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EAN : 9782898124556
119 pages
Héritage (05/10/2022)
3.9/5   5 notes
Résumé :
Je ne digère pas les échecs et les imperfections. Quand je monte sur la balance pour apprécier le vide, je me gave de la satisfaction de voir mon poids diminuer. Ce mal prend de plus en plus de place dans ma vie.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Incontournable Octobre 2022

Les enjeux de troubles alimentaires sont bien souvent liés à l'anxiété de performance, qui gangrène notre jeunesse actuellement, toujours poussée à de nouveaux extrêmes de rendements et d'attentes déraisonnables de la part de la société de consommation, nullement aidés par les canons esthétiques tout aussi déraisonnables et impunément glorifiés . Ici, c'est un jeune homme terriblement complexé par son poids et sa silhouette ronde, désireux de plaire, effrayé de ne pas être conforme et pire, ne pas atteindre les standards, nous dépeint sa dégringolade vers le trouble boulimique, qu'il tient caché à sa famille.


Cette lecture m'inspire une anecdote, que vous pouvez sauter si vous n'êtes pas d'humeur aux parenthèses. Durant mes études en service social, je fis un travail de recherche avec une camarade de classe sur les troubles alimentaires au masculin. Nous nous trouvâmes rien. Ni documents, ni périodiques, pas de données, aucunes études, pas même de nomenclature, histoire de nommer les troubles. Une aberration, quand on compare aux filles, qui ont tout cela et tellement plus! Des maisons d'aide, des programmes, des subventions, des recherches étoffées, de la prévention et j'en passe. Si les troubles alimentaires des filles sont au statut de reconnaissance sociale le plus haut, celui des garçons est au plus bas. On n'est pas rendu à reconnaitre l'existence du problème! Oui, bon, ça fait quelques années depuis ce travail. Mais l'idée est de dire que nous avons de grosses croûtes de pain à manger pour rattraper le retard face aux filles. Alors voir des romans commencer à l'aborder me rempli de joie et d'un certain sentiment de justice sociale: enfin! On en PARLE!


Comme je le disais, notre protagoniste couvre un trouble de type boulimique. Il se fait vomir, de plus en plus souvent. Il fait une obsession sur son poids, à tel point qu'il se met en danger. Son anxiété plafonne: il craint le jugement des autres, il craint de déplaire. Ses pensées intrusives semblent l'accaparer presque entièrement. Il n'y a pas que cela, néanmoins, nous voyons aussi qu'il craint les échecs scolaires, même s'il semble travaillant dans ses études. Enfin, il s'isole de plus en plus, de ses amis et de sa famille.


Ce qu'il y a de visible, dans cette histoire, c'est la "balance pencher" progressivement. le déséquilibre n'opère pas en un jour, c'est une accumulation de pensées et de comportements de plus en plus délétères. Notre personnage creuse son mal être en même temps que son estomac. Il creuse également sa solitude. Il se dit mieux en indépendant, seul maître de sa réussite, ce qui traduit non seulement qu'il ne fait pas confiance aux autres, mais également qu'il se met une pression à tout accomplir seul, tel un surhomme. Rappelons que c'est un jeune. Il se décrit comme un garçon " à qui tout réussi", qui a comprit comment l'école "fonctionne". Mais progressivement, il a beau être bon à l'école, cela ne semble pas lui donner confiance en se capacités, au contraire. Il craint de ne pas tenir cette "perfection". Il se met alors à sombrer, à rater l'école. Il met cela sur le compte des vomissements qu'il provoque lui même. Il fuit, car il a trop mal. Un mal être physique, mais surtout mental. Il compte les dixièmes de grammes de la balance, chaque perte est un succès et le conforte dans ses idées. Ce qu'il fait le rend plus léger, mais cet allègement redevient lourd devant le constat que ce n'est pas toujours pas assez. Et ainsi de suite.


En peu de mots, monsieur Leclerc cerne assez justement la spirale terrifiante des troubles alimentaires, qui sont des affections complexes, pas simplement de l'anxiété. Cette anxiété est à plusieurs niveaux, que ce soit celle d'être conforme et plaisant physiquement ou celle liée aux attentes de société en matière académiques, sportive ou artistiques. Un constat d'autant plus perturbant que cette performance est glorifiée dans nos sociétés. Un jeune qui stress pour ses examens est perçu comme un étudiant sérieux. Un élève qui cherche à hausser ses notes pratiquement au sommet du possible, serait plus intelligents et plus dignes de mention. Malheureusement, nous fabriquons des enfants anxieux plus que jamais. Il ne semble jamais trop tôt pour pousser nos jeunes vers la voie de l'excellence. Pas celle qui rend heureux et motivé, celle qui rend prestigieux et "supérieur" ( Notez les guillemets). Nous leur enseignons que la reconnaissance va au mérite et que ce mérite est lié aux résultats, au rendement. Aux chiffres. Une certaine note. Un certain poids. Des barèmes à attendre, des QI plus estimables que d'autres, une silhouette svelte comme seul véritable incarnation du corps parfait et magnifique, la compétition, la première place rien de moins! le bonheur semble devenu quantifiable, non pas qualitatif.


