Citations sur La Perruque de Newton (9)
Vous avez tous les défauts du monde, vous êtes égoïste, vous ne vous intéressez pas à autrui, vous êtes capricieux, rancunier, soupçonneux, colérique. J'en oublie certainement. Mais fanatique, non ! Un homme qui a dit un jour "les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts" ne peut pas être un fanatique. (p.342)
Un marin en partance ne confie sa femme à personne, surtout pas à son meilleur ami ! (p. 352)
Je préfère apprendre que savoir. Découvrir que connaître. Questionner plutôt qu'affirmer. (p. 411)
Newton écume. Il vient de recevoir le récit, par Oldenburg, de l’intervention de Hooke à la Royal Society. Ce n’était pas tant le ton hautain et condescendant du curateur qui le fait bouillir, ni sa revendication feutrée de l’antériorité sur sa démonstration de la réfraction de la lumière. C’est sur le mot : hypothèse. C’est de sa faute à lui, à son imprudence. Qu’a-t-il eu à avancer l’idée que la lumière est composée de rais de particules, alors qu’il ne peut pas le démontrer ? Est-ce le fantôme de Descartes, son univers de mécanique et de tourbillons qui lui a soufflé d’avancer cela ? Ou bien cette bouffée de bonheur qu’il a ressentie quand il a appris son admission à la Société ? Ou encore ce grand soulagement quand enfin Barrow, devenu Master du Collège, l’a délivré de son triple serment de servir l’Église d’Angleterre ?
Seigneur de toutes choses, si Tu m'as élu pour être le découveur de Tes secrets, délivre-moi du grand pouvoir des petits imbéciles. (p.138)
Barrow s’en est douté depuis qu’il a posé sa candidature : le professeur de la chaire de mathématiques, fût-il le chapelain de Sa Majesté Charles II, ne serait jamais directeur du Trinity College : la charge revient, selon une coutume datant de la création de l’université sous Henri VIII, à l’un des deux professeurs de théologie. Il lui faut donc devenir professeur de théologie, c’est-à-dire renier ses croyances profondes. Et pour prendre cette chaire laissée vacante, il doit d’abord quitter celle de Lucas, vouée aux mathématiques.
Une seule personne est apte à le remplacer avantageusement : Isaac Newton. Mais ce diable d’homme ne fait rien comme on le souhaite. Il n’a rien publié, s’y refusant avec une sorte de terreur furieuse. Barrow a bien tenté de lui en parler très franchement, sans prendre les détours habituels qu’il prend avec son ancien élève. Mais celui-ci a été catégorique : non, il ne publierait pas, non, il ne communiquerait pas le fruit de ses recherches à quiconque, sauf à lui.
Les heures avaient passé sans qu’il s’en fût aperçu, et Isaac Newton avait brûlé toute sa provision de chandelles. La dernière venait tout juste de s’éteindre. Le temps d’habituer ses yeux à l’obscurité et il constata, grâce au rai de lumière jaillissant du trou percé dans le volet, qu’il faisait grand jour. Il ouvrit la fenêtre. Un arc-en-ciel, comme planté dans les haies délimitant la propriété de sa mère, semblait soutenir un énorme nuage noir.
— Un conseil de famille ? Vous avez réuni un conseil de famille sans m’en aviser ? Et vous avez osé prolonger ma minorité jusqu’à vingt-cinq ans ? Mais… Vous n’êtes qu’une bande de voleurs. Honte sur vous, ma mère, honte sur vous !
Dressé au bout de la grande table rectangulaire de la salle commune du manoir, Isaac Newton pointe l’index vers sa mère, qui, la tête dans les mains, sanglote. À côté d’elle, la vieille grand-mère hoche la tête en poussant de gros soupirs et en murmurant :
— La honte, oui, la honte est sur nous.
— J’ai dans ma bibliothèque, cher Newton, un ouvrage qui vous intéressera certainement. Il s’agit des Mystères de la nature et de l’art, de l’honorable John Bate. Vous y trouverez la meilleure manière de fabriquer des objets autrement plus utiles que des jouets pour fillette. D’ailleurs, à ce propos… S’il vous prend l’envie de me demander la main de ma fille, patientez, je vous prie, une bonne dizaine d’années. Je la trouve encore un peu tendre…
Isaac rougit jusqu’aux oreilles. Comment pouvait-on lui prêter des intentions aussi abjectes ?