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Citations sur Saint François d'Assise (63)

FRANÇOIS ET INNOCENT III
Ce voyage à Rome pose à l'historien de difficiles problèmes.
(...)
quelle fut l'attitude d'Innocent III ? Il semble bien qu'il y ait eu trois entrevues entre François et le pape et qu'il fut difficile au Poverello d'arracher son approbation au pontife.
Quels sont donc les deux hommes face à face ? Deux pasteurs, dont la personnalité, la fonction, l'expérience sont presque en tout opposées. Innocent III est imbu de la spiritualité pessimiste de la tradition monastique, il a écrit un ouvrage (Du mépris du monde) aux antipodes de l'amour que François porte à toutes créatures, bien qu'il n'aspire qu'au ciel, mais auquel il aspire à travers elles. Même si Innocent III n'est pas le pape “politique” que beaucoup d'historiens voient en lui, il est convaincu de la primauté du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel, mieux même, il est persuadé que le vicaire du Christ possède les deux glaives, les deux pouvoirs, François dit : « Que tous les frères se gardent de montrer aucune attitude de pouvoir ou de supériorité, surtout entre eux. Le Seigneur dit dans l'Évangile : “Les princes des nations les dominent et les grands exercent leur pouvoir sur elles.” Il n'en sera pas ainsi entre les frères mais quiconque voudra être supérieur parmi eux, qu'il soit leur serviteur et leur esclave, et qui voudra être supérieur qu'il soit mineur. »
p. 60 - 61
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À la recherche du vrai saint François
François : c'est un homme malade. Il souffrira jusqu'à la mort de deux espèces de maux : des maux d'yeux, d'une part, des affections du système digestif : estomac, rate, foie, de l'autre. Les voyages, les prédications, les fatigues, les pratiques ascétiques aggraveront cette mauvaise santé. Mais François n'a pas cherché systématiquement à humilier son corps. Son attitude à son égard est ambiguë ou, mieux, ambivalente. Le corps est la source et l'instrument du péché. Donc, il est à cet égard l'ennemi même de l'homme : « Beaucoup, quand ils pèchent ou subissent un tort, y voient souvent la faute de l'ennemi ou du prochain. Mais c'est une erreur, car chacun peut maîtriser l'ennemi, c'est-à-dire le corps1, qui est l'instrument du péché2. » Mais il est aussi l'image matérielle de Dieu et plus particulièrement du Christ : « Considère, ô homme, l'état d'excellence dans lequel t'a mis le Seigneur, puisqu'il t'a créé et formé à l'image de son fils bien-aimé selon le corps et à sa propre ressemblance selon l'esprit3. »
Ainsi, il faut mortifier le corps, mais pour le mettre, comme l'âme, au service de l'amour de Dieu. Le corps est, en définitive, comme toutes les créatures, « frère corps », et « nos sœurs, les maladies », sont des occasions indispensables de salut. Mais il ne faut pas s'y complaire au point d'en devenir les esclaves si elles rendent le corps inutilisable à l’œuvre de salut et d'amour.
p. 53
De même, pendant son séjour auprès des médecins pontificaux à Rieti, il demande à un de ses compagnons : « Je voudrais, frère, que tu prennes en cachette une cithare et que tu y joues quelque musique honnête pour distraire un peu mon frère le corps qui est plein de douleurs. » Le frère ayant peur du qu'en-dira-t-on, François lui dit : « Eh bien, n'en parlons plus ! Il faut savoir renoncer pour ne pas scandaliser. » Mais dans la nuit un ange viendra, avec sa cithare, remplacer au chevet du malade le frère trop timoré.
Ainsi enracinée dans la douleur physique qui commence à le faire réfléchir sur la destinée humaine et pose le thème, essentiel chez François, des rapports entre l'homme intérieur et l'homme extérieur, sa conversion se manifeste d'abord par le renoncement à l'argent et aux biens matériels.
p. 54
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À la recherche du vrai saint François
… sous le nom de Jean-Baptiste, le saint du désert, de la prédication et de l'annonce, pour qui François eut toujours une dilection particulière. Quand et pourquoi le prénom de François, alors « singulier et inhabituel » remplaça celui de Jean, on ne sait.
(...) En 1217, il voulut partir lui-même comme missionnaire pour cette France qu'il pressentait réceptive à sa prédication et dont il admirait la dévotion eucharistique au point de vouloir y mourir à cause de cette vénération pour le saint sacrement. En tout cas, il n'est pas indifférent de noter qu'en un temps où les noms avaient une signification profonde — lourde de sens symboliques — le seul fait d'accepter et de répandre un prénom insolite manifestait la volonté de François d'innover dans son apostolat.
Mais le jeune Francesco Bernardone ne laissait pas pressentir sa future vocation. Thomas de Celano a accablé ses parents en les accusant de l'avoir élevé déplorablement et a poussé au noir le tableau de son adolescence dépravée. Lieu commun d'hagiographe. À quoi le jeune homme passait-il son temps ? Aux divertissements de son milieu, sans plus : aux jeux, à l'oisiveté, aux bavardages, aux chansons, à la mode …
p. 49
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Dans la lettre qu'ils avaient adressée en 1246 à Thomas de Celano en lui envoyant leur Légende, les trois compagnons déclaraient : « Au lieu de rapporter des miracles qui, à la vérité, ne constituent pas la sainteté mais seulement la manifestent, nous nous sommes de préférence attachés à faire connaître la vie édifiante et les véritables intentions de notre bien-heureux Père. » Cette conception nouvelle, “progressiste”, de la sainteté ne satisfaisait pas les besoins des foules habituées à être rassasiées de miracles. C'est pour répondre à ces besoins traditionnels que Thomas de Celano dut, à la demande du nouveau ministre général Jean de Parme, rédiger en 1253 un Traité des miracles de saint François.Bien que ces miracles soient surtout des miracles accomplis par le saint après sa mort et que le Traité soit ainsi un complément aux deux “Vitae”, il n'en marque pas moins un pas en arrière par rapport à la biographie spirituelle de saint François.
p. 46
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À la recherche du vrai saint François
Un autre malheur, c'est que la “Legenda” de saint Bonaventure est à peu près inutilisable comme source de la vie de saint François ; en tout cas, elle doit être contrôlée par des documents plus sûrs. En effet, tout à sa tâche de pacificateur, saint Bonaventure, tout en étant animé d'une profonde vénération pour saint François et puisant aux sources antérieures authentiques, a réalisé une œuvre qui ignore les exigences de la science historique moderne, car elle est tendancieuse et fantaisiste. Fantaisiste, car elle combine des éléments parfois contradictoires pris à des sources différentes sans aucune critique. Tendancieuse, car elle passait sous silence tout ce qui aurait montré que l'ordre franciscain s'était écarté de certaines intentions de saint François et parfois sur des points essentiels ; la science et l'enseignement, le travail manuel, la fréquentation des lépreux, la pauvreté des églises et des couvents. En fait, ce saint François du juste milieu est plus près de celui des Conventuels que celui des Spirituels. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, c'est pourtant ce saint François corrigé, mutilé et édulcoré de saint Bonaventure, affadi encore par le recours à une médiocre œuvre de dévotion écrite par Barthélemy de Pise dans la première moitié du XIVe siècle et approuvée par le chapitre général de 1399, qui fut considéré comme le vrai saint François.
p. 44
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… en 1257 par les modérés pour rétablir l'unité de l'Ordre, allait faire adopter une mesure lourde de conséquences pour l'historiographie de saint François. Les franciscains des deux tendances avaient multiplié les biographies du saint en lui prêtant des propos et des attitudes conformes à leurs positions. On ne savait plus à quel saint François se vouer. Le chapitre général de 1260 confia à saint Bonaventure le soin d'écrire la vie “officielle” de saint François que l'Ordre considérerait désormais comme la seule à dépeindre le vrai François. Cette vie, ou “Legenda” (...), fut approuvée par le chapitre général de 1263, et celui de 1266, prit la décision d'interdire aux frères de lire désormais toute autre vie de saint François et leur ordonna de détruire tous les autres écrits antérieurs concernant François. Étonnante décision dictée sans doute par le désir de mettre fin aux divisions internes, facilitée par une certaine insensibilité de l'époque à l'objectivité scientifique, mais qui manifeste un mépris de l'authenticité d'autant plus curieux que saint François avait proclamé un tout autre respect pour la lettre et l'esprit des textes authentiques — lui qui dans son Testament avait déclaré : «  Le ministre général, les autres ministres et les custodes sont tenus, par obéissance, de ne rien ajouter ni retrancher à ces paroles. Qu'ils aient toujours avec eux ce texte joint à la Règle. Quand ils liront la Règle ils liront aussi ces paroles »
p. 43
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LE PROBLÈME DES BIOGRAPHIES
… les essais de certains historiens pour la reconstituer demeurent très hasardeux et il est impossible de s'appuyer sur ce document décisif pour dire si, à cette époque, François avait déjà accepté l'idée de faire de lui et de ses compagnons un nouvel « ordre » intégré dans l'Église ou s'il n'envisageait que la formation d'un petit groupe de laïcs indépendants de l'organisation ecclésiastique.
