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Citations sur Le cerveau sur mesure (35)

LA PLASTICITÉ D'HOMO CULTIORUS
Et si toutes les formes de plasticité cérébrale que nous venons de décrire n'existaient qu'à cause de la culture ? Pour le neuropsychologue canadien Merlin Wilfred Donald, installé à l'Université de Case Western Reserve, dans l'Ohio aux États-Unis, appartenir à une culture, communiquer à l'aide d'une même langue, c'est faire partie d'un réseau de connaissances et d'interprétations collectives, autrement dit faire partie d'une communauté cognitive. Or la pensée symbolique et le langage sont fondamentalement des phénomènes de réseau qui n'existent que grâce à l'inter-connexion et la régulation de l'activité mentale entre plusieurs cerveaux.
En réalité, à partir des principales observations provenant de l'anthropologie, de la neuropsychologie, de la primatologie et de l'archéologie, Merlin W. Donald cherche à établir une théorie générale des origines de la cognition humaine et leurs influences sur l'appareil cognitif de l'homme moderne. Ses travaux nous donnent matière à réfléchir : « Les êtres humains possèdent un cerveau éminemment malléable. Un cerveau humain en cours de développement est une sorte de boule de neige qui capture tout à son passage. [...] Mais notre "superplasticité" n'aurait aucune fonction adaptative si nous n'étions pas à la fois des sujets évoluant dans une société culturellement imprévisibles. » Selon son point de vue, pour la plupart des espèces, une « superplasticité » serait un handicap puisque cette aptitude conduit le sujet vers l'instabilité. Il se pourrait qu'un cerveau « superfaçonnable » soit, au bout du compte, une faiblesse qui n'apporte aucun avantage adaptatif si le sujet évolue dans un monde stable et prévisible, à l'inverse de celui d'Homo sapiens. En revanche, l'espace créatif, culturel, produit de l'activité mentale humaine serait le véritable moteur de la plasticité cérébrale. Dans ce cadre, le changement n'est plus d'ordre biologique mais plutôt relayé par le produit de la culture.
p. 135 et 136
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Un autre exemple de ce nouvel engouement peut être tiré des travaux de Jon Kabat-Zinn, au Center for Mind-fulness in Medicine de Worcester, aux États-Unis. Ce médecin s'intéresse au mécanisme de réduction du stress fondé sur la pleine conscience (mindfulness-based stress réduction, MBSR). Son laboratoire étudie la MBSR dans le contexte de longues maladies accompagnées de douleurs chroniques. Ces chercheurs ont montré comment la méditation pouvait inactiver des circuits nerveux autoréférents du cerveau sollicités par de fortes douleurs. En même temps, ce travail contribue à mieux comprendre les relations qui régissent l'interface corps-psyché.
On pourra enfin mentionner comme dernier exemple les travaux employant l'imagerie par résonance magnétique nucléaire fonctionnelle (IRMf) sur des pratiquants bouddhistes, adeptes de la technique dite de compassion universelle et d'amour inconditionnel. Ces recherches montrent le rôle important d'une structure cérébrale nommée l'insula impliquée dans la sensibilité des viscères profonds nommée perception intéroceptive. C'est grâce à cette structure que nous percevons nos sensations corporelles, que nous restons informés sur l'état de nos viscères et, dès lors, du niveau de notre stress et de nos humeurs. Or le volume de cette structure est corrélé directement au nombre d'heures de pratique méditative.
p. 134
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MÉDITATION ET PLASTICITÉ CÉRÉBRALE
De nombreuses traditions contemplatives considèrent la méditation comme le résultat d'une activité cérébrale particulière. À l'inverse, existe-t-il une relation de causalité entre la pratique régulière de la méditation et l'activité cérébrale ? Le fait simplement de penser, de méditer ou de contempler peut-il modifier le câblage de notre cerveau ?
