Pendant une cinquantaine de pages je me suis demandé si je ne me lasserais pas du style original de ce fieffé Lopez, si rien d'essentiel ne venait rapidement pimenter un évènementiel fait de nonchalance forcenée. Et puis je suis rentré dans sa gamberge, de plus en plus accroché finalement, en me disant qu'il était peut-être une sorte de
Proust de banlieue...
Son Jonas est de la "génération beuh". Alors qu'il grandissait dans une banlieue quelconque, en région parisienne peut-être et juste avant la campagne, son père fumait déjà des joints. du coup il a commencé tôt lui aussi, comme ses copains du quartier aux surnoms improbables. Tout le monde fume sans se poser de question. Souvent, beaucoup.
De là peut-être sa nonchalance avisée, comme un désengagement délibéré. Il a de la mémoire et de la jugeotte, Jonas. Il a tout retenu de l'enfance, fidèle aux potes qui n'ont pas changé. Comme eux il est un peu chelou, pas pressé de réussir sa vie, pas très combatif quoi qu'il soit plutôt bon comme boxeur. S'il fumait moins, s'il buvait moins, il pourrait d'ailleurs sûrement briller sur les rings mais bon, c'est comme ça.
Il nous raconte son monde parallèle, ses journées de rien, le temps gaspillé en bande autour des jeux de cartes, les joints chargés à donf qui circulent et les vannes qui fusent du coup, sa copine occasionnelle fan de son cunnilingus, les virées très très arrosées, les pétages de plomb, et puis la boxe qui l'air de rien compte pas pour du beurre.
Ni bourgeois ni bouseux, ni gangster ni rasta, avec ses mots jaillis d'une oisiveté marginale Jonas nous dit les maux de sa vie sans repère, sa "djeunesse" désenchantée des années Mitterand.
C'est souvent bien vu, c'est sensible, c'est parfois drôle et au final c'est beau comme la tristesse qui dit bonjour, deux ou trois générations après
Sagan...