Comment ne pas voir que pour qu'il y ait du "Je", il faut aussi qu'il y ait un régime politique qui puisse laisser une place vide, un lieu où le pouvoir s'abstient, ne pénètre pas, et laisse chacun exister avec ses doutes, ses questions, son non-savoir, son désir et son histoire? (...) Le "Je" n'est donc pas indestructible. Il est même souvent menacé et l'identité totalitaire est ce qui vient à la place du "Je" lorsque l'espace pour le faire exister disparaît.
La politique à l'âge des statistiques et aujourd'hui des algorithmes propose aux citoyens un savoir préfabriqué sur leur être. Cette somme de données personnelles sur l'être ressemble à une accumulation de savoir sur soi , mais paradoxalement l'accumulation de ces données renvoie en même temps à un refus de savoir ce qui relève du sujet en chacun. Le Big Data annule le cogito.
L'uniformisation engendre un monde d'où les couleurs de la subjectivité ont disparu. Car où que l'on se rende, sur la planète que nous habitons, nous pourrons nous y retrouver en rencontrant les mêmes paysages, les mêmes productions industrielles, les mêmes constructions, les mêmes hôtels, les mêmes plats, et voire la même langue.
Le stade du miroir électronique est une transformation produite chez le sujet quand il cherche à se définir depuis ce double de lui-même qu'est l'image virtuelle.
Ce qui s'est globalisé, ce ne sont pas seulement les échanges économiques, les rapports sociaux et les relations politiques, mais finalement l'intimité de chacun.
Les nouvelles technologies captent le psychisme de chacun et absorbent la libido de tous.
Car le "Je" est aussi ce qui permet de ne pas disparaître dans la mondialisation sans pour autant nous accrocher à une identité close et définitive.
"Mais c'est finalement la tragédie aussi d'un être destitué de son "Je", lors même qu'il est forcé de trahir sa propre parole."
"[...] il faut pouvoir faire de la souffrance une dimension de l'existence qui est porteuse d'une vérité."
"Il s'agit de substituer à l'existence une essence qui la prédéterminerait et incarnerait un Souverain Bien. A terme, le but est de faire disparaître le sujet, car là où il y a du sujet, il y a aussi une parole qui déjoue toute tentative de contrôle. Là où il y a sujet, il y a aussi la possibilité d'une mise en question, d'un doute, d'une angoisse. Là où il y a du sujet, il y a aussi un rapport au langage qui transcende celui qui parle et qui le conduit à faire l'expérience d'un désir qui l'interroge."