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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Peut-être bien plus qu'en 2011, date de sa parution, le Bloc de Jérôme Leroy résonne dans une actualité où les blocs justement se polarisent de plus en plus que ce soit lors des dernières élections présidentielles en France ou plus récemment lors de la tragédie qui s'est déroulée aux USA à Charlottesville en Virginie, en marge des affrontements entre membres du suprématisme blanc et militants antiracistes. Portrait d'un mouvement politique d'extrême droite, le Bloc a également inspiré le réalisateur Lucas Belvaux pour son film Chez Nous qui vient de sortir dans les salles et dont le scénario, très éloigné du roman original, a été coécrit en collaboration avec l'auteur du récit.

Une nuit. Les émeutes font rage en France et les victimes s'additionnent sur le compteur qu'égrènent la plupart des chaînes de télévision. Mais cette nuit il est surtout question des négociations qui se jouent entre le pouvoir en place et Agnès Dorgelles, la présidente du groupe d'extrême droite le Bloc Patriotique. Sur la balance, il y a l'exécution de Stanko, militant de la première heure, qui se joue. Sur la balance, il y a le destin d'Antoine Maynard qui intégrera peut-être la prochaine formation gouvernementale. Stanko sacrifié, Antoine sanctifié, il est temps pour ces deux complices de se remémorer toutes ces années de fureurs, de manipulations et de secrets inavouables qui les ont conduit à cet aboutissement de 25 ans de militantisme au sein de la plus trouble des formations politiques. Une nuit seulement pour se souvenir et mourir peut-être.

S'ils ne sont pas traités sous la forme d'un pamphlet ou d'un brûlot, les sujets abordant le thème de l'extrême droite font régulièrement l'objet de critiques virulentes avec des détracteurs toujours prompts à évoquer une espèce de complicité ou de fascination de l'auteur pour les membres de ces groupuscules radicaux qu'ils décrivent. Pourtant que ce soit avec Fasciste de Thierry Marignac, ou le Bloc, transposition fictive d'un parti politique français, aux thèses extrémistes, tristement célèbre, il devient impérieux de découvrir qui se cache derrière l'anonymat des chiffres que l'on nous assène lors des diverses périodes électorales. Sous la forme d'un roman noir qui s'articule sur la rétrospective de deux personnages passant en revue le fil de leurs engagements politiques, Jérôme Leroy dresse les portraits inquiétants des différentes mouvances qui composent la diaspora du Bloc Patriotique où l'on observe une véritable mutation qui s'illustre sous un vernis technocratique permettant de véhiculer d'une manière plus décomplexée les idéologies les plus abjectes. Au gré des évocations, l'une des grilles de lecture de l'ouvrage consistera donc à déterminer quels sont les personnages, les villes et autres affaires politiques faisant référence au Front National que Jérôme Leroy développe sous l'angle d'une fiction habile où l'évolution des mouvances de l'extrême droite est intégrée dans son contexte historique mais également par l'entremise des idéologies véhiculées par une cohorte d'écrivains comme Drieu, Brasillach ou Chardonne que l'on découvre au travers d'un catalogue littéraire richement étoffé qui jalonne l'ensemble du récit.

