu'il ne voulait pas acheter - sans pouvoir m'expliquer ce qu'est un "fif" - et Xavier avait décidé de quitter la table après dix minutes en lançant à la ronde que c'était un maudit jeu de "fucking capitalistes à 'marde". Même s'il venait de remporter quinze dollars pour un concours de beauté.
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Alors je sors, empoigne le sac de la boulangerie à moitié vide, le sac à main, l'autre sac, le lourd, celui que je sais plein de copies à corriger dans lesquelles Cyrano de Bergerac va se faire malmener et rebaptiser cent vingt fois (...).
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J’ai dans la tête une vis sans fin qui ne me laisse tranquille qu’une fois mes idées, mes peurs, mes souvenirs hachés menu, désubstantialisés par les engrenages qu’elle met en marche. Elle tord mes pensées jusqu’à plus sec, jusqu’à la fragmentation des images qui les constituent en molécules de rien. Je ne peux rien contre elle, c’est mon ennemi intérieur
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Au fond, notre histoire ne finit pas, elle n’a jamais commencé
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Je ne dors pas vraiment mieux, mais je dors seule, c’est déjà une amélioration notable. Je peux ainsi mal dormir sans me le faire reprocher. Je peux même faire croire à tout le monde que je dors à merveille, personne ne peut affirmer le contraire.
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