Les sourires de mon père étaient rares. La guerre les avait tous avalés avec sa grande bouche d'ogre. Alors la plus petite lumière dans ses yeux était comme un trésor.
Nous avons compris le message. C'était peut être cruel, mais il n'y avait pas d'autre solution. La guerre détruisait les vivants et aussi les morts.
- je m'appelle Gabriel, et toi ?
C'était vraiment banal comme entrée en matière, mais c'est tout ce que j'avais trouvé.
- Je m'appelleSalomé. Je vois que tu portes le dernier accessoire à la mode, toi aussi !
Elle a touché l'étoile jaune cousu sur ma veste.
J'aurais aimé avoir son âge. Pour pouvoir pleurer et dire que je voulais rentrer à la maison. Que je voulais ma vie d'avant, insouciante. Ma vie d'enfant dans un pays en paix.
Nous n'avions plus envie de marcher doucement ni en silence. Plus envie de retenir nos pas. Nous voulions courir. Nous étions des oiseaux et nos ailes se déployaient. Nous étions des chenilles devenues papillons. De grands et beaux papillons colorés.
J'ai pensé que les nazis étaient les chasseurs et que nous étions le gibier.
Sous leurs uniformes bien propres, en vérité c’était des monstres.