C’était en avril 1930, Sam allait avoir quinze ans.
- Je peux pas rester jusqu’aux sprints de minuit, Papa ?
- Tu rentres, j’ai dit.
Pas question de gâcher sa toute première soirée aux six-jours. Maintenant qu’on lui avait laissé ouvrir le bocal de confiture, le même était résolu à s’en mettre plein la lampe. Il n’allait pas se contenter d’une gourmandise, c’était le gueuleton qu’il voulait…
… Il monta se planquer au milieu du populo, au plus haut des « étagères ». Et là, médusé par ses héros, il resta jusqu’aux sprints de deux heures du matin…
Mais Jeanne ne mettait jamais les pieds au Vélodrome. Trop peur pour Sam... Et puis pour elle, il y avait plus important : son implication dans un réseau clandestin d'aide aux familles juives.
C'est la trace de la honte qui grimpait dans le ciel de Paris. Le brigadier chef Grivet brûlait son uniforme avant de déserter.
Le danger n'est plus qu'on ne parle pas de la Shoah, mais qu'on en parle à mauvais escient.
Livrez-le nous.
Je vous échange votre infirme contre votre fils préféré. Car c'est votre préféré, et ça l'a toujours été. ça crève les yeux. Et puis c'est un cas de figure classique. (p.63)
- Votre espèce d'écureuil m'é coûté très cher !
- Je n'aime pas être dérangé pendant mes consultations, beaucoup de parisiens souffrent, et notamment de malnutrition, au cas où vous n'en auriez pas conscience.
Alors vous entendre gémir sur vos deutsche marks volatilisés… Excusez-moi, mais je crains d'être peu compatissant.
- Votre compassion, je m'en fous ! (p.63)
Mars 1935. C'est la première fois que G. Grivet avait vu Sam Ancelin s'aligner aux six jours de Paris. Et le jeune "écureuil", comme on appelait les acrobates participant à cette course, l'avait conquis… (p.16)