La construction narrative s'effectue sur un mode binaire où l'auteur développe une alternance des points de vue d'Antoine Maynard et de Stanko qui s'égrène au rythme des chapitres composant le roman. On suit ainsi les parcours respectifs de ces deux personnages sulfureux qui, au terme d'une nuit décisive, vont voir leur destin basculer. Maynard c'est le militant intellectuel qui a embrassé la cause fasciste davantage par provocation que par conviction. Petit fils d'un résistant communiste, grand amateur de littérature et d'une certaine forme de violence que lui offre cette idéologie il gravit les échelons et devient l'un des pontes du parti en épousant Agnès Dorgelles présidente du Bloc Patriotique qui succède à son père. Rédigé en employant la deuxième personne, les chapitres concernant Maynard distillent un certain malaise avec cette sensation de complicité qui se développe au fil du récit, ceci d'autant plus que le personnage présente de nombreuses caractéristiques propres à l'auteur. Mais au-delà du détachement romantique ou d'une certaine forme dandysme exacerbé, voire même de nihilisme, Maynard est bien le misérable salaud qui n'hésite pas à sacrifier son meilleur ami sur l'autel de la respectabilité dont son parti a toujours été en quête. Rongé par la haine et révolté par l'injustice sociale dont ses proches ont toujours été victime, Stanko est le nervi intègre du mouvement politique qui a mis en place le service de sécurité Alpha, une espèce de garde prétorienne composée de tueurs froids et déterminés qui se sont désormais retournés contre lui. Parce qu'il est trop compromis, parce qu'il en sait trop, parce qu'il ne correspond plus à la ligne du parti, Stanko est le fils prodigue qu'Agnès Dorgelles et Antoine Maynard doivent sacrifier pour parvenir dans les coulisses du pouvoir en place. On assiste donc à cette traque violente, parfois sanglante tout en découvrant les arcanes d'un mouvement politique en pleine mutation afin de cultiver sa longue quête du rejet et de la haine de l'autre.

Roman noir incisif et perturbant, le Bloc est résolument ancré sur un registre humain en distillant ainsi son lot de malaises et d'émotions afin de mieux appréhender et mesurer la colère de ces hommes et de ces femmes qui ne se reconnaissent plus dans les formations politiques traditionnelles qui n'ont fait que les décevoir. La logique du repli sur soi et de l'exclusion peut se mettre en place.

Jérôme Leroy : le Bloch. Folio policier 2011.

A lire en écoutant : On Est Chez Nous de Zebda. Album : Essence Ordinaire. Barclay 1998.
Lien : http://monromannoiretbienser..
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J'ai lu ce roman dans la semaine à cheval sur le second tour de l'élection présidentielle française. C'est le livre qui a inspiré le film de Lucas Belvaux, Chez nous, mais franchement le lien entre le film et le roman est assez anecdotique, je trouve. Ce dernier fait froid dans le dos, mais il faut reconnaître qu'il est diaboliquement construit. Il met en scène tour à tour deux personnages du Bloc, un parti qui ressemble à s'y méprendre au FN (non, ce n'est pas seulement parce que j'étais tellement dans le stress de ce choix du second tour), deux hommes, l'un, Antoine Maynard, cultivé, aisé, élégant, et… compagnon d'Agnès Dorgelles, la fille du fondateur du Bloc, l'autre, Stéphane Stankowiac, peu éduqué, d'origine modeste, et en cavale. Car durant cette longue nuit romanesque, Agnès négocie avec le gouvernement en place l'entrée au pouvoir du Bloc, pour contrer les émeutes meurtrières qui secouent la France depuis plusieurs mois (toute ressemblance avec les émeutes de novembre 2005 n'est évidemment pas fortuite) ; le prix de cette prise de pouvoir : l'élimination de Stanko, symbole des années de violence plus ou moins cachée, de règlements de compte, de fascisme affiché à l'intérieur du Bloc.

Dans son bel appartement feutré, Antoine se parle à lui-même en tu, dans le métro, dans les rues de Paris, dans sa piaule minable, Stanko parle en je mais tous deux se souviennent en attendant l'un, la femme qu'il aime encore passionnément, l'autre, la mort qui ne tardera pas. Ils se souviennent de leur enfance, de leur jeunesse, de leurs amours, de leur entrée au Bloc et de leur montée en grade, des conseils politiques avec « le Vieux » (Dorgelles), du racisme ordinaire, des magouilles, des expéditions punitives contre des opposants ou des extrémistes de l'autre bord ou même des gens du parti qui dépassaient les bornes. Au fur et à mesure que la nuit s'avance, on se rend compte des liens profonds qui unissent les deux hommes entre eux et avec le parti. C'est construit comme une tragédie grecque (pleine de références culturelles), avec cette unité de temps sur une nuit, avec de la trahison, de la nostalgie d'un âge d'or, d'une France rêvée, avec la mort au bout de la pièce savamment orchestrée. Avec de la violence aussi, beaucoup de violence, des pulsions qui font frémir, qui révulsent.

