Ce roman est une franche réussite. le personnage de Lucia May est extrêmement bien décrit. Cette jeune personne d'une trentaine d'année, qui sort d'une
rupture amoureuse, laisse parler son coeur plutôt que son instinct professionnel. Devant les faits froids, marquants et dramatiques, elle y voit l'occasion de se remettre en cause, et par là même de remettre en cause le système, autant judiciaire que scolaire. Car toute la question du livre qui nous tient en haleine est simple : nous connaissons le coupable, mais qui est responsable ?
La structure et le style aident beaucoup à dévorer ce roman, tant tout est fait pour jouer sur les sentiments. Outre ceux de Lucia,
Simon Lelic incorpore dans son récit les témoignages des gens interrogés, du directeur aux collègues de Samuel, des enfants à la soeur de Samuel. Ces chapitres sont très bien faits, sans qu'il y ait les questions de l'inspectrice, ce qui ne gène en rien la compréhension, mais rajoute une note dans la véracité du passage.
Il y a les personnages secondaires, très bien faits, bien vivants, qui ont tous une part importante dans le déroulement de l'intrigue, en particulier Walter le collègue de Lucia qui la harcèle sexuellement au bureau et qui la place dans la même situation que Samuel ou son ami avocat Philip qui lui rappelle de ne pas mettre d'émotion dans son travail, de se contenter d'analyser et reporter les faits.
Et puis, c'est une charge en règle contre l'éducation britannique (seulement ?) qui considère qu'un professeur a forcément l'autorité nécessaire face à ses élèves, et donc qu'il n'a pas besoin d'être conforté dans cette position; il y a les discours affligeants (c'est mon avis) du directeur qui avoue qu'il ne sert à rien de chercher à comprendre un élève perturbateur, qu'il faut lui laisser terminer sa scolarité et qu'ensuite il ira toucher ses indemnités de chômage; Il y a tous ces professeurs censés donner l'exemple, être ouverts, accueillants envers les autres, qui rejettent et martyrisent l'un des leurs parce qu'il est étranger, différent, froid, renfermé, solitaire, introverti, ces professeurs qui sont plus puérils et gamins que leurs propres élèves, jusqu'à en être des monstres responsables; il y a ce système que tout le monde est prêt à laisser mourir, au nom de l'opportunisme personnel.
Et derrière tout cela, il y a un homme et un drame. Cet homme dont on ne connaît ses émotions que par la façon dont les autres le voient, que par l'image dont Lucia s'en fait. Jamais il n'intervient autrement que par le discours d'un autre, mais on arrive à se brosser un portrait de cet homme tellement fier d'inculquer l'histoire à des élèves, qui avait le défaut de ne pas rentrer dans le format standard d'un professeur britannique.
Rupture est le premier roman de
Simon Lelic. Cela en devient d'autant plus impressionnant. Vous l'aurez compris,
Rupture de
Simon Lelic est un livre tout en finesse et en subtilité à lire. Urgemment.
Lien :
http://black-novel.over-blog..