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3,7

sur 1095 notes
Vendu comme une sorte de "Stephen King à la française", sur le bandeau de couverture de l'édition poche parue chez FOLIO pour cet été, par une Olivia de Lamberterie qui refera très bientôt l'évènement de la rentrée littéraire et d'une de nos chroniques, "Les garçons de l'été", roman d'une certaine Rebecca Lighieri (en fait, le pseudo utilisé par la romancière Emmanuelle Bayamack-Tam, lorsqu'elle sort de ses romans plus intimistes habituels) truste en fait différents genres.

En fait, ce n'est que dans sa toute dernière partie que l'on comprendra mieux pourquoi Olivia avait pensé à faire cette filiation avec le maitre de l'épouvante, avec l'irruption d'un clown maléfique qui fait forcément penser à l'affreux Pennywise, d'autant plus qu'un des personnages cite le livre en référence.


Avant ce volet qui sonde les angoisses de l'enfance avec une belle réussite et un vrai effroi , "les garçons de l'été" nous aura amené sur d'autres rives plus ou moins usitées dans la littérature française , comme la saga familiale dysfonctionnelle, le récit iniatique d'un milieu , le surf qu'on connait finalement assez peu ( sauf pour les fans de Point Break et de Patrick Swayze), et le récit choral à plusieurs voix .

En effet, l'auteur raconte la même histoire avec une succession de points de vue qui nous dévoile peu à peu des éléments de personnalités de tels ou tels personnages qui nous aident à mieux les cerner et à mieux comprendre les tenants et aboutissants d'une intrigue aussi surprenante que tortueuse.

Un récit qui déroute sans cesse, en empruntant pas mal de chemins différents en fonction de l'interlocuteur qui nous raconte l'histoire : la chronique d'un adultère de province, laisse place à une critique sans faille d'une bourgeoisie sur ses attributs et de sa réussite, et là, quelques chapitres après on a carrément une attaque de requins qui ferait passer les dents de la mer pour une aimable bluette..

Bref un roman aussi dense que construit avec une immense maestria qui constitue sans doute une de nos meilleurs lectures en poche de ces dernières semaines, et bref une lecture vraiment idéale pour cet été !!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Dès le début les Chastaing, archétype d'une famille de nantis, m'ont tapé sur les nerfs.
Les prénoms déjà ( plus des prénoms de bobos que de bourgeois pour les enfants d'ailleurs ) leur zèle à être parfaits, leurs bonnes manières cachant un cynisme et un mépris insupportables envers les socialement inférieurs, le manque de scrupules s'agissant d'eux, tout
m' horripilait. Je me suis accroché ou plutôt l'ecriture m'a accrochée, preuve du talent de l'auteur.
Je les ai détesté et j'ai été bien récompensé parce qu'ils s'en prennent plein la gueule avec l'accident de l'un des fils, surfeur, attaqué par un requin. Bien fait. Les requins sont dans leur élément naturel et c'est sont les risques du plaisir.
A ce moment, j'ai fais une pause. Parce que même si je ressent une certaine joie en voyant une personne se vautrer dans la rue ( il n'y a pas de mot en français pour décrire ce sentiment - en allemand c'est «  schadenfrende « ) la joie malsaine que m'a procuré le drame vécu par ces sales bourgeois, hum comment dire, je me suis trouvé plutôt moyenne.
J'ai repris ma lecture. L'ecriture a raccroché les wagons et mes a priori à l'égard de certains personnages sont tombés.
Il y a des chapitres magnifiques d'emotion, d'amour, de subtilité. de rage, de cruauté et d'horreur.
Pour conclure, j'ai aimé ce roman.
Pour conclure, je n'ai pas aimé ce roman.
C'est une chose qui m'arrive rarement, le parfum de Süskind m'avait laissé la même impression.

Ceci est ma première critique, l'exercice est intimidant. Je ne serais jamais à la hauteur du talent éblouissant de quelques unes lues ici - notamment celles étourdissantes d‘Antyrya et De Paola93130 - j'espère surtout que vous aurez envie de lire ce livre pour vous faire votre propre avis.

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La famille Chastaing semble être une famille parfaite et heureuse. Jérôme est pharmacien, Mylène la maman gère la maison en experte, les deux fils Thadée l'aîné et Zachée sont brillants, beaux comme des dieux et sportifs accomplis et la petite dernière Ysée est discrète et un peu bizarre.
Le genre de famille que lorsqu'on la croise, on envie sa perfection. Un peu comme le sketch du blond de Gad Elmaleh.

