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3.93/5 (sur 38 notes)

Nationalité : Chili
Né(e) à : Santiago , le 21/11/1952
Mort(e) à : Santiago , le 23/01/2015
Biographie :

Narrateur, chroniqueur, cinéaste et plasticien chilien.
Pedro Lemebel (né à Valparaíso en 1955) est un auteur chilien. Il est connu pour sa critique aiguisée de l'autoritarisme et sa peinture humoristique de la vie chilienne, vue depuis une perspective queer.

Son œuvre écrite aborde les thèmes de la marginalité chilienne, l'homosexualité et les remous politiques, utilisant plusieurs références autobiographiques. Son style irrévérent est connu dans toute l'Amérique latine, et au-delà. Ses livres sont traduits en français, italien et anglais.
En tant qu'artiste performeur, son travail se caractérise par l'usage de sa propre expérience et de la provocation, comme outils pour une critique sociale et politique.

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Bibliographie de Pedro Lemebel   (3)Voir plus

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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Toutes ces émissions sur le sujet avaient fini par la sensibiliser, par l’émouvoir au point d’en avoir la larme à l’œil chaque fois qu’elle entendait les témoignages de ces femmes à qui on avait arraché un mari, un fils ou un autre parent dans la nuit noire de la dictature. Elle osait à présent dire dictature et non pas gouvernement militaire…

p. 110.
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Lucia s’adressant à son mari Augusto Pinochet :

Je ne te reproche jamais d’avoir voulu acheter ce pistolet de Hitler, à Madrid, quand on y était pour les funérailles de Franco. Tu te rends compte, vouloir dépenser trente mille dollars pour une camelote pareille ! Sans compter que tu n’étais même pas certain qu’elle soit authentique… Tu te serais fait avoir comme un benêt de gringo par ces voleurs d’Espagnols.

p. 65-66
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Comment est-ce qu'on regarde quelque chose qu'on ne verra plus jamais ?
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Est-ce que je peux mettre de la musique, torero ? Carlos leva le nez de ses papiers. Une fois de plus la Folle le surprenait avec sa fantaisie baroque. Avec sa maniere de rehausser jusqu'au plus insignifiant des instants. II la regarda, ébahi. Juchée sur un rocher, la nappe constellée d'oiseaux et de petits anges nouée autour du cou, elle posait comme un modèle. Ses lunettes de chatte lui ajoutant de la prestance, elle mordillait coquettement une petite fleur, ses mains gantées de pois jaunes et ses doigts torsadés en l'air dans un geste andalou. II la regarda, amusé, marquant une pause dans son activité. Et ce fut lui qui, décidant de participer à la scène gitane en tant que spectateur, appuya sur le bouton du magnétophone pour la voir tourbillonner et se trémousser, comme s'il devait rester là pour toujours à applaudir les mimiques, les « baisers sorciers » que la Folle lui envoyait en soufflant des cœurs, des mouchoirs cramoisis qu'elle faisait flamboyer près de sa hanche, se cambrant comme une tige, comme une danseuse aux pieds nus, claquant des pieds sur la terre mouillée, sur la mousse verte de vert citron, de vert basilic, de vert que je taime comme les hautes herbes vertes de tant de verte espérance et de noire solitude.
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Ta générosité me touche, mon amour, et je voudrais voir le monde avec cette innocence qui me tend les bras. Mais, à mon âge, je ne peux pas partir en courant derrière un rêve comme une vieille folle. Ce qui nous a fait nous rencontrer, c'est deux histoires qui n'ont jamais fait que se donner la main au milieu des événements. Et ce qui ne s'est pas passé à ce moment-là ne se passera jamais nulle part.
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A chaque période d'absence de Carlos, un abîme insondable crevassait ce paysage, car elle repensait à lui, si jeune et elle si âgée, si beau et elle si déplumée par les années. Ce petit homme si subtilement masculin, et elle, pédé comme un phoque, si foncièrement tapette que l'air autour d'elle était imprégné de ses émanations lopette. Qu'est-ce qu'elle y pouvait ? A cause de lui, elle était au bord du trépas, comme un papier de soie fané par son haleine moite. Qu'est-ce qu'elle y pouvait, si sa vie avait toujours été illuminée par l'interdit, si sa vie était une voix de tango muselée d'impossible ?

