Paris, c’est comme une maîtresse, il ne faut pas toujours être avec elle...
Évidemment, je n’avais pas de tourne-disque, mais je me servais du truc enseigné par un Italien, mon ancien professeur de guitare (vous en ferez ce que vous voudrez). On se laisse pousser l’ongle du petit doigt, que l’on emploie comme aiguille à passer dans le sillon de ses disques, lesquels on fait pivoter sur sa main, les soirs d’ennui. C’est pas excellent, mais ça occupe, sans déranger les voisins.
J’avais fait un pas de plus dans ma conviction que le rêve est peut-être la seule réalité acceptable.
A Paris, je me fis remarquer en entrant parce que je dis bonjour à la bonne et que j’accrochai moi-même mon chapeau dans la penderie.
J’avais la prétention de croire que je pouvais faire autre chose que de chanter. D’ailleurs, la création m’a toujours attiré plus que l’exécution...
Je m’avance avec ma guitare d’une main et ma chaise de l’autre (pour mettre mon pied dessus) et je n’entends qu’un bruit dans le silence complet de la salle: mes pas; le son de mes godillots canadiens qui, péniblement, vont l’un devant l’autre. Je ne me souviens pas de ma vie d’avoir fait promenade plus pénible, plus cruelle, plus terrible.
Une fois, mon père me dit avec douceur: «Tu veux chanter, d’accord; mais chanter c’est pas travailler, il faudrait que tu travailles. Les chanteurs que je connais chantent le soir, mais le jour, ils travaillent.