Au fil des pages, bien sûr le vernis se fissure, se craquèle dangereusement et on assiste médusé à la mise en lumière (ou en abîme) des travers de chacun des membres de la famille.

Un accident de surf à la Réunion, une jambe croquée par un requin pour l'aîné et tout part en vrille, descente aux Enfers assurée.

Parce que l'accident est le bouton déclencheur d'événements dévastateurs et révélateur de la véritable face de cette famille.


Roman noir, sombre, captivant et en même temps monstrueux et dérangeant. Histoire assez horrible en fait mais bien racontée par le point de vue des différents personnages.

Je n'ai pas eu le coup de coeur car dans un roman j'aime m'attacher à un personnage et là aucun ne m'a vraiment touchée peut être Zachée un peu plus et encore.
Overdose de termes de surf aussi. C'est pas demain la veille que je m'y mets.




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J'ai lu ce roman d'une traite, une belle surprise. Surtout ne lisez pas le résumé au dessus qui en dit beaucoup trop sur l'histoire.
Il faut mieux se laisser porter par l'histoire de ces deux frères Thadée et Zachée, beaux et intelligents, sportifs, de vrais surfeurs, portés aux nues par une mère qui dit elle même qu'elle a enfanté des titans. C'est vous dire la très haute opinion qu'elle a de sa progéniture et de sa famille. Vous rajoutez une petite soeur un peu spéciale, "chelou" de l'avis de ses grands frères et un mari pharmacien. La première base du tableau est en place.
Sauf que l'accident de surf à la Réunion de Thadée change la donne, la famille si parfaite en apparence se fissure, les secrets flottent à la surface, les côtés sombres passent à l'action.
J'ai bien aimé la façon de l'auteure de créer cette famille si imparfaite sous ses airs de perfection, la chute de cette mère qui se comporte tel un empereur avec ses rêves de gloire et de conquête pour ses fils. Nous suivons aussi, pendant quelques temps, le way of life des surfeurs.
j'ai un peu moins accroché au dernier quart du roman, peut être que le trait était un peu trop forcé à mon goût. Même si je n'ai pas été surprise par la tournure des événements, la tension monte lentement mais sûrement, j'ai passé un agréable moment de lecture.
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Voilà une histoire déconcertante qui débute très légèrement, agaçante même, avec des personnages exaspérants d'auto-suffisance, partagés entre leur vie de petits bourgeois et leurs travers respectifs.
Mylène, la mère, particulièrement agaçante, voue une véritable adoration à ses deux fils, surfers accomplis, beaux gosses et intelligents de surcroît, tandis que Jérôme, le père, très pénétré de son rôle éducatif, entretient une relation extra-conjugale vieille de vingt ans, sur laquelle il s'épanche crûment.
Thadée, le superbe fils aîné, déborde d'arrogance et de perversité, tandis que Zachée, son cadet, le seul à être plus ou moins équilibré, tente de trouver sa place dans le coeur des siens.
Yzé, quant à elle, est une petite soeur renfermée, passionnée de dessin et d'entomologie, collectionneuse d'insectes morts mais, l'air de rien, très observatrice.

Quand le destin frappe Thadée en le mutilant dans sa chair, lui otant du même coup la possibilté de s'adonner à son sport favori ou à faire le joli coeur, c'est tout l'édifice familial qui s'écroule et, en tant que lecteur, on est persuadé de se trouver face à un roman sur la résilience.
Et, en effet, on suit l'évolution de Thadée sur deux années.
D'abord renfermé, déprimé, il retrouve petit à petit l'envie de bouger, allant jusqu'à défier à nouveau les rouleaux de l'océan.
Mais très vite il se rend compte que jamais il ne rattrapera le niveau de son frère...
C'est alors que le poison commence à s'insinuer dans son âme déjà pervertie.
Et c'est le deuxième drame qui, cette fois, va basculer dans la folie, la vengeance et l'horreur.