Qui aurait pu deviner quand l'amour,
le vrai, nous frapperait en plein cœur :
quand il est trop tard et qu'on est fichu,
prisonniers du fourvoiement.
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Elle ne sortait pas souvent lécher les vitrines, comme disaient ses copines qui habitaient à l'autre bout de la ville. Lupe, Fabiola et Grenouille, ses uniques sœurs tapettes qui louaient une grande maison du côté de Recoleta, près du Cimetière général, dans ce quartier poussiéreux de taudis, d'impasses et de débits de boissons aux coins des rues où ça grouillait d'hommes, surtout des jeunes issus des quartiers pauvres bourrés du matin au soir et qui tournaient au vinaigre sous le soleil. Ivres et sans le sou comme ils étaient, ses copines n'avaient aucun mal à les traîner jusque chez elles et, une fois à l'intérieur, à les gorger de vin rouge pour finir toutes les trois le cul en l'air à partager les caresses baveuses d'un mâle chaud comme la braise. Tu ne sais pas ce que tu rates en ne venant pas plus souvent, ma jolie, la narguait Lupe, la plus jeune des trois, une boute-en train de trente ans à la peau mate, la seule qui pouvait encore se permettre de faire son show et de s'habiller comme Carmen Miranda, avec une minijupe en bananes qu'elle secouait à la face des zonards bourrés pour les réveiller.
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Avec la suavité d'une geisha, elle sortit de sa bouche et empoigna la tête chauve et luisante, l'observa se dresser devant son visage et, de sa langue baveuse, aiguisée comme une flèche, le chatouilla, dessina son contour mauve. C'est de l'art amoureux, se répétait-elle infatigablement, respirant les vapeurs de male étrusque qu'exhalait ce champignon lunaire. Les femmes ne savent pas faire ça, s'imagina-t-elle, elles se contentent de sucer, alors que les folles exécutent une broderie chantante, jouent une symphonie. Les femmes ne font qu'aspirer, tandis que la bouche de lopette prépare la fiancée, lui envoie d'abord de la vapeur. La folle déguste d'abord, avant de laisser s'exprimer son sens lyrique dans le micro charnel qui diffuse sa libation radiophonique. C'est comme chanter, conclut-elle, interpréter pour Carlos un hymne d'amour qui s'adresse à son cœur. Mais il ne le saura jamais, confia-t-elle tristement à la poupée qu'elle tenait dans sa main et qui la regardait tendrement de son œil de cyclope. Carlos est bourré, il dort comme un loir, il ne saura jamais quel a été son meilleur cadeau d'anniversaire, dit-elle à la marionnette brune, embrassant avec une douceur de velours son petit méat en forme de bouche japonaise. Et, en guise de réponse, le pantin solidaire lui accorda une larme de verre pour lubrifier le chant asséché de sa solitude incomprise.
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Comme chaque année, le printemps était arrivé à Santiago, mais cette fois il charriait avec lui les couleurs vibrantes des murs barbouillés de graffitis virulents et de slogans libertaires, les mobilisations syndicales et les manifestations d'étudiants dispersées par la police à grand renfort de canons à eau. Les gamins de l'université résistaient à coups de pierres aux geysers répugnants des flics. Ils revenaient infatigablement à la charge et finissaient par prendre la rue d'assaut avec leur tendresse Molotov enflammée de colère. Ils posaient des bombes pour provoquer des pannes d'électricité et tout le monde achetait des bougies, en stockait à qui mieux mieux pour éclairer les rues et les caniveaux, pour que des braises arrosent la mémoire et que des étincelles fissurent l'oubli. Comme s'ils attrapaient la queue d'une comète pour qu'elle frôle la terre en hommage à tant de disparus.
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Ton souffle fatal
feu lent
qui brûle mes désirs
et mon cœur

Le souvenir de cette chanson de Sandro l'incita à allumer la radio, histoire de remplir de ballades romantiques le vide laissé par l'absence de Carlos et de combler de roses et de soupirs la marque de son corps creusée dans les coussins. Ah, et puis pour que la radio me le chante dans le silence de tombeau qui envahit cette maison dès qu'il n'y est plus. Mais elle eut beau tourner le bouton à la recherche de son baume musical, toutes les ondes diffusaient à l'unisson la voix du Dictateur. Quelle horreur ! Comme si ce schnock ne s'exprimait pas assez. Comme si on ne savait pas qu'il est le seul à donner des ordres dans ce putain de pays où on ne peut même pas se payer un tourne-disque pour écouter ce qu'on veut.
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