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Citations sur La Grande Stratégie de l'Empire Byzantin (10)

On a stigmatisé la décadence de Byzance, contrainte d'acheter ses ennemis et de s'appuyer lâchement sur l'or au lieu du fer avec lequel les Romains des grandes heures de leur historie combattaient : cette distinction erronée n'en est qu'une de plus entre les deux périodes.

Comme les divers témoignages le prouvent, les Romains de toutes les époques de leur histoire ne connaissaient aucune inhibition qui leur fût imposée par leurs prétentions héroïques : même à leur plus grande force, d'Auguste (I° siècle) à Marc-Aurèle (II°s), ils préféraient l'or au fer chaque fois qu'il était plus économique d'acheter leurs ennemis que de les combattre.

p. 129
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Les succès collectifs font les nations, les échecs les défont: des groupes humains quittent la communauté pour revenir à leur identité dorigine ou pour en embrasser une nouvelle, normalement celle d'une nation qui affiche de plus grands succès. De nos jours, des familles d'origines diverses qui vivaient en Union soviétique ont acquis l'identité russes lorsque la Russie constituait la nationalité dominante d'un empire en apparence éternel, pour revenir à leurs identités ethniques d'origine quand l'union soviétique se mit à décliner - avant même sa désintégration effective ; d'autres se tournèrent vers des identités entièrement nouvelles pour les embrasser après avoir émigré en Allemagne, en Israël ou aux Etats-Unis. [p.29]
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La campagne d'Italie commença en 535 pour se prolonger par à-coups sur trois décennies : pourtant, les Goths, et, sur ce sujet, les Francs et les Lombards qui les suivaient, n'adoptèrent pas l'arc composite des Byzantins comme ces derniers avaient imité l'archerie des Huns.

Pourquoi les "nations aux cheveux clairs" ne parvinrent-elles pas à adopter la meilleure des armes existantes ? Ce ne fut certainement pas parce qu'ils étaient trop attardés pour apprendre à sécher les couches de tendons de cheval pour former un coeur de bois, à travailler les plaques de corne pour leur donner la forme nécessaire et à préparer la colle pour maintenir ensemble les trois parties de l'arc... Nous avons conservé des témoignages d'une joaillerie spécifiquement gothique qui exigeait des aptitudes techniques bien plus élevées...

... Les Goths n'ont pas adopté l'arc composite, non plus que les techniques d'archerie qu'il autorisait, pour la même raison expliquant pourquoi l'arc long des Anglais ne fut guère imité même après ses victoires éclatantes (et les premières armes à feu, des arquebuses extrêmement grossières, furent préférées aux arcs pourtant supérieurs à la fois en portée de précision et en rythme de tir) : parce qu'il fallait un entraînement sans fin pour acquérir et conserver la compétence nécessaire à l'emploi d'arcs très puissants, qu'il s'agît de l'arc long ou de l'arc composite des Byzantins.

p. 315
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Il y avait bien plus important, par ses conséquences, que les stratagèmes adroits ... : c'était le concept - bien particulier aux Byzantins - de guerre et de paix, qui évolua, dès la fin du VI°s, en un véritable "code opérationnel" ... Son point de départ était l'impossibilité d'une victoire décisive - le but même de la guerre pour les Romains du passé comme pour Napoléon, Clausewitz et leurs émules jusqu'à nos jours, avec toutefois une conviction de moins en moins forte, peut-être. Le concept byzantin constituait donc un renversement révolutionnaire.

p. 256
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Les Byzantins affrontèrent toujours une multiplicité d'ennemis réels ou potentiels. Ils ne furent jamais confrontés à un seul et unique ennemi dont ils pussent imaginer la destruction comme signifiant la fin du conflit - de la même manière que certains interprétèrent à tort l'acte de décès de l'Union Soviétique comme la fin de l'histoire. Depuis l'arrivée des Huns, les Byzantins gardaient toujours en mémoire que derrière les ennemis déjà à leurs frontières s'en trouvaient d'autres qui attendaient leur tour pour lancer leur offensive - de telle sorte que la destruction totale d'un ennemi n'aurait pour effet que d'ouvrir la route à l'invasion d'un autre, susceptible de se révéler encore plus dangereux. En outre, l'ennemi d'hier pouvait devenir un allié immédiat précieux.

p. 305
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Les Romains étaient partisans de la destruction des ennemis qui n'avaient pas eu la sagesse de reconnaître les avantages de la soumission ; de ce fait, l'infanterie lourde avec sa capacité à tailler en pièces, à enfoncer et à assiéger l'adversaire, constituait pour eux l'arme la plus importante, parce qu'elle était la plus à même d'obtenir des résultats décisifs.

