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Critique de florigny


Belleville, Delaware, la mal nommée. Moins de 2 000 habitants, sa rue principale sinistre qui tombe en ruines, encerclée de champs de maïs et d'élevages industriels de poulets. C'est dans ce bled au milieu de nulle part que décide de s'installer Polly après avoir abandonné son mari et sa fillette lors d'un pique-nique à la plage pour s'enfuir loin d'eux et de chez elle. Mais il n'y a rien d'illégal à abandonner sa famille sur une plage, n'est-ce pas ? Elle s'étonne même que si peu de femmes le fassent. Belleville, Delaware, où l'on ne s'arrête que pour un plein d'essence ou manger un hamburger au fromage fondu et au bacon en tube, au Hé-Haut, une gargotte à la laideur désespérante où Polly se fait embaucher comme serveuse et fait la connaissance d'Adam, belle bête virile, routier là par hasard, dans l'attente d'une pièce de moteur pour son camion en rade. Dit-il... Si l'attirance sexuelle incendiaire entre Polly et Adam est immédiate, la révélation de leurs histoires et secrets est distillée au compte-gouttes par Laura Lippman.


Corps inflammable est un hommage rendu au roman noir américain en général et à James M. Cain en particulier dont Laura Lippman cite les titres les plus connus : Assurance sur la mort, le roman de Mildred Pierce, le facteur sonne toujours deux fois, comme pour signaler sa source d'inspiration. En effet, il n'est pas nécessaire d'être équipé d'une imagination délirante pour penser dès les premières pages de Corps inflammables à la station-service-restaurant Les Chênes jumeaux, à Lana Turner/Cora dans son short blanc moulé à chaud sur sa plastique ou à Frank, routard échoué aux Chênes jumeaux, comme Adam semble échoué au Hé-Haut. La comparaison s'arrête à la typologie des personnages et aux similitudes dans les décors, car l'histoire, les secrets et rebondissements sont bien différents de ceux inventés par James M. Cain, encore qu'il est également question d'assurances (sur la mort) et de talents culinaires qui évoquent ceux de Mildred Pierce. Pour bien marquer sa filiation revendiquée, Laura Lippman insiste un peu lourdement sur les goûts vintage de Polly, qu'il s'agisse de ses vêtements des années 60, ou des meubles et objets dont elle équipe son appartement, tout droits sortis de chez Purple Heart.


Corps inflammables est un roman surprenant, généreux, dont la lecture nécessite de l'attention en raison de son style dense et concentré qui n'autorise aucune distraction car les informations sur le passé des personnages sont parfois cachées, livrées au milieu d'une phrase. Les louper fait perdre le fil de l'histoire dramatique de Polly, ou des motivations réelles d'Adam. L'auteure passe sans préavis et sans rupture dans le texte, du passé au présent, d'un protagoniste à l'autre, ajoute des personnages secondaires dont les rôles s'insèrent parfois d'abord brumeusement dans l'intrigue avant de faire sens. Au final, un roman monolithique qui marque un virage dans la bibliographie de l'auteure de thrillers psychologiques.
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