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Critique de kielosa


Cette fois-ci j'ai été gâté par l'opération Masse Critique en recevant l'ouvrage d'Alban Lécuyer : "Ici prochainement : Sarajevo". Je remercie Babelio et M. Armand de Saint Sauveur des Éditions Intervalles pour ce beau cadeau. En fait, une pièce d'art et de collection pour les amateurs de livres, que nous sommes tous sur notre site préféré !

Je commence par une citation remarquable de l'écrivain bosniaque, actuellement résident breton, Velibor Colic, qui écrit dans une introduction "Addition des lumières" : "Tout comme Beyrouth ou Jérusalem, Sarajevo est une VILLE SYMBOLE, une construction fragile, un espace physique et métaphysique culturellement inscrit quelque part entre la Vienne impériale et la mer Adriatique, entre les montagnes des Balkans et les plaines hongroises. Une ville funambule qui marche depuis des siècles sur la corde raide tendue entre deux mondes". (page 8).
On ne saurait mieux résumer et situer cette ville, mais Velibor Colic a démontré dans 12 ouvrages (publiés entre 1994 et 2016, et depuis 2008 directement en Français) qu'il sait observer et écrire. Rappelons qu'il est l'auteur entre autres de "Les Bosniaques" (1994), "Chroniques des oubliés" (1996), "Jésus et Tito" (2010), "Manuel d'exil" (2016) et d'un très intéressant "Sarajevo omnibus" en 2012.

Il est impossible de surestimer l'importance de Sarajevo. Théâtre : 1) du coup fatal, le 28 juin 1914, par le nationaliste serbe, Gavrilo Princip (1894-1918) tuant François-Ferdinand, prétendant au trône de Vienne, assassinat qui a conduit l'Europe à la Grande Guerre ; 2) des Jeux olympiques d'hiver de 1984 et 3) de l'horrible siège du 5 avril 1994 au 18 février 1996 avec ses bombardements et snipers serbes, causant la mort à environ 5.000 personnes et la destruction d'à peu près 97 % des bâtiments.

J'ai visité pour la 1ère fois Sarajevo lorsque j'avais 16 ans et j'ai été fasciné par ce mélange est-ouest et tout particulièrement par cet aspect "oriental" de la ville. C'est la raison pour laquelle probablement que j'ai suivi le déroulement de cette affreuse guerre de l'ex-Yougoslavie avec tant d'intérêt, complété par la lecture de plusieurs ouvrages, dont j'en mentionne ici seulement 3 : du baron David Owen, ex-ministre des Affaires étrangères britannique et négociateur de paix lors de cette guerre "Balkan Odyssey" ; de la correspondante de guerre, Janine di Giovanni, "Madness Visible" et de la jeune Zlata Filipovic, captive à Sarajevo assiégée, "Le journal de Zlata".

L'auteur, 40 ans et diplômé de l'École supérieure de journalisme de Lille, a trouvé une voie originale pour raconter l'histoire d'une ville : à partir de photos des différents quartiers d'une ville, ses bâtiments officiels, culturels et religieux, de maquettes d'architectes et urbanistes et de citations par des personnalités célèbres, tel le Nobel littérature 1961, Ivo Andrić (1892-1975), des personnalités moins connues chez nous, comme la comédienne, Alena Džebo ou d'illustres inconnues, telle l'étudiante Doris Belančić (19 ans). Ce procédé bien personnel permet à Alban Lécuyer de rapprocher passé et présent, avec un clin d'oeil vers l'avenir, et - plus important encore - de situer les résidents dans leur ville. Il a déjà fait ses preuves en France, à Paris et Nantes - où il habite - mais aussi à l'étranger, entre autres à La Havane et Phnom Penh.
Autrement dit, sa grande spécialité et art sont de s'interroger sur "la place de l'histoire, des conflits, des individus et de leurs trajectoires dans les représentations du paysage urbain".

Il y a une multitude de photos de la capitale de la Bosnie, parmi lesquelles, la Mosquée Istiklal (= indépendance), la Cathédrale orthodoxe de la Nativité et la Synagogue Ashkénaze, qui illustrent sa vocation multiculturelle. Mais aussi les traces des tirs de canons dans des bâtiments, des "rues et trottoirs où se fossilisent les impacts d'obus", des graffitis comme "Non à La Haye" (faisant allusion au tribunal pénal des criminels de guerre de l'ex-Yougoslavie) et des chiens, "qui ont grossi mais continuent d'errer, d'être étrangement nombreux dans une ville qui a changé" ( citation de Tiphaine Samoyault).

Je termine par une citation révélatrice, parue dans "Elle", d'Olja Metich, étudiante à l'École des Beaux-arts : "Prendre son temps, c'est aussi prendre sa revanche sur l'histoire car pour échapper aux tirs des snipers serbes qui visaient les bus, les tramways, les piétons, nos parents devaient courir pour traverser la rue. Maintenant, c'est fini".

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