Totalement inattendu pour moi car j'évite toujours de lire le quatrième de couverture quand il sagit d'un livre noté suite à des critiques enthousiastes.
Je ne sais pas si, comme le dit Olivia de Lambertie dans Télématin, c'est du Stephen King à la française, mais il est certain que pour qui ouvre ce livre sans savoir ce qui l'attend, la surprise est de taille.
Un récit dont l'intrigue est magistralement servie par le décors des plages du sud qui la baignent d'une atmosphère à la fois chaude et sensuelle.
L'escapade de Mylène à la découverte de la Réunion, est une bulle d'oxygène dans une histoire oppressante à souhait.
Les jeunes qui évoluent autour de nos deux "demi-dieux" amènent aussi, à leur façon, une certaine légèreté à une intrigue très sombre.

Le style est fluide, ça se lit très facilement, c'est efficace, mais les personnages m'ont tellement déplu au départ que je n'ai pas réussi à m'attacher à eux et à entrer pleinement dans le suspens.
Je suis passée par toute une série d'impressions différentes pendant ma lecture, indécise quant au sens à lui donner, et c'est ce que je souhaite exprimer dans ma cote ⭐⭐⭐
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Petit bonheur de lectrice : encore une belle découverte et ce thriller m' a offert un très bon moment de lecture .
L'auteur entraîne le lecteur sur les côtes du Pays Basque et à La Réunion, paradis des surfeurs.
Deux frères ,passionnés de surf vont peu à peu contribuer à ébranler un édifice familial fondé sur les apparences.
Ils appartiennent à une famille de la petite bourgeoisie provinciale dont la mère surtout, vise rien moins que la perfection pour sa progéniture !
On se doute dès le début que l'auteur va se délecter en nous livrant une peinture au vitriol de cette famille !
Maintes fois exploitée en littérature et au cinéma, la critique de moeurs de la bourgeoisie semble toujours un thème porteur et ce roman ,un de plus , en est la preuve.

Alors, hyperréalisme ? sans doute...
Caricature ? ...pas sûr !
Pourtant ,parfois le trait est bien grossi pour laisser place à la dérision , au sarcasme ou à une forme d'humour noir.
Un texte savamment pimenté !

C'est une tranche de vie entachée par des drames qui va permettre une belle étude de caractères : celle d'un pervers surtout .
Mais elle permet aussi de jeter un regard appuyé sur un loisir devenu un mode de vie .
En effet, le lecteur est immergé dans le monde du surf et, parfois il faut le dire, englouti sous une déferlante de termes techniques. Mais, même si on ne regarde les planches que du rivage, l'intérêt reste tenu en éveil . On peut donc parler d'une narration de qualité .

C'est aussi un sujet de réflexion sur le rapport entre la société de loisir et l'environnement et sur la responsabilité de tous.
Et, ce roman dénonce à sa façon l'utilisation à outrance des milieux naturels au mépris de son écosystème .

Un roman qui donne envie de mieux connaître l'oeuvre de Rebecca Lighieri qui publie aussi sous le nom de Emmanuelle Bayamack-Tam.