La plupart des scientifiques, férus de rationalisme, pensaient que la réponse était simple et, bien sûr, négative. Cependant, on voit, depuis quelques années, des chercheurs s'intéresser à ce problème, prouvant ainsi que cette question est loin d'être triviale et mérite au moins d'être posée. C'est dans cette mouvance que la Société des neuro-sciences américaines a invité le dalaï-lama à Washington, en 2005, dans le cadre de ses rencontres annuelles où l'un d'entre nous était également invité. L'objectif affiché de la visite du dalaï-lama était de promouvoir un débat fécond autour de la méditation et des connaissances contemporaines du fonctionnement cérébral. Pour le dalaï-lama, les neurosciences ont réalisé d'énormes progrès en matière de connaissance fondamentale depuis une trentaine d'années, surtout dans les domaines de la motivation, de l'attention et de la gestion des émotions. Il était donc temps de jeter un pont entre cette discipline scientifique et la méditation ou la contemplation. La méditation, pense-t-il, n'est qu'un moyen technique pour améliorer l'attention et prendre pleinement le contrôle de ses états affectifs. Lors de sa conférence plénière, il déclarait : « Le rapprochement des neuro-sciences contemporaines et des disciplines méditatives, ou contemplatives, pourrait conduire un jour à la possibilité de comprendre l'impact de l'activité mentale intentionnelle sur le fonctionnement des circuits nerveux impliqués dans nombre de fonctions cognitives. »
p. 131 et 132
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La participation du système vestibulaire à la perception de l'environnement et à l'autoattribution des parties du corps est illustrée par les cas cliniques où sont délivrées des stimulations électriques durant des interventions neuro-chirurgicales, par exemple chez des patients épileptiques rebelles aux traitements médicamenteux. On sait que des stimulations électriques de la jonction temporo-pariétale de faible intensité induisent d'intenses illusions vestibulaires, rotatoires, qui deviennent, à de plus fortes intensités de stimulation, des illusions de chute puis de sortie du corps, de désincarnation, qui disparaissent immédiatement avec l'arrêt des stimulations électriques.
Toutes ces manipulations de l'unité corporelle offrent une interprétation scientifique aux illusions de sortie du corps et autres sensations perçues durant l'expérience d'une mort imminente, longtemps reléguées dans le domaine du mysticisme.
p. 131
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Au passage, cette expérience indique aussi à quel point l'unité corporelle n'est pas immuable, comme en témoignent aussi les cas nombreux d'illusions de sortie du corps lors d'une mort imminente. Ces illusions correspondent à une expérience corporelle extrême, déconcertante, qui, selon les cas et les sujets, se révèle être plaisante ou effrayante. L'illusion d'une sortie du corps se caractérise par l'impression de percevoir le monde selon une position élevée, désincarnée, et par l'impression de percevoir une image de son propre corps à l'extérieur des limites physiques. Le fait de se sentir inscrit dans les limites physiques de son corps, et la capacité de percevoir le monde dans cette position très égocentrée, repose sur la convergence et l'intégration correcte des signaux vestibulaires avec des informations visuelles et somesthésiques.
p. 130
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L'OLFACTION OU LE PROTOTYPE DE L'ÉPIGENÈSE
L'intégralité du monde physique qui nous entoure ne nous est accessible que par l'intermédiaire de nos organes des sens. Longtemps, les philosophes se sont penchés sur les relations qui associent le monde extérieur à notre perception, autrement dit sur les rapports de la pensée à son objet. Différents courants de pensée se sont affrontés sur la question de savoir si la perception pouvait être comprise comme pure association de sensations élémentaires ou comme totalité organisée d'emblée. Il serait déplacé ici de rouvrir cette controverse. En revanche, nous pouvons remarquer que cette question philosophique s'ouvre aujourd'hui à la pratique expérimentale. Depuis qu'elle fait l'objet de recherches scientifiques conduites par les spécialistes du cerveau, les conjectures font place à l'expérimentation. Les psychologues et autres neurobiologistes qui souhaitent étudier le monde réel se placent, avant tout, d'un point de vue subjectif, et ce, au sens propre du terme, c'est-à-dire « qui relève du sujet », un être souffrant, aimant, un sujet passionné en somme.
