Persona

Dans le cadre de l'opération "Masse critique", j'avais eu la chance d'être choisie pour recevoir, lire puis donner mon avis sur un ouvrage intitulé "Le burlesque au théâtre", mais c'est un autre livre du même éditeur qui m'est parvenu.
Je remercie donc Babelio et les éditions L'Entretemps pour m'avoir permis de découvrir un auteur (dont j'ignorais jusqu'à l'existence) et une partie de son oeuvre.

Dans les trois pièces qui composent ce livre, l'auteur mêle fiction et réalité.
Dans Factory 2, il retrace deux journées de la Factory new yorkaise en s'attachant à quelques figures légendaires d'artistes avant-gardistes qui gravitaient autour de Andy Warhol.
Il privilégie les questionnements sur le rôle et l'utilité de l'art et tente de comprendre comment, de ces personnages extraordinaires, sourdait à la fois le génie et la superficialité.

Dans les deux autres pièces, l'auteur met en scène deux personnages si différents qu'on peine à imaginer un lien qui puisse les unir : Marilyn Monroe (dont il explore la quête spirituelle en dépassant cette image de la femme sensuelle à outrance), et la mystique philosophe Simone Weil (en abordant son rapport complexe au corps).

Les dialogues sont soit très vifs, écrits dans les termes spontanés d'un échange rapide ou d'une polyphonie (les phrases se succèdent sans forcément de lien entre elles), soit ressemblent à de très longs monologues intérieurs.

Il ne m'a pas toujours été aisé de rester concentrée sur le texte et j'ai ressenti des réticences à lire des pensées qui relèvent de l'attirance humaine pour l'autodestruction.
Je pense que ces textes doivent trouver toute leur force dans une mise en scène et dans le jeu des acteurs.
C'est pourquoi je termine par quelques liens utiles pour comprendre la démarche de l'auteur et son travail théâtral :

http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Persona-Marilyn/
http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/01/13/krystian-lupa-j-eprouve-un-plaisir-fou-a-decomposer-ces-normes-qui-nous-regissent_1629389_3246.html#o20xiTcY2kQuo1De.99
http://webtheatre.fr/Factory-2-de-Krystian-Lupa-2435
http://next.liberation.fr/theatre/2010/09/15/factory-2-qg-culte_678936

Tout d'abord :
Merci aux éditions L'Entretemps et à Babelio pour ce livre, reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique.

Ensuite :
Un livre étrange. Je crois comprendre qu'il s'agit de trois pièces de théâtre original ou de trois pièces originales de théâtre... le livre est un bel objet, il y a des photos des acteurs, de quelques scènes... La typographie et la mise en forme est réussie.

Mais encore :
Je n'ai pas compris grand chose au contenu. Ou bien j'ai tout compris. Il 'agit d'une tentative de découvrir la personnalité qui se cache dans ce qui ne se montre pas, derrière la persona. Ce concept que Jung a développé et que Bergman a tenté d'illustrer dans un film du même nom. Ces références ont plu à Krystian Lupa qui s'est embarqué dans cette tâche. La persona c'est l'apparence, c'est qui on est, apparemment... Comme si l'on n'était que ça, que nous, que ce qu'on présente, que ce qu'on vit... La vérité est ailleurs, ah ah... Plus profonde, plus intérieure encore...

Trois pièces donc :
La première autour d'idées que l'auteur s'est faites de Warhol, voyeur par excellence, caméra toujours allumée, filme en permanence ses amis-outils de la Factory. Lupa pense que Warhol par son dispositif (qui ressemble furieusement à l'idée de base de la télé-réalité : filmer toujours pour que les apparences s'oublient pour laisser place à la vraie personne, à la vraie personnalité, on ne peut pas jouer en permanence...) atteint ou tente d'atteindre cette fameuse personnalité, l'Oiseau Bleu de Lupa...
Cette première pièce est franchement illisible à l'écrit... Plein de personnages qui « dialoguent » entre eux mais tout s'enchevêtre du coup, impossible pour moi de suivre... Je reste donc sans doute en surface ou confiné dans mes impressions premières, mon feeling premier...
Pièce assez pénible somme toute...

La deuxième est super touchante, Marilyn, son âme... Elle considérée comme un corps, comme une image dont on a tout dit et rien dit... Enième tentative de la capter, de capter sa... personnalité et son âme... Oui, j'ai été touché par cette pièce, nettement plus lisible, car il ne s'agit là que de dialogues plus classiques et donc on suit... et on comprend plus aisément l'idée foncière de Lupa.

La troisième est l'anti-thèse de la deuxième, le corps de Simone [Weil], la mystique qui n'a voué sa vie qu'à son esprit, et pas son corps. D'où l'intérêt de s'y pencher. Les dialogues sont fins, subtils. Difficile à résumer mais impression globale très plaisante.

Et quoi encore ?
Le livre se termine sur des interviews d'acteurs, des mots de Lupa qui expliquent et explicitent avec soin et c'est bienvenu toute la démarche et la construction de ces pièces. C'est intéressant, ça vaut la peine. A la limite on devrait relire les trois travaux après ces lectures finales.
J'ajoute qu'il y a toutefois un petit texte d'intro et parfois un petit texte d'outro aux différentes pièces, ça donne une idée d'où on va, de ce dans quoi on s'embarque.

Je laisse parler l'auteur, extrait d'interview
K.L. - Evidemment. Si on parle de cette personnalité énigmatique, puisque ce n'est pas la persona elle-même – cette enveloppe qui craque, de laquelle la personnalité veut s'échapper... - qui est énigmatique... En avançant plus profond dans notre exploration, nous avons compris que la personnalité n'est pas ce qu'on est, mais seulement ce que l'on n'est pas : ce qu'on n'est pas encore, ce qu'on ne sera jamais, ce qu'on rêve d'être et qui suscite en nous de la nostalgie, des convulsions, des élans... Ce n'est pas ce que nous avons en nous, ou alors seulement lorsqu'on est surpris, comme pris à l'improviste sur le fait... ; c'est tout ce qui nous anime : ce qu'on n'a pas, c'est-à-dire quelque chose en dehors de nous, d' extérieur. Alors, dans cette aspiration à l'inconnu, le rêve et les frontières se trouve comme sois hypnose, confrontée à des impératifs souvent très obscurs et inconnus... - ce sont ces zones les plus obscures qu'on doit essayer de pénétrer et de connaître, au moins en partie, si nous avons l'ambition de toucher la vérité de ces processus.

Conclusion
Livre pour moi psychologique, complexe, des moments de pures prises de tête, de casse-tête si l'on veut tout comprendre finement, car oui, c'est fin. Un livre, bel objet.

Voilà. Merci encore pour le cadeau.

✒ Persona ou le théâtre contemporain dans toute sa splendeur. Ecrit sans pincettes, l'oeuvre est une bouffée d'air frais sans politiquement correct signée par le provocant Krystian Lupa. A plusieurs reprises, la lecture est susceptible de dérouter le lecteur, en lui rappelant que le théâtre est avant tout fait pour être vu.