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Une histoire bien tordue comme je les aime. Couple, 3 enfants, bons bourgeois de Biarritz qui, bien sûr, donne une bonne éducation à leurs enfants, offre des vacances à la montagne, à l'étranger, les initient aux sports, tout est bien comme il faut. Leurs deux fils aînés sont beaux, réussissent leurs études et se sont passionnés pour le surf qui va les emmener à l'île de la Réunion. Et là, d'un seul coup d'un seul, tout s'écroule lorsque l'un des deux perd sa jambe, bouffée par un requin. Et les ‘biens propres sur eux' ne sont pas ce que les apparences montrent. Chacun a son chapitre et dévoile sa vraie personnalité. Langage et techniques de surf disséquées, façon de Kérangal. Ce huis clos, aux personnages diaboliques, m'a fait penser aux films de Chabrol, et principalement à la grande actrice qu'est Isabelle Huppert : Violette Nozière, La cérémonie, etc. J'ai retrouvé la plume de ‘Je viens' où l'auteur écrit aussi sous le nom de Bayamack-Tam.
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Au départ, j'ai acheté le roman grâce au bandeau “Du Stephen King à la française”. Surprenant comme bandeau, non ? Forcément, il a suscité mon intérêt.
Les cent premières pages du roman ont été compliquées. Je voyais mal où l'auteure voulait nous emmener. On suit Mylène Chastaing (mère de Thadée, Zachée et Ysé) partie rejoindre ses deux fils à La Réunion après que Thadée se soit fait manger la jambe par un requin lors d'une session de surf. Mylène est plus qu'agaçante. Elle considère ses fils comme les 8èmes merveilles du monde, elle critique constamment tout et tout le monde et ne peut s'empêcher de faire des remarques désobligeantes. Mais l'écriture de Rebecca Lighieri (aka Emmanuelle Bayamack-Tam) est addictive et on tourne les pages sans s'en rendre compte. Puis on passe au point de vue du père, Jérôme. Il nous raconte son quotidien et sa vie de famille pendant que Mylène et ses fils sont encore à La Réunion. Il est seul avec Ysé, sa fille de douze ans aux centres d'intérêt très éloignés des fillettes de son âge (les reptiles, les insectes, etc.). Ensuite, on virevolte entre les points de vue des fils, de la copine de Zachée, Cindy, et d'autres personnages. On comprend peu à peu que cette famille biarrote bourgeoise n'est pas aussi parfaite qu'elle le prétend. Chacun a ses vices et ses défauts qui salissent peu à peu l'image lisse des Chastaing. Et puis il y a le drame, finalement annoncé depuis plusieurs années, et la traque que mène Ysé seule, délaissée par le reste de sa famille.
Oui, vraiment, du Stephen King à la française et une psychologie des personnages très poussée ! Tout en subtilité, Rebecca Lighieri nous emmène dans les profondeurs les plus sombres d'une famille et nous rappelle qu'on ne connait jamais vraiment les gens. Un roman au génie glaçant où l'auteure n'hésite pas à malmener ses personnages (et son lectorat !) pour surprendre. Mais un bon roman est un roman qui suscite des émotions...

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Rebecca Lighieri a dû beaucoup s'amuser à commettre cet habile hommage à nos mythes occidentaux, faisant le grand écart entre la Bible et « Ça », entre « Point Break » et la tragédie grecque. Les dieux antiques châtient l'hubris. Oedipe la ramène un peu trop, et hop! Sa femme se pend, ses fils s'entretuent, sa fille est enterrée vive. Ici, c'est pareil: madame mère n'est pas loin de prendre ses mioches pour des dieux vivants et le démenti sera cinglant: les Chastaing vont passer sous un rouleau compresseur impitoyable. Je trouve assez malin d'avoir réincarné les héros de l'antiquité en surfers qui se la pètent et les familles royales en bourgeoisie biarrote dont les enfants préparent Polytechnique...
Mais si la perversité de Thadée apparaît comme la punition infligée aux arrogants Chastaing, la rivalité des deux frères tire plutôt du côté de la Bible: après qu'Adam a fricoté avec Ève sous le pommier, le serpent est privé de ses pattes par Jehovah (si, si) et après que Thadée a tenté de forniquer avec Anouk dans la forêt, un grand requin lui bouffe la jambe!
Requin qui prive d'ailleurs le lecteur d'un tout autre livre: combien de temps Thadée aurait-il pu continuer à tricher si le requin n'avait coupé court à sa mythomanie ? De moins en moins capable de feindre, il arborera son âme sur son visage, tel un anti-Dorian Gray.
Mais foin de métaphysique: la femme est l'avenir de l'homme et les héroïnes prennent le pouvoir. Zachée sera vengé dans une scène tout droit sortie de « Millenium ». Morale de l'histoire ? Même les démons les plus séduisants sont faciles à repérer: ils peinent à jouir. Quand un homme vous dit: « Chérie, tu me plais, mais pour mieux te faire l'amour, je vais t'enduire de déjections et t'étrangler », fuyez!
C'est un conseil de bon sens et même si madame Lighieri a une façon un peu compliquée de le délivrer, il est difficile de ne pas tomber d'accord avec elle.
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Je pense ne pas avoir été et ne toujours pas être dans cette équipe. Celle de ces gars qui font tourner les têtes de celles et ceux qui les frôlent. Accident dans le continuum espace-temps, anomalie qui perturbe l'écoulement du flux tellement leur présence est irréfutable. Comme l'éléphant de Vialatte. Toujours stupéfiant à observer, comme l'arrivée d'un félin dans un documentaire animalier

Thadée (qui signifie "courageux", "donné par dieu", "nourri à la mamelle" oui, oui, ça fait beaucoup pour un si petit prénom, c'est du 3 en 1) et Zachée (voulant dire "pur et innocent"), eux, sont deux jeunes hommes à qui la vie semble avoir souri démesurément. Peut-être un peu trop, glissant vers le rictus inquiétant, la balafre hideuse.