p. 120
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Ce territoire avancé du cortex agit en effet comme un contrôleur capable d'anticiper, de planifier, d'évaluer sans cesse les alternatives possibles, de rendre conscientes les émotions négatives (avec le cortex préfrontal droit) ou positives (cortex préfrontal gauche) et d'assurer les fonctions exécutives. Cependant, la fonction dominante de ce contrôleur zélé tient dans la remarquable inhibition qu'il est capable d'exercer. Il peut, si l'envie lui prend, stopper brutalement la programmation d'un mouvement avant même qu'il ne soit exécuté. C'est grâce à son action sur l'amygdale que nous pouvons refréner une joie ou refouler l'apparition d'une larme, en public. Le cortex préfrontal est donc le support même de l'Homo sociable qui, même devant la plus grande injustice, peut toujours garder son calme. Or, chez l'adolescent, cette région corticale reste encore immature ; elle n'est pas capable d'apporter la stabilité émotionnelle qui caractérise (en principe) l'adulte devenu sage, d'où des comportements instables, parfois à risques, chez certains adolescents.
Cette immaturité qui se caractérise par une grande instabilité des fonctions cognitives de l'adolescent pose d'ailleurs le problème de l'efficacité des sélections scolaires opérées au collège sur des sujets dont les capacités psychiques ne se ressemblent pas d'un mois à l'autre. Nous reviendrons aussi, au chapitre consacré au cerveau malade, sur la très grande vulnérabilité du cerveau adolescent à sombrer dans les maladies mentales ou les troubles de l'addiction.
p. 115 et 116
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Tous les travaux chez les adolescents confirment que leur cerveau n'a pas encore atteint la pleine maturité. Si le cerveau d'un enfant de 10 ans représente déjà 90 % du volume de l'adulte, le chantier reste encore loin d'être achevé. L'imagerie cérébrale indique par exemple qu'il continue de croître jusqu'entre 20 et 30 ans ; ses neurones voient leur gaine de myéline les envelopper de plus en plus étroitement. Le cerveau adolescent subit aussi d'importantes modifications structurelles sous l'action des grandes poussées hormonales et cela même après la puberté. Une seconde vague de formation des synapses et d'élagage culmine à l'adolescence (entre 12 et 20 ans), après la première vague de l'enfance. Plusieurs zones sont particulièrement concernées par ces remaniements secondaires. La première concerne le striatum qui contribue à la régulation des systèmes désirants ; il sera responsable des conduites à risques des adolescents en quête de récompenses immédiates. La seconde concerne la région épiphysaire qui sécrète la mélatonine permettant de synchroniser nos activités avec la lumière du jour. On le sait, l'adolescent qui produit de la mélatonine beaucoup plus tardivement dans la journée que le jeune ou l'adulte, présente de grandes difficultés à l'endormissement avant minuit. Enfin, le cortex préfrontal est aussi la cible privilégiée où peuvent s'exercer de grands remaniements des circuits de l'adolescent.
p. 115
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C'est grâce à cette forme étendue d'ontogenèse, que la plasticité de l'organisme peut exercer ses pouvoirs en favorisant les changements de forme des neurones, en facilitant le remplacement des contacts nerveux ou encore en permettant l'addition et l'élimination de certains neurones. La dynamique conservée des circuits nerveux permet aux processus d'adaptation de s'exprimer au niveau de l'individu et non plus, comme chez les invertébrés, par la sélection de clones.
p. 100
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CHAPITRE 3

L'atelier du cerveau

« Vivre signifie repousser sans cesse quelque chose qui veut mourir. »
Friedrich Wilhelm Nietzsche, Le Gai Savoir, 1887.

La conservation de la vie sur la Terre est aussi exigeante que celle de l'énergie : comme cette dernière, elle se dégrade en permanence, et chaque organisme vivant est appelé à sombrer inéluctablement dans le chaos. La vie ne reste alors possible que grâce à des outils de réparation, de restauration et de reconstruction des organes dégradés, jusqu'à la fermeture de l'atelier pour cause de décès.
p. 99
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