Five Feet Apart

je me retrouve devant une première volée de marches. Je les gravis l'une après l'autre, autant de pas qui me rapprochent de la liberté, autant de souffles qui mettent au défi l'univers.

Et moi
Ça fait longtemps que je me suis faite à l'idée de mourir. Je sais que ça va arriver. C'est l'issue inéluctable avec laquelle j'ai toujours vécu, le fait que je mourrais bien avant Abby et mes parents.
En revanche, je n'ai jamais été préparé à la perte.

- Je ne l'ai même pas prit dans mes bras. Jamais. Pas de contact ! Pas trop près ! Pas ci, pas ça ! Je crie, hystérique, à bout de souffle, prise de vertige. C'était mon meilleur ami et je ne l'ai jamais serré contre moi.

Si j'ai appris quelque chose cette année, c'est à quel point le deuil est destructeur. Il a détruit mes parents, il va détruire ceux de Poe, Michael.

- Du coup, si le commencement est la mort mais si la mort est également la fin, alors le véritable commencement, c'est quoi ?

ses yeux se plissent alors qu'il sourit.
- Tu voles des roses, Stella? D'abord un pas et maintenant une rose ?
Je ris avant d'esquisser un geste vers la fleur à mon oreille. - Prise en flagrant délit. En effet, je l'ai volée.
Il tire sur l'autre bout de la canne en secouant la tête.
- Non, tu lui as trouvé une meilleure place.

J'observe les flocons de neige tomber du ciel avant de venir s'écraser sur mes joues, mes paupières et mon front. J'ai été sur le toit de dizaines d'hôpitaux. A chaque fois, j'ai contemplé le monde à mes pieds avec la même sensations : dévoré par l'envie de parcourir les rues, de nager dans l'océan, de mener une vie différente.
J'ai toujours voulu des trucs que je ne pouvais pas avoir.
Sauf que désormais, ce que je veux n'est pas dehors. C'est juste là, à porter de main.
Mais c'est impossible.

Je laisse mes jambes pendre dans le vide et j'écoute une nouvelle fois son message, pour le simple plaisir d'entendre sa voix. Sa chambre n'est éclairée que par la lampe de son bureau, où elle est en train de taper à vive allure sur son ordinateur, ses longs cheveux châtains relevés en un chignon lâche.
Qu'est-ce qu'elle peut bien faire si tard?
Pense-t-elle encore à moi?

Il me raconte ce qu'il a entendu dans le couloir, la façon dont Barb a attaqué Will à propos de nous deux, sur le fait qu'être ensemble allait nous tuer.
Je ne le laisse même pas finir. Combien de temps vais-je encore vivre en ayant peur des « et si » ? Ma vie tourne autour d'un traitement strict et de pourcentages et, vu que je sors tout juste d'une opération, le risque n'est pas prêt de décroître. Les « et si » planent déjà en permanence au-dessus de ma tête et ça sera pareil avec Will.
Mais une chose est sûre : sans lui, rien ne sera pareil.
Je passe en trombe devant Poe, pousse la lourde porte, gra- vis l'escalier et traverse la passerelle jusqu'aux ascenseurs.
- Stella, attends!
Je dois voir Will.

Les mots me sautent au visage
Contamination.
Risques.
Infection. fire à la détruire.
Une petite toux, le simple fait de la toucher, peut suffire à la détruire. Je pourrais bousiller ses chances d'ave de nouveaux poumons. Je pourrais faire du mal à Stella.
Je le savais déjà, en un sens. Mais je ne me rendais pas compte à quel point.
À cette idée, je sens une onde de douleur me parcourir tous les os. Une douleur bien plus féroce que les opéra- tions, que les infections ou qu'un de ces mauvais matins me réveille à peine capable de respirer.
Pire encore que le supplice de ne pas être à son côté ou de ne pas où pouvoir la toucher.

La mort.
Voilà ce que je représente pour Stella.
Si c'est déjà dur de ne pas pouvoir être avec elle ou auprès d'elle, je n'ose même pas imaginer un monde sans elle. Surtout si c'est par ma faute.