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Citations sur Agrapha (7)

confession utæ // uta
je ne me souviens pas de volusiana enfant. pourtant elle
a connu ma modar et ma modarmodar.
la seconde se nommait hrotsvita. elle était herbaria.
la première se nommait bertilla. elle tuait le svin. c’est ainsi
qu’on se souvient d’elles.
je ne suis pas née au bord de l’eau. notre sippe était déjà
réfugiée loin des northmannon lorsque bertilla m’a portée.
j’ai grandi loin de læ meer. dans les terres et en susreté.
ce n’est que modar que je suis revenue sur la coste.
j’ai élevé ma dohtar vendelgard à novus vicus. entre la source
lisse et læ meer aux remous. entre deux eaux. des enfants
et petits-enfants de la gente d’asagsonæ os nous ont
imitées. des colons neufs sont venus d’ailleurs. nous étions
toutes libres et vulnérables comme je l’étais. aucune serve
protégée des caprices du sors n’a voulu s’aventurer à læ meer.
les northmannon partis tout était vide et triste et beau.
certains de nos parents s’étaient battus. c’est le cas d’æmilius
le père de mon époux. d’autres comme riculf mon père
peu aimé des armes avaient fui. les unes comme les autres
nous aimons ces vieilles terres désertes purifiées
par le fer et le feu.
nous défrichons et nettoyons et binons et semons
et récoltons. tout est si neuf tout est si vieux. mais personne
n’a le cœur de retourner au bord de l’eau pour rebastir
l’ancien havan d’adsagsonæ os.
des cadavres y flottent encore. des esprits y demandent
leur tribut martial. certaines les disent faits de boue et d’ombre.
nous sommes assises dans les hauteurs. novus vicus
s’appelle notre pagus et nous vivons ensemble.
mon nom est uta. je suis revenue. je porte en moi læ cor
de ces lieux.
sar mon man est mort et ma dohtar vendelgard apte à faire
croistre les semailles.
sar libérée de mes devoirs familiaux je descends du pagus
à la source afin de servir le ciel.
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confessio silviae // apocryphe
quand on m’indique un chemin on ajoute plus personne
ne passe par là. quand je demande une direction on me dit
plus personne n’y va. on me répond toujours mais jamais
on ne me demande pourquoi je veux m’y rendre.
au puits, à la crique, à la muraille.
je ne suis jamais questionnée dans mes intentions.
et si je suis jugée folle personne ne s’en ouvre à moi.
la gente d’ici aime me parler. et j’aime leur parler. nous nous
comprenons mal pourtant. je connais peu de mots celtiques.
ils n’entendent pas la faczon dont je tourne le latin.
nous apprenons. un jour j’aurai perdu mon accent de terre
et j’aurai gagné leur accent de mer.
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au commencement
À l’origine de ce travail de recherche et d’édition, une tablette de plomb trouvée dans une grotte sous-marine : […]
Je m’occupais alors, pour un projet d’écriture créative académique commandité par l’université de Haute-Alsace, de defixiones (tablettes magiques) gauloises. La personne qui m’a confié cette trouvaille – elle a souhaité garder l’anonymat – pouvait de bonne foi se figurer qu’il s’agissait justement de cela. En effet, le mobilier retrouvé avec l’artéfact, bien que mêlé à des débris contemporains, prédatait de beaucoup l’ère chrétienne. La graphie partiellement grecque ; l’emploi d’un mélange de termes latins, celtes et germaniques ; l’utilisation du plomb ; la formule cultuelle polythéiste « iae iao » ; l’invocation de Niske, déesse de l’eau gauloise… Tout concordait.
Quand j’ai compris que Volusiana était une sainte chrétienne du Xe siècle, ma curiosité m’a poussé à approfondir. Volusiana fut ermite puis abbesse d’Adsagsonæ Fons (Source d’Adsagsona), une communauté comptant huit femmes religieuses.
Je ne me doutais pas des rivages où cette curiosité me conduirait. Ni à quel point cette exploration m’affecterait.

Disparue dans des circonstances mystérieuses, la communauté d’Adsagsonæ Fons est connue par ses écrits.
Je suis entrée dans la source par ces textes, conservés à l’Österreichische Nationalbibliothek, à Vienne, en Autriche.
Le corpus canonique est constitué des manuscrits suivants :
Confessio Volusianæ, par Volusiana – Cod. N. F. 128-AFcv
Gesta Aiæ, par Oda – Cod. N. F. 131-AFga
Gesta Liutgardis, par Aia – Cod. N. F. 138-AFgli
Gesta Ludmillæ, par Volusiana – Cod. N. F. 147-AFglu
Gesta Odæ, par Liutgard – Cod. N. F. 150-AFgo
Gesta Sigridis, par Aia – Cod. N. F. 159-AFgsig
Gesta Silviæ, par Oda – Cod. N. F. 206-AFgsil
Gesta Utæ, par Liutgard – Cod. N. F. 208-AGgu
Le corpus apocryphe – considéré comme canonique jusqu’en 1862 – est constitué des manuscrits suivants :
Confessio Silviæ, par Silvia – Cod. N. F. 221-AFcs
Confessio Ludmillæ, par Ludmilla – Cod. N. F. 222-AFcl
Confessio Utæ, par Uta – Cod. N. F. 229 – AFcu
Je ne vous souhaite pas de voyager aussi loin que moi.
Pourtant, il y eut un chemin.
Et ce chemin, je veux bien le partager.
Je vous propose de le suivre en commençant par la porte : une nouvelle traduction de ces textes, canoniques comme apocryphes.
Ensemble, ils forment la matière adsagsonienne. Où chacune parle sur soi, sur l’autre et sur ce qu’il y a tout autour. De su et de non-su.
Une matière véritable. Qui se goûte, se touche et se sent. Parcellaire, entre-maillée. Comme le sommeil de la raison. Ces instants avant la reprise de conscience, lorsqu’on a le corps lent et les yeux ailleurs.
Car l’essentiel de ce corpus repose dans ce qu’il ne dit pas.
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car nous sommes toujours après une bataille et avant une autre. nous marchons entre les ruines passées et bastissons les ruines futures.
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nous sommes ce que nous disons ou bien ce que nous aurions pu dire et les larmes coulent sans que j'émette un son.
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parfois lorsque je m'assois ici et pose mon dos contre le plat gris de la fagus ombreuse je pense que je ne visais pas tant le désert sec qu'une alliance nouvelle avec la mer humide. recroire la musique des vagues. outrepasser la terreur du battement intranquille de l'eau. ne plus craindre ni tempeste pernicieuse ni northman au fer clinquant. contempler. nager dans les vasques vesdastres où respirent les pieuvres vivantes et suitent les coquilles odorantes.
je suis de retour à l'eau.
ce retour sera-t-il dur ou doux.~
lorsque je le saurai je ne l'écrirai pas [agrapha].
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car nous sommes après la catastrophe et tout est à reconstruire.
cet endroit je l'apprends s'appelait adsagsonæ os [la bouche d'adsagsona].
la gente d'ici a perdu l'usage de la mer.
trop souvent en sont venues la guerre et la mort tranchante.
la gente d'ici a édifié ses huttes ses greniers et ses granges dans une clairière neuve qu'elle a nommé novus vicus [village neuf]. réfugiée comme une nichée de busardeaux loin de la coste morbide elle a perdu l'usage du voyage mais en a conservé læ cor.
et lorsque je lèche mes lèvres je sais que ce souvenir salé
ne me quittera à mon tour jamais.
un autre chemin avait été perdu.
celui menant à la source.
une autre que moi l'a retrouvé.
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