Les salauds gentilshommes, tome 1 : Les mensonges de Locke Lamora

Il était sidéré par la rapidité avec laquelle il s'était échappé de son ancienne vie pour commencer celle-ci, en compagnie de cinglés étrangement plaisants.

Un jour Locke Lamora, un jour tu merderas si superbement, si ambitieusement, de façon si accablante, que le ciel s'embrasera, que les Lunes valseront et que les dieux eux-mêmes chieront des comètes de jubilation. J'espère simplement que je ne serai pas là pour voir ça.

Tu sais que tu marmonnes et que tu bafouilles moins quand tu expliques de quelle façon tu entubes les gens ?

- S'il te plaît, murmura-t-il enfin. Aie pitié, pour l'amour des dieux, aie pitié. Mon ordre est voué à servir - je remplissais un contrat.
- Quand ce contrat est devenu mes amis, dit Locke, tu as outrepassé tes prérogatives.

— Il vole trop, médita le Prêtre Aveugle. Il vole trop. De tous les griefs, je ne pensais pas entendre celui-ci de la bouche d'un homme qui gagne sa vie à former de petites fripouilles.

Alors maintenant que tu m'as raconté ton rôle, est ce que tu veux que je te dise où tu as tout foiré ? Et pourquoi tous tes petits copains de la Rue qui t'ont aidé à faucher cette pièce de fer-blanc seront morts avant le lever du soleil ?

La nuit où le petit Lamora fut recueilli par le Faiseur de voleurs, le vieux cimetière de la Colline des Ombres était rempli d'enfants, silencieux et au garde-à-vous , ils attendaient que l'on conduise leurs nouveaux frères et sœurs dans les mausolées. (…)
En de rares moments de réflexions oiseuses, le Faiseur de voleurs aimait à se voir comme un artiste. Un sculpteur, plus exactement. Les orphelins pour agile et les sépultures de la Colline des ombres pour atelier.

Sage le Gentil se dirigea vers une petite table placée contre un des murs de la pièce, sur laquelle se trouvait une pile de petits verres et un gros sac d'étoffe muni d'un cordon. Il y jeta plusieurs verres et se mit à le cogner sur la table. Il était impossible d'entendre le bruit du verre qui se brisait par-dessus les hurlements de bête de Frédérico, mais on pouvait l'imaginer assez facilement. [...]
D'une main, le Gentil immobilisa le jeune désespéré, lui enfila rapidement le sac sur la tête, lui recouvrit le visage jusqu'au cou et serra étroitement le cordon. Le sac étouffa les cris de Frédérico, redevenus aigus et indistincts. Puis, le Gentil se mit à pétrir la poche, doucement au début, presque tendrement. Les longs doigts du bourreau pressