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Critique de emdicanna


"Le vent siffle dans les joncs, une odeur lourde monte autour de moi. Un cri doux, guttural, me fait sursauter : l'appel, insistant, des bernaches cravants dans un champ d'algues vertes. Un pas encore, et elles s'envolent, pesantes, dans un fracas qui longuement résonne. Des dizaines, des centaines de bernaches, d'un noir de suie, des harles huppés, des canards colverts, des tadornes, des pluviers, des huîtriers-pies, des hérons cendrés, des aigrettes, dans un seul et interminable froissement d'ailes.
Je reste là, longtemps. Oui, ce peut être cela aussi, le monde, avec ce ciel immense et bleu au-dessus de soi..."
Le premier chapitre du livre se termine par cette phrase, et l'énumération qu'elle comporte. C'est une manière d'écrire chère à Michel le Bris, ici elle lui permet de donner vie à un paysage, et bientôt il l'utilisera pour faire mieux remonter de sa mémoire, et de l'Histoire, tels des fantômes, tous les marins de légende de son coin de Bretagne.
Car si le premier chapitre, encore calme, décrit "la beauté du monde", le deuxième, d'un coup, plonge dans les souvenirs d'enfance de l'auteur.
Le lecteur n'a plus qu'à suivre avec les siens, de souvenirs, (il a certainement lu L'ancre de Miséricorde, l'île au Trésor, les romans de Stevenson), et voilà l'enchantement réussi : il écoute les histoires du père le Floch, "réfugié dans un coin de la pièce" avec l'auteur, il "boit ces paroles, bouche bée", pendant que, dehors, "le vent aboie comme une meute de chiens galeux".
- "Tu connais l'histoire du père Noan, revenu du Chili à la rame ?"
Même enfant, Michel le Bris est un peu sceptique, mais il préfère n'en rien dire : parce qu'il "craint trop la réponse". "Et puis, à quoi bon ? Les histoires sont toujours vraies, mais d'une autre manière. Surtout lorsqu'elles restent vivantes plus de quarante années."
Alors, comme dans une Chanson de Geste, il fait revivre les hauts faits de la région de Morlaix : "Un nid de corsaires ! " soutenait le père le Floch ! Il ne croyait pas si bien dire."... "De hardis marchands, aussi - autrement dit des pirates, en ce XVe siècle où Arabes, Espagnols, Bretons et Anglais se détroussaient à qui mieux mieux, hors des regards indiscrets, tout en continuant à commercer fort civilement."
L'auteur s'est documenté, je vous laisse découvrir l'histoire "vraie" au milieu de la saga légendaire.
Et voilà Michel le Bris énumérant les "noms emportés par l'histoire", et le lecteur le suit, émerveillé : "Hervé de Porzmoguer, Yvon le Cheny, Roland le Faucheux, François du Quelennec, et tant d'autres encore... ils guettaient tous, embusqués derrière l'île de Batz, les navires anglais, flamands, hambourgeois, qui revenaient chargés de cargaisons précieuses des Antilles, fondaient sur eux comme des oiseaux de proie, avant de disparaître dans l'île de Sieck."
Il va sans dire que le lecteur doit oublier, pour un temps, ses principes...
Et voilà bientôt l'arrivée des corsaires du XVIIIe, "soixante quatorze armements corsaires à Morlaix !" ... "Ils furent des dizaines, Hervé de Kersauzon, Jacques Hallegouat, Lézard du Buisson, Jean Labbé, Pierre Maudret, Guillotou de Kerdu"..." tant d'autres encore, oubliés de l'Histoire, à se lancer à l'aventure depuis Roscoff ou Morlaix sur des bateaux jaugeant pour la plupart moins de dix tonneaux, avec des équipages de fortune..."

Je vous laisse poursuivre seuls, j'ai voulu vous donner un avant-goût de ce livre qui ravira tous les amoureux du genre. C'est avec plaisir que j'ai retrouvé ici le style de Michel le Bris, que j'avais apprécié dans plusieurs des préfaces qu'il a écrites pour les Editions Phoebus. Et que j'ai tenté de vous faire entrevoir, si vous ne le connaissez pas encore.

NB Je n'ai pas pu mettre un H majuscule à histoire lorsque j'aurais du le faire, parce que le site ramenait alors obligatoirement à un livre intitulé l'histoire (avec un grand H), qui n'a rien à voir avec le sujet.


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