La beauté, ce luxe naturel. Cette noblesse sans titre qui surgit au milieu des êtres sans que l'on ne sache vraiment pourquoi ni comment, ils l'ont. On les observe donc, jouir de cette facilité qu'elle peut donner dans certaines circonstances comme un lubrifiant social très élaboré. Coupe-file qui fait gagner du temps et épargne les efforts inutiles.

Ces deux frères glissent donc dans la vie comme une goutte d'eau sur un tissu hydrophobe : avec aisance et sans accrocs. Dieux bouclés, ils font la fierté de leurs parents et par dessus tout de Mylène, leur mère. On peut dire qu'elle frôle le gâtisme tant elle les admire, les bade, leur pardonne tout.

Même l'inexcusable.

Un évènement violent va venir briser cet équilibre familial et labourer les chairs, taillader le quotidien, faire saigner les apparences en logeant ses morceaux acérés dans la graisse d'un bonheur bien plus fragile que l'on ne pouvait le penser.

Cette péripétie arrive très tôt dans le roman, page 14.

Tonnerre éclatant dans un ciel paisible, tout le train-train va dérailler bien gentiment. L'aquarelle va inexorablement baver dans un Rorschach perturbant où tout le monde verra ses démons se matérialiser dans une mêlée humide.

Rebecca Lighieri, l'alias d'Emmanuelle Bayamack-Tam, excelle dans la peinture de l'adolescence et de la violence : ses tensions, ses fêlures et surtout le passage à l'acte qui couve en son sein et dont elle s'est faite une spécialité. Potion bouillonnante sous le couvercle des métamorphoses physiques, marmite frémissante. C'est un moment de vérité où le précipité des passions et des émotions peut se révéler hautement instable. On comprend que cela intéresse autant un écrivain.

Après ma lecture d"Il est des hommes qui se perdront toujours", je note qu'elle persiste dans cette direction suivant la trajectoire de personnages dans leur jeune vingtaine qui viennent à peine de s'extirper de la lessiveuse automatique qu'est cette période mais qui en gardent les stigmates.

L'adolescence n'est pas cette frontière absolue que tout le monde franchit uniformément, complètement et au même moment. Il y a des adolescents attardés, des adultes trop verts et des primeurs poussés trop vite (je pense ici à Ysé la benjamine de la famille)

Thadée et Zachée se lancent donc dans la vie, boucliers, casques et lances à la main. Héros d'une Iliade sans remparts de pierre mais où les murailles sont faites d'eau. Car oui, ces deux frères vivent, mangent et dorment surf, ce qui les mènera des plages du pays Basque à celles de la Réunion puis du Portugal.

Avertissement, vous allez devoir un peu vous plonger dans le lexique de ce sport car beaucoup de termes sont utilisés dans le récit et ils ne peuvent pas tous être compris uniquement par le contexte. En ce qui me concerne, j'adore découvrir de nouveaux mots, donc ça ne m'a pas du tout gêné.

Rebecca Lighieri a, de son propre aveu, mangé des heures de vidéos de surf et lu beaucoup de magazines pour s'acclimater à ce vocabulaire et l'incorporer à sa recette. Elle s'est également inspirée de faits-divers réels et notamment de l'histoire d'Éric Dargent dit "le surfeur d'argent".

Par d'assez courts chapitres, chaque personnage majeur de l'histoire va prendre la parole, livrant sa vérité et écornant un peu plus à chaque fois la belle photo de famille. En un cercle excentrique, de la famille nucléaire aux personnes extérieures. Exception faite de la petite soeur, Ysé (déesse) la cadette, dont la prise de parole vient terminer le récit.

Cette entorse s'explique selon moi par le caractère assez atypique de cette jeune fille et sa position dans cette famille : excentrique. Très justement.

Encore une fois, j'ai vraiment détesté certains personnages/narrateurs comme cela avait déjà été le cas dans ma précédente lecture de RL. Je m'en accommode et cela devient un attendu presque. Je pressens ce moment où je vais être percuté dans mes valeurs et ça commence à me plaire. Je gaine, mains derrière la tête, dans la perspective du crochet bas. Et je dois dire que je n'ai pas été déçu, encore une fois.

