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Critique de ODP31


ODP31
13 septembre 2020
Après Croc-Blanc, Croc Rouge…
Croque riche, Jack London a toujours eu la dent dure contre le capitalisme.
Il faut dire qu'il est né dans un quartier ouvrier de San Francisco en 1876 et qu'il est tombé très jeune dans la marmite vide de la misère. Pas vraiment un horizon de magnat. Adolescent, il travailla dans une fabrique de conserves avant d'enchainer d'autres métiers pénibles. Il a adhéré dès 1896 au Socialist Labor Party et le succès de ses romans n'embourgeoisa jamais ses idées teintées de rouge.
Ce talon de fer un peu rouillé aiguille sur les convictions marxistes de Jack London. Loin de l'Appel de la forêt, ce roman d'anticipation publié en 1908 appelle plutôt la révolution prolétarienne de ses voeux et prophétise une guerre imminente avec l'Allemagne et annonce certains régimes fascistes.
London imagine dans ce roman d'anticipation une révolution armée du Peuple de l'abîme (joli titre d'un autre ouvrage de l'auteur) pour renverser la ploutocratie, régime grossissant gouverné par les plus fortunés.
J'ai apprécié la construction originale de ce récit. Il se présente comme un manuscrit retrouvé en 2368 dans une grotte où s'était cachée Avis, l'épouse d'un révolutionnaire mythique, Ernest Everhard, et publié trois siècles plus tard. le journal débute en 1912, soit 4 ans après la publication du livre et s'achève en 1932 au milieu d'une phrase... Vous suivez ? Quel est l'âge du Capitaine ? Vous avez deux heures.
Dans la première et longue partie, on a droit, au Kapital pour les Nuls. En 1912, Ernest, intellectuel et tribun charismatique multiplie les débats et impose ses idées révolutionnaires. Il arrive à convaincre un scientifique, sa bourgeoise de fille, narratrice du roman et qui deviendra son épouse, et un évêque. Il s'oppose à la ploutocratie qui opprime les ouvriers. Les échanges sont houleux mais l'éloquence d'Ernest écrase les auditoires que cela soit dans les diners mondains ou lors de séances parlementaires explosives. L'homme annonce très tôt que la révolte armée sera incontournable et sanglante. le système se défend, les grèves sont cassées, les leaders syndicaux soudoyés, les élus du peuple emprisonnés.
Cette partie, plus pamphlétaire que romanesque ne m'a pas passionné. A sa décharge, au moment de l'écriture, son idéologie n'est pas encore passée aux travaux pratiques à coups de faucilles et de marteaux et l'auteur n'a donc pas le recul que le lecteur d'aujourd'hui peut avoir sur les "paradis" soviétiques, chinois et Vénézuéliens. En revanche, son intuition du fascisme a impressionné beaucoup de ses célèbres préfaceurs et commentateurs, d'Anatole France à Trotski qui ont fait de son roman, le "classique de la Révolution".
London vulgarise donc les idées marxistes dans un but de propagande évident. On peut reprocher à l'auteur de ne lui opposer aucun adversaire digne de ce nom. Heureusement, l'histoire d'amour entre le fils du peuple et la narratrice permet de sauver le récit d'une séance du Politburo.
J'ai retrouvé le London que j'adore quand le récit passe à l'action en imaginant des actions clandestines, des agents doubles et une première tentative d'insurrection qu'il appelle « La commune de Chicago », la référence à la Commune de Paris est évidente, qui va échouer et précipiter l'apogée d'un régime fasciste. Les personnages s'incarnent dans le combat, la guérilla urbaine est magnifiquement restituée dans toute son horreur. le don de London pour l'aventure et son génie dès qu'il s'agit de titiller les instincts humains se déploient et ces quelques chapitres méritent à eux seuls la lecture de ce roman.
Loin de Martin Eden, mon livre sacré, ce talon de fer, talion des ouvriers, utopie socialiste, roman très politique, reste une lecture utile pour comprendre la psychologie des personnages des autres romans de Jack London, tous porteurs du gêne de la rébellion.
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