Notre personnage va atteindre un point de rupture: il se fait prendre par sa mère à se faire vomir. Sa réponse? La bienveillance, la compassion, l'empathie. Un parent en souffrance du fait de voir souffrir son enfant. La proposition d'une aide, une mains tendue. Une complicité établie. Un espoir de guérison.


C'est là la meilleure des réponses, non? Un parent mobilisé et compréhensif, à l'écoute. Une personne en détresse aura surtout besoin de se faire entendre, mais c'est là qu'est souvent le problème. Y a t-il quelqu'un qui écoute? Contrairement aux croyances, les phrases de psycho-pop positives du genre "ça va aller", "Tu vas y arriver" ou "ce n,est qu'une mauvaise passe" résonnent très mal dans les oreilles de la personne souffrante, qui n'est pas en état de "positiver". Il va falloir accepter que parfois, "ça va mal" et il faut l'accepter comme tel. Cette manie de tout positiver est rebutante, je trouve, car elle minimise le malheur ou la détresse de la personne, qui va ou se sentir coupable, ou se sentir incomprise. Ou les deux.


"Je ne peux pas continuer à traiter mon corps comme un ennemi". le constat du personnage, qui réalise l'ampleur de ce qu'il s'est fait subir.


Ce qui est navrant est le fait que nous sommes capables, nous les humains, d'être notre pire critique, en oubliant que nous sommes aussi notre plus important allié. Nous sommes capables du pire envers nous-même, au nom de principes auxquels nous sommes exposés. Parfois, même pas besoin d'être victime des autres, nous pouvons être notre propre bourreau. Ne minimisons pas cependant le rôle de notre société, des valeurs, des normes et des références. Nos jeunes ayant un corps costaud et rond seraient-ils si vulnérables si leur modèle corporel n'était si fréquemment le sujet de moquerie, de dégout et associé à de mauvaises habitudes de vie? Se sentent-ils estimés quand tous les héros de la jeunesse sont de beaux caucasiens blonds musclés à la taille de guêpe? Se sentent-ils apprécié dans le regard des autres, trop souvent incapables de voir la personne au-delà de son apparence?


Enfin, que dire à nos garçons quand le visage des troubles alimentaire est encore quasiment exclusivement féminin? Que c'est un "problème de filles", en témoignent les recherches, les affiches et les représentations culturelles? Il y a matière à réfléchir sur le sujet et pas qu'un peu.


Pour le texte plus strictement, il s'agit d'une forme qui rappelle la poésie. Des phrases courtes en paquet de deux à quatre phrases. Parfois une par page. Elles sont généralement horizontales, mais elles tourbillonnent, se croisent, forment des formes, se font reflet ou des échos. C'est la particularité des romans de la série Unik d'être dans cette état fluide et aéré, sans toujours suivre de ligne. C'est original et leur structure a souvent une connotation avec le sujet de la phrase. Comme c'est très aéré, on lit le tout assez rapidement. Mais malgré la simplicité des mots, leur assemblage et leur porté rend l'histoire profonde et inconfortable. On a pas de mal à voir la souffrance du personnage, si jeune et pourtant si malheureux. du reste, la relativement rapidité de lecture et les mots simples ( mais pas simplistes!) conviennent de facto à un large lectorat, incluant les moins initiés à la lecture et les moins amateurs de lectures.


L'auteur prend deux pages à la fin pour nous parler de ce livre qui reflète son propre parcours, lié au trouble boulimique. L'auteur porte son sujet, donc. Je lui en sied gré, car nous avons besoin que de plus nombreuses et justes représentations de ce type de maladie mentale soit exposés. C'est ainsi qu'on bâtit un dialogue et qu'on développe l'empathie.


Un livre à rependre largement, sur un sujet encore trop peu (et bien) exposé.


Pour un lectorat à partir du premier cycle secondaire, 13 ans+.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
J'ai l'impression que personne ne peut m'aider à faire le ménage de mon désordre intérieur.J'ai accumulé trop de complexes. Je n'arrive plus à m'en débarrasser.
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"Il y en a pour qui s'est pire!"

"Voyons! Tu n'as aucune raison de stresser!"

"Reviens-en! Passe par dessus!"

"Tu t'inventes des problèmes! Ça va bien aller!"

"C'est ridicule que tu penses à ça!"

"Relaxe en un peu, ça va passer."

"C'est dans ta tête, ne t'en fais pas!"

Pour éviter ses remarques, je réponds constamment :

-Je vais bien.
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Je ne peux pas continuer à traiter mon corps en ennemi. Il ne supporte pas les souffrances que je lui impose.
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