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Critique de ClaireG



Attisée par la chronique éclatante de DanD, je me suis lancée dans la découverte de cet auteur chilien dont je ne savais rien. Bien m'en a pris.

1986 – Santiago – Dictature du général Pinochet.
La Folle d'En Face est un travesti qui a quitté son secteur de prostitution pour une maison branlante d'un quartier pauvre de Santiago où il excelle dans la broderie raffinée de nappes qu'il fournit aux boutiques huppées et aux familles aristocratiques. Tout en écoutant les chansons romantiques de Sara Montiel dont l'une donne son titre au livre.

Son chemin croise celui de Carlos, un jeune étudiant révolutionnaire, qui voit en sa maison le refuge idéal pour la révision de ses cours de droit avec ses amis et l'entreposage de ses syllabus volumineux. La Folle tombe irrémédiablement sous son charme tout en n'étant pas dupe du contenu des caisses qu'elle dissimule sous maints falbalas et dentelles ni du sens des réunions d'étudiants. Il/elle jouera un rôle de premier plan dans la préparation de l'attentat de septembre contre le président/dictateur.

En écho, un autre couple, détestable celui-là, permet à Pedro Lemebel de donner libre cours à son opposition politique, celui de Lucia et Augusto Pinochet. Elle, vitupérant sans cesse contre son mari qui a laissé revenir tous ces communistes « qui se prennent pour des écrivains » et ne pensant que comme son mentor, coiffeur et styliste Gonzalo. Lui, arrogant, homophobe en diable, détestant le jaspinage continuel de sa femme, et misérable lorsque ses rêves d'hier et d'aujourd'hui lui font détester la peur qui ne le quitte pas. Celle d'un attentat.

Le ton de l'auteur change radicalement lorsqu'il parle des uns et des autres. D'une douce violence lorsqu'il s'agit des sentiments éprouvés par La Folle à l'affection que finit par lui vouer Carlos, du verbiage ridicule de la première dame au mépris sadique de Pinochet/Pinocchio. « Je hais la poésie comme je l'ai dit à ce connard de journaliste qui m'a demandé si je lisais Neruda… Vous voulez que je vous fasse un aveu ? Je hais les poèmes. Je n'aime ni en entendre ni en lire ni en écrire, rien du tout. Où est-ce qu'il est allé chercher une question aussi conne ? Pourquoi ne pas me demander si je fais de la danse classique, tant qu'on y est » (p. 122).

Ce roman est empreint d'événements biographiques et réels qui donnent souvent la chair de poule et qui fait écho à un autre Chilien, Luis Sepulveda, lui aussi témoin et victime de la trop longue gouvernance dictatoriale.

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