La chute de Spartacus est naturelle – car sa révolte est absurde, aussi longtemps qu’il hisse le drapeau de l'esclave et qu'il reconnaît implicitement à la fois l’esclavage et la divinité de l’État. Tel est le destin nécessaire de tous les mouvements de revendication qui rendent la victime réfractaire au couteau, mais non à l’autel ; de toutes les tentatives (si humainement légitimes !), qui partent d’une exigence de libération, c'est-à-dire d'une justice abstraite, et non de la liberté. C'est une loi vitale pour l’État-idole, et donc une justice concrète, que l’institution de la servitude. La révolte des serfs peut mener à un renversement de fonctions tout au plus.
L’expression religieuse est donc à l’opposé de l’expression poétique. Si la première est une limitation symbolique de l’universel, la seconde constitue son expression concrète : l’une est la manifestation certaine d’une servitude libératrice et divine, l’autre la voix même d’une liberté humaine ; l’une un rituel fixe, l’autre une mythologie.
Pour que la faculté de se gouverner de l’homme devienne idole, son humanité même doit être, à chaque moment, refusée est repoussée, comme chose sacrée, innommable et honteuse.
La divinisation du père ( et les complexes qui en dérivent) durera aussi longtemps que l'enfance de l’enfant, jusqu'à ce que ce dernier, regardant en lui-même, se verra égal au père, totalement homme. La divinisation de l’État (et la servitude qui en résulte) durera aussi longtemps que l'enfance sociale n'aura pas pris fin et que chaque homme, regardant en lui-même, ne retrouvera, dans sa propre complexité, l'État tout entier, et, dans sa propre liberté, sa nécessité.
Mourir à la guerre constitue un privilège, et un sacrifice particulièrement cher et nécessaire pour le dieu de l'état. Tuer à la guerre ne constitue pas un délit mais un mérite : verser le sang n’est alors pas criminel mais sacré.
Il y a la paix lorsque la personne humaine est, dans sa particularité, l’État tout entier, et l’État, dans sa particularité, l’humanité, la personne tout entières.
Les guerres du peuple créent la liberté ; et la liberté rend vaines les guerres.