Un livre engagé, qui prend parti, c'est certain, mais en nous faisant vivre de l'intérieur la vie de ce parti que Jérôme Leroy dénonce. C'est fascinant. C'est troublant. C'est flippant.
Lien : http://desmotsetdesnotes.wor..
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Suite à des émeutes et des centaines de morts, le président français n'a d'autre choix que d'appeler au gouvernement des membres du Bloc, parti d'extrême droite, qui semble être l'unique recours face à cette crise. La nuit où tout se négocie, Antoine Maynard et Stanko, dignitaires du parti se souviennent de leur amitié développée au sein de l'engeance. L'un dans un appartement luxueux des beaux quartiers, l'autre dans un hôtel sordide. Violence, tragédies, secrets, manipulations, ils ont ensemble contribué à la montée en puissance de cette formation, unis comme des frères, il ne devra pourtant en rester qu'un à l'issue de cette nuit.


Bien qu'écrit une dizaine d'années en arrière ce roman noir est furieusement d'actualité quand on observe les résultats des dernières élections. On balance ici entre uchronie et dystopie, Jérôme Leroy excelle dans le « et si », et insère une sorte de poil à gratter dans votre cerveau. Il ne pointe pas du doigt le pourquoi des émeutes mais préfère s'intéresser au comment et surtout avec quels hommes on arrive à passer d'un embryon identitaire à un parti éligible. Bien sûr, on voit poindre quelques idéologies mais l'auteur veut en premier nous montrer les visages qui se cachent derrière.
Le lecteur trouvera, sans souci, des ressemblances avec des dirigeants actuels : un père aux côtés sombres et sa fille plus respectable et d'autres, retirés ou en dissidence.


L'auteur propose donc de suivre le parcours de deux hommes avec en premier lieu ce qui peut paraître comme un cliché avec Stanko, issu d'une famille ayant migré dans le Nord dans une ville désoeuvrée. Look à la skinhead mais portant le costume si nécessaire. Parcours scolaire compliqué, pas d'avenir ou alors en gris très sombre, quelques conneries, militaire, puis progressivement on vire à droite toute. On fait le coup de poing pour déverser sa frustration sur des présumés coupables de cette situation. Sans état d'âme on forme des recrues à la dure avec stage commando et plus si affinités pour le service d'ordre du parti. Stanko le bras armé si on veut, toujours prêt à l'action et sans se poser de questions, toujours terminer la mission en bon petit soldat de la cause.
De l'autre côté, un fils de et surtout un petit fils de résistant communiste, fou de littérature qui lui a d'ailleurs légué sa bibliothèque. Propre sur lui cet Antoine, brillant grâce à ses lectures et à son parcours de futur avocat. Il est tombé dans l'extrême presque par hasard, presque par défi intellectuel mais ce qui a véritablement fait pencher la balance c'est le « sexe d'une fille » en l'occurrence celui d'Agnès, la présidente du Bloc. Il l'a rencontrée jeune lors d'un week-end et il en est tombé éperdument amoureux. C'est le côté intellectuel, la part de respectabilité que veut défendre le parti. Il n'a pas une place précise dans l'organigramme mais ne cesse de défendre la cause sur les plateaux des médias.
Ce qui est dérangeant c'est l'humanité qui se dégage de ces personnages : ils aiment, sont indéfectibles en amitié, pensent à la famille. Bref on pourrait les croire d'extérieur bien sous tout rapport mais ils ont tous les deux la haine transpirante des pores de la peau, avec des racines compréhensibles pour Stanko et beaucoup plus complexe chez Maynard.


Un ouvrage où se succèdent les deux points de vue avec une narration à la deuxième personne pour Antoine comme si l'auteur voulait se confronter avec son personnage et à la première personne pour l'autre pour absorber cette frustration et cette violence qui transparaît souvent aux travers des pages.