Ainsi, à travers l'esquisse sommaire des problèmes que posent les œuvres de saint François, on aperçoit la source principale des difficultés de l'historiographie franciscaine : l'existence, du vivant même du saint, de deux tendances au sein de l'Ordre, chacune cherchant à tirer le fondateur vers elle et à interpréter dans son sens ses paroles et ses écrits. Entre, d'une part, les rigoristes qui exigeaient des Mineurs de pratiquer une totale pauvreté, collective et individuelle, de refuser, dans les églises, les couvents, la liturgie des offices de l'Ordre, tout apparat, de garder leurs distances vis-à-vis de la curie romaine suspecte de pactiser trop facilement avec le siècle, et, d'autre part, les modérés, convaincus de la nécessité d'adapter l'idéal de la pauvreté à l'évolution d'un Ordre de frères de plus en plus nombreux, de ne pas rebuter par un refus de tout agrément extérieur les foules toujours plus denses qui se tournaient vers les Mineurs, de voir dans le Saint-Siège la source authentique de la vérité et de l'autorité dans une Église dont l'Ordre était partie intégrante, où situer le vrai François ?
p. 38-39
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Laïc en un temps qui a vu la canonisation (1199) par le nouveau pape Innocent d'un laïc marchand, Homebon de Crémone, il veut montrer que les laïcs sont dignes et capables de mener, comme les clercs, avec les clercs, une vie vraiment apostolique. Et si, malgré les déchirements et les heurts, il reste fidèle à l'Église, par humilité, par vénération des sacrements dont l'administration réclame un corps de ministres différents et respectés, il refuse significativement, dans sa fraternité et autant que possible dans son ordre naissant, la hiérarchie et la prélature. Dans ce monde où apparaît la famille conjugale et agnatique restreinte, mais où l'antiféminisme demeure fondamental et où règne une grande indifférence à l'enfant, il manifeste, par ses liens avec quelques femmes proches et d'abord sainte Claire, par son exaltation de l'enfant Jésus au sein de la crèche de Greccio, son attention fraternelle à la femme et à l'enfant.
p. 30
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On voit ainsi quels ferments, quels besoins, quelles revendications travaillaient certains milieux laïcs vers 1200 : l'accès direct à l'Écriture, sans l'obstacle du latin et l'intermédiaire du clergé, le droit au ministère de la Parole, la pratique de la vie évangélique à l'intérieur du siècle, de la famille, du métier, de l'état laïc. Il faut y ajouter l'aspiration à l'égalité des sexes que professent, à la fin du XIIe siècle, les “Umiliati” de Lombardie, les pénitents ruraux de l'Italie du Nord, les Béguines et les Bégards des confins septentrionaux de la France et de l'Empire.
p. 29
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Vers 1175, un groupe d'artisans, les Umiliati, se constitua à Milan en communauté de travail et de prière, lisant eux aussi la Bible en langue vulgaire et prêchant. Ils essaimèrent bientôt dans toute la Lombardie. Le pape Lucius III excommunia, en même temps, Cathares, Vaudois et “Umiliati” à Vérone en 1184. Que leur reprochait l'Église ? Essentiellement d'usurper un des monopoles des clercs, la prédication. Walter Map, dignitaire ecclésiatique (archidiacre d'Oxford), est le premier à s'indigner : « Telle la perle aux pourceaux, la Parole sera-t-elle donnée à des simples que nous savons incapables de recevoir, et plus encore de donner ce qu'ils ont reçu ? » Usurpation d'autant plus scandaleuse à ses yeux qu'elle était le fait non seulement d'hommes laïcs, mais aussi de femmes.
p. 28
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