Citations sur Saint François d'Assise (63)
Mais on voit aussi peu de mouvements qui semblent si propres à exprimer et à éclairer tout moment de l'humanité. S'ouvrir et résister à la fois au monde, c'est un modèle, un programme d'hier et d'aujourd'hui, de demain sans doute.
Et en notre époque où nos regards, nos efforts doivent avant tout se porter vers les tragiques pays du tiers monde et y prendre pour modèle les petits, les pauvres, les opprimés, car là reste, malgré les échecs, les dérapages, les trahisons, la leçon du franciscanisme dans son grand mouvement vers les laïcs, c'est encore, tant que la faim, la misère, l'oppression ne seront pas vaincus, une leçon valable pour notre temps.
p. 112
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« Saint François d'Assise », Le Goff, éd. Gallimard © - 1999
C'est dans cette tension entre l'acceptation joyeuse du monde et le refus de sa perversion que les hommes doivent faire leur salut, dans une dialectique de l'ouverture et de la réaction.
« Personne ne veut se voir pauvre,
la richesse, tous ceux qui peuvent en avoir,
tous l'ont »
(poème toscan anonyme - XIIIe siècle)
p. 211
CONCLUSION
(…)
Je me contenterai de trois remarques.
Les Franciscains ont été les principaux diffuseurs de l'idée qu'on ne se sauve pas tout seuls, que c'est toute l'humanité, toute la création qui doit se sauver elle-même.
(…)
Certes, ils n'aboliront pas même à l'intérieur de leur ordre la frontière entre clercs et laïcs puisque les laïcs en seront vite expulsés, mais ils ont donné une impulsion fondamentale à l'idée d'une communauté de destin où s'abolit la différence entre clercs et laïcs.
p. 210
Pour les Franciscains, les miracles ne constituent pas la sainteté, mais sa manifestation. Le début de la Legenda trium sociorum est caractéristique à cet égard : « Ne se contentant pas de seulement raconter les miracles qui montrent la sainteté mais ne la font pas, mais voulant aussi montrer les marques de son saint comportement et sa volonté de satisfaire son pieux bon plaisir à la louange et à la gloire du Dieu très haut et de ce père très saint, et pour l'édification de ceux voulant imiter ses traces »
La vie, les vertus sont l'essentiel.
La séduction, de son vivant et après sa mort, de saint François a beaucoup contribué à imposer un modèle de sainteté où l'imitation christologique a une grande part et où prédominent l'humilité, la pauvreté, la simplicité.
p. 207
La pureté est voisine de la simplicité. C'est une qualité de Dieu qu'il est le seul à posséder entièrement. On peut distinguer une pureté des sens, une pureté du cœur et une pureté de l'esprit. Dans la spiritualité symbolique des quatre éléments du Cantique de frère Soleil, c'est l'eau, notre sœur l'eau, qui incarne la pureté, elle est dite chaste et humble aussi. La pureté appartient à cette grande nébuleuse de valeurs franciscaines dont l'humilité est le centre de gravité.
p. 205
La beauté
Plus encore que pour la femme, la beauté a pour François et les Franciscains un double visage. D'un côté, elle est la plus haute expression de la création divine. (…)
« L'amour de saint François pour toute la création représente quelque chose de vraiment nouveau, de radicalement nouveau. Et la sensation directe du divin présente dans toutes les choses est la perception précise, enthousiaste, de la beauté conférée à l'amour de Dieu2. »
Ici encore, il faut replacer cette sensibilité dans son fondement divin,
p. 198
… les prélats ne doivent pas se glorifier de leur prélature, mais l'accomplir comme s'il s'agissait de laver les pieds des frères.
François, toutefois refuse pour lui la prélature (...). Il voyait dans la prélature « une occasion de chute ». Il se méfie du “pouvoir”.
p. 186
L'abstinence sexuelle dont la réforme grégorienne a fait un des principaux traits distinctifs des clercs par rapport aux laïcs est imposée par la Regula bullata aux frères. Le second chapitre qui détaille les conditions d'admission stipule qu'on n'admettra pas les postulants mariés et qu'on ne fera exception que pour ceux dont la femme est déjà entrée dans un monastère ou leur a permis, avec l'autorisation de l'évêque diocésain, d'entrer en religion après avoir fait elle-même vœu de chasteté et être, par son âge, à l'abri de tout soupçon. Ainsi la frontière du mariage qui sépare clercs et laïcs passe-t-elle entre les frères et les laïcs, la femme reste un être ambigu et dangereux.
p. 183
La femme
Il y a chez saint François et dans le franciscanisme du XIIe siècle une place pour la femme qui ne se rencontre à ce degré et dans cette perspective dans aucun autre milieu religieux de l'époque — en dehors, bien entendu, du milieu des béguines et en attendant les grandes mystiques bénédictines d'Helfta à la fin du siècle. Chez saint François, la femme se présente comme une image de rêve et a valeur de symbole. François « cherche une épouse », « rêve à sa dame ». À côté de l'épouse et de la dame, la mère aussi est un symbole fréquent chez lui. Il se compare lui-même à une « belle femme ». Trois femmes traversent lumineusement la vie religieuse de François : Claire d'Assise, Giacomina dei Settesoli et, à un moindre degré, Praxède, la recluse romaine.
p. 181
Franciscanisme et modèles culturels
À cet égard, une page décisive fut tournée et une expérience exceptionnelle supprimée par le chapitre général de Rome de 1239 qui, malgré de rarissimes exceptions prévues, exclut en fait les laïcs de l'Ordre. Raoul Manselli a lumineusement montré le processus de cléricalisation de l'Ordre au XIIIe siècle, phénomène décisif qui rétablit la frontière de la cléricature entre les frères et les laïcs.
p. 181