A l'image de leurs « illustres aînés », cette nuit de gloire fera aussi l'objet d'une nouvelle version de la nuit des longs couteaux où l'on se débarrasse d'éléments gênants, sans complexe, pour enfin se draper dans une dignité de façade.


Un livre coup de poing à la limite du pamphlet, oeuvre nécessaire, même si évidemment exagérée dans ses faits, pour comprendre d'un autre angle les personnes qui font ou ont fait cette montée de l'extrême.
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Un roman noir à faire froid dans le dos, rondement mené en compagnie de deux personnages très forts et d'une narration originale le temps d'une nuit durant laquelle les dirigeants du Bloc (parti d'extrème droite) s'apprête à entrer au gouvernement pour enfin sortir de la crise limite guerre civile qui enflamme le pays.

Original, puissant et très bien fait.
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écriture très limpide excellent polar personnages dont on s interroge sur
toute ressemblance avec des personnages toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite...
je vous recommande la lecture du blog de son auteur
http://feusurlequartiergeneral.blogspot.fr/
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A relire d'urgence avant les prochaines élections !!!!!!!!!
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J'ai découvert ce livre au salon littéraire « Noir sur la ville » de Lamballe (22) en 2014 lors de lectures à la médiathèque. L'extrait choisi par les lecteurs (des comédiens) ne pouvait que susciter l'envie d'aller y voir de plus près. En effet, leur choix s'est porté sur les premières pages du roman : des phrases chocs, percutantes, une écriture efficace. En voici les premières lignes :

« Finalement, tu es devenu fasciste à cause d'un sexe de fille.
La formulation te fait sourire un instant et c'est bien la seule chose qui t'aura fait sourire aujourd'hui. On dirait une épitaphe : Antoine Maynard, devenu fasciste à cause d'un sexe de fille.
Et puis tu ne souris plus : tu sais qu'en ce moment précis, quelque part dans la ville, des hommes cherchent à tuer ton ami. Ton frère. Ton petit mec. Ou ton âme damnée, comme on disait dans les romans du monde d'avant.
Stanko. […]

Comment résister le_bloc_dedicace à ces quelques lignes ? Elles sont fortes, intrigantes, suscitant curiosité et appétit de bons mots. Je suis partie à la rencontre de l'auteur, nous avons échangé quelques mots et, bien entendu, il m'a dédicacé le livre.

Après cette rencontre avec l'auteur et ces moments forts agréables au Salon de Lamballe, me voilà enfin à la rencontre du livre (qui avait rejoint ma PAL et que j'avais un peu oublié). Et je n'ai qu'un mot pour le décrire : SENSATIONNEL.

Jérôme Leroy a un talent incroyable. Nous entrons dans la vie et la tête de deux personnalités importantes d'un parti d'extrême droite au moment où, après 25 ans de lutte, ils arrivent enfin au pouvoir. Effrayant.

C'est un roman choral dans lequel alternent deux personnages. Antoine Maynard, intellectuel de droite, époux de la fille du numéro un du parti (le vieux), qui espère un mandat de Ministre et Stanko., l'homme de main violent et ami d'Antoine. Pour l'un, l'auteur utilise le TU pour l'autre, le JE. Procédé intéressant, qui différencie bien les deux personnages et qui oblige aussi le lecteur à s'impliquer dans le roman. Nous suivons donc le parcours de ces deux personnages, de leur jeunesse à leur arrivée au parti puis la place qui leur est offerte dans un gouvernement qui a du mal à s'imposer. Ils sont aussi différents que l'est leur personnalité mais leur penchant pour la violence et les idéologies extrêmes les unissent.

Ce livre dénonce la violence et l'absurdité des idées extrêmes et surtout montre qui peuvent être ses leaders (certains personnages font vraiment penser à d'autres bien réels…) et les dangers de les voir arriver un jour au pouvoir.

Si être dans la tête de deux vrais fachos pendant 324 pages est assez déroutant, la lecture de ce roman noir a été une belle aventure littéraire.
Lien : https://lesravissementsdeval..
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