Par contraste, la plupart du temps, et d'une manière certaine à l'époque du Strategikon (VI°s), les Byzantins étaient partisans d'une stratégie visant à contenir leurs ennemis au lieu de les détruire - les ennemis d'aujourd'hui pouvant être les alliés de demain. Aussi la cavalerie était-elle à leurs yeux l'arme la plus importante, parce que les engagements qu'elle menait n'avaient pas à être décisifs mais pouvaient au contraire se terminer par une retraite rapide, ou bien une poursuite prudente évitant aux deux parties de subir des dommages trop profonds.

p. 292
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(Après la reconquête romaine sur les Perses de la Syrie et de l'Egypte sous Héraclius). Il en résulta (en = de la situation financière) la nécessité de collecter le produit des impôts en Syrie et en Egypte dès leur reconquête après des années d'occupation par les Sassanides - et il s'agissait de territoires précédemment taxés par les Byzantins, puis envahis et taxés par les Sassanides, objets de combats répétés et pillés à maintes reprises, avant d'être regagnés pour se retrouver une fois de plus taxés.

L'Empire était en train de rebâtir sa puissance ; ses sujets devaient se procurer l'or nécessaire à cet effort général, faute de quoi on leur réservait l'expropriation ou pire encore. C'était devenu insupportable. Alors, pour s'en débarrasser, ils firent bon accueil aux Arabes musulmans, à leur capitation discriminatoire et à tout le reste.

p. 219
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Après une ultime tentative de défense de l'arrière-pays perse à la bataille de Nihawand (Nehâvend) en 642 ... la résistance - et avec elle l'empire des Sassanides - déclina jusqu'à la fin de l'empire, dès 651.

Les conquérants arabes musulmans qualifièrent eux-même cette victoire de "divine", Nasr Allah, non sans humilité. On peut rétrospectivement y reconnaître un succès plus grand encore : une victoire politique sur deux empires qui permit de gagner non seulement de vastes territoires, mais aussi l'approbation de nombre de leurs habitants.

Les impétueuses avances des Arabes auraient pu n'être que de simples raids éphémères, dont les effets eussent été annulés par la résistance des populations locales, si les envahisseurs ne leur avaient offert deux avantages tout à fait considérables et immédiats dès leur arrivée.

Le premier fut une réduction drastique des impôts, si onéreux qu'ils avaient fini par ruiner les habitants. Le deuxième constitua un vrai paradoxe : en imposant des règles discriminatoires à tous les non-musulmans, les Arabes musulmans mirent fin aux persécutions religieuses arbitraires qui avaient récemment opprimé une majorité des habitants (chrétiens monophysites) de Syrie et d'Egypte.

p. 215

Note : l'impôt de "protection" des infidèles coûte moins cher aux infidèles, dans un état arabe embryonnaire, que toute la structure byzantine ou persane, qui cherche la conversion des hérétiques.
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On fait grand cas, ces temps-ci, de l'al-jihad al-akbar, "la grande lutte" que chacun doit mener contre ses propres désirs charnels, qui rabaisserait la guerre contre les infidèles à l'al-jihad al-asghar, "la petite lutte". Mais il s'agit de l'interprétation hétérodoxe de certains soufis et ecclésiastiques libéraux, largement ignorée du principal courant musulman, incluant la plupart des mouvements soufis. Des versions douces, humanistes et tolérantes de l'islam dominent l'enseignement de l'islam dans les universités occidentales mais restent inconnues, ou tout au plus marginales, dans les pays musulmans - à l'exception de minorités comme les Alévis Bektashi de Turquie et d'anciennes terres ottomanes, dont l'humanisme est à la fois ancien et authentique. *

p. 214

* Les Alévis sont surtout Bektashi ; leur chiisme est principalement nominal, tandis que leurs pratiques distinctives sont principalement chamanistes. (note 3 p. 468)
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Un récent phénomène de mode académique ne voit dans les écrits byzantins que propos hostiles et préjugés à l'égard des peuples étrangers, bien à tort : ces écrits témoignent, en effet, d'un intérêt considérable à l'égard des cultures et coutumes étrangères - un intérêt dont des nations entières même de nos jours ne peuvent se prévaloir. (1)

p. 162.

Note 1 du texte, p. 465 : L'orientaliste amateur et propagandiste Edward Saïd a lancé une mauvaise mode en ce domaine : voir par exemple François Hartog, "The mirror of Herodotus : the representation of the Other in the writing of history", 1988, et Edith Hall, "Inventing the Barbarian", 1989 ; l'"Autre" est toujours "inventé", d'une manière naturellement préjudiciable. Si l'on veut savoir ce qu'il en fut véritablement, on se reportera à Gilbert Dagron, "Ceux d'en face : les peuples étrangers dans les traités militaires byzantins", 1987, pp. 207-232.
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