L'OEil de Galilée

... si la compétence de savants se jugeait aux économies qu'ils procurent au Trèsor, on ne dirait plus "académie", mais écurie remplie d'ânes.

Nous vîmes enfin que la Voie lactée et les nébuleuses n'étaient en fait que des troupeuax de petites étoiles semées se manière admirable.

Ne dit-on pas pourtant, dit le chambellan , que gouverner c'est prévoir ?
...
Certes, Votre Excellence, mais prédire n'est pas gouverner.

Au cœur de l'hiver, la révolte éclata. De toutes les vallées, les collines et les montagnes surgirent des bandes de paysans, qui n'étaient pas tous armés de faux et de fourches, mais dotés également de beaux canons, de mousquets et de bombardes, dont ils savaient fort bien se servir. Le retour des moines et des prêtres catholiques à Linz avait mis le feu aux poudres à toute la Haute-Autriche. On redoutait en effet qu'avec l'Église romaine reviennent également dîme, taxes, indulgences, interdiction de pratiquer librement son culte, bûcher, torture et Inquisition. À quoi s'ajoutait l'occupation de la capitale par les Bavarois, ennemis héréditaires des Autrichiens. Bientôt, l'armée paysanne mit le siège devant Linz.

J'aimais Venise. Elle me sembla avoir été construite pour le voyage, la diplomatie, le négoce et le plaisir ; bref, construite pour moi. Sur ses canaux, le long de ses quais, en haut de ses ponts et passerelles, dans ses venelles étroites, on se sentait toujours épié par un danger subtil, épice relevant une vie déjà savoureuse. J'aimais le risque, aussi, mais sans trop en prendre, telle était ma fonction. Kepler ou Galilée, eux, ne l'aimaient pas, mais ils en prenaient, tel était leur devoir.

Un Anglais m'a appris naguère qu'il valait mieux être ami avec le caissier qu'avec le banquier.

Kepler sortit de cette audience très fier de lui. Il avait réussi, lui, le fils de l'aubergiste d'une petite ville oubliée du Wurtemberg, là où le maître du Saint Empire romain germanique avait échoué : s'emparer du trésor de Tycho.

Deux jours après les funérailles de Tycho, Kepler fut convoqué chez le conseiller Barwitz, qui lui notifia officiellement sa nomination à la charge de mathematicus impérial. Sa Majesté, en proie au plus grand désespoir, s'était refusée à recevoir pour le moment le successeur de l'homme qu'il avait tant aimé et admiré. Aussi, l'événement passa-t-il inaperçu.

Toges noires et rouges, bonnets carrés sur la tête, le bataillon des universitaires, savants et artistes attachés au service de l'empereur passa à son tour sous nos fenêtres.
— Ah, voilà le successeur de Tycho, dit Bruce. Johann Kepler, le futur mathématicien impérial.
— Lequel est-ce ? demandai-je sur le ton indifférent de celui qui ne s'intéresse pas aux astrologues, alchimistes et autres philosophes.
— Il est entre le recteur de l'Université, Martin Bachaczek, et le doyen de la faculté de médecine, Jan Jesensky alias Jessenius, le fameux anatomiste. Voyez, c'est l'homme à la barbe noire, qui semble aussi maigre que la grosse canne sur laquelle il s'appuie.
— Johann Kepler, l'auteur du Mystère cosmographique, murmura alors Thomas Harriot. Il m'a écrit naguère pour…