RL révèle peut-être chez moi un fond masochiste que j'avais découvert lors de ma première et dernière lecture de Guillaume Musso. Mais elle appuie dessus de tout son poids et...j'aime bien ça on dirait...quand c'est bien fait. (pizza aux anchois, table 3 pour Guillaume. T'as capté...)

De l'aveu de Rebecca Lighieri, ce roman est une autopsie de la pulsion : comment des jeunes gens parviennent à gérer cette force noire qui nous travaille tous et toutes, et comment d'autres y échouent lamentablement ou ne luttent même pas, pour certains d'entre eux.

Et je pense que c'est cette ombre portée que l'on traque partout sous la surface de ce récit, que l'on sent. Cette menace qui peut à tout moment surgir et briser les os, les vies, les vernis. Elle fait voir sa masse obscure puis disparaît comme elle est venue, laissant un goût de sang dans la bouche.

Le vrai risque c'est celui-là et c'est pour cela que l'évènenement qui arrive au début du roman n'est qu'un leurre ou une mèche à étincelles qui détourne l'attention. Les explosifs sont ici d'un tout autre ordre.

C'est bien trouvé de la part de RL de brouiller ainsi les pistes et de nous faire prendre l'ombre pour la proie.

Le surf vient mettre tout cela en exergue, par contraste : activité de plein air, de soleil, de communion avec les éléments, il véhicule une image très saine, pleine d'équilibre qui tranche tout à fait avec la noirceur qui se dégage de certains personnages et qui vient ternir l'image idyllique. (C'est RL qui le dit hein...je reprends juste)

On retrouve un sous-texte biblique également avec les prénoms de ces deux garçons et la référence explicite à un épisode vétérotestamentaire très connu. L'auteur semble ainsi jouer au dieu vengeur et courroucé qui exige un sacrifice sanglant et qui sème un chaos dramatique d'une main leste.

J'ai beaucoup aimé ce livre qui a refermé ses mâchoires sur moi sans ménagement, tirant sur mon frêle temps libre et l'emportant par gros morceaux sanguinolents. le terme happé est tout à fait à propos. Je me suis vu en grappiller des phrases, grattant quelques lignes, fébrilement, avant de partir au boulot le matin. Je ne sais qui du livre ou du lecteur ne voulait plus lâcher sa prise...

Seule la fin et son changement de ton assez inattendu ne m'ont pas paru nécessaires. Une touche de fantastique qui nuit au reste. Certains critiques ont parlé de Stephen King...le clown présent dans l'histoire n'est pas suffisant pour évoquer "le roi" selon moi. Restons sérieux.

Cela reste un bon livre dont je me souviendrais mais pas pour ces raisons et cette référence indue.

Rebecca Lighieri a une plume énergique, brutale, qui va à l'essence, quitte à jouer avec elle sans concession et frôler l'incendie. Ça commence à me plaire et me taraude agréablement la boîte à certitudes. C'est déjà bien suffisant.

Je suis toujours étonné par sa rudesse envers ses personnages dans ses interviews. Ainsi de Zachée qu'elle ne trouve pas intéressant et qui de toute façon n'a aucun mérite...Ouch. Coup de tête, balayette.

A nouveau, je m'étonne devant certains mots d'argots que je n'ai jamais entendu. Mais je prends de l'âge, je ne suis pas infaillible et je sais que selon notre situation géographique, il y a des mots qui ne franchissent pas certaines régions.

Enfin bon, si quelqu'un a déjà entendu le terme "star-star" auparavant, je veux bien qu'il me le dise dans les commentaires...ça me fout un coup de vieux...un peu comme la crème anti-cernes que j'ai reçu à mon anniversaire.

Dernier verre avant la route, j'ai apprécié cette "buanderie" que l'on retrouve dans cette maison et où beaucoup de choses se passent. Lieu mal défini. En sous-sol, souvent, chtonien, mais où l'eau, la vapeur ont aussi leurs places. Espace de stockage, de repli, caverne primordiale. On peut y fumer en soumsoum alors qu'on a officiellement arrêté à la mort de tonton André. Il y a 4 ans. Surtout, on peut y écouter les bruits primordiaux de la maison. Son pouls. J'aurais adoré avoir une buanderie. Bref, je vous laisse découvrir ce que l'on y fait chez les Chastaing.

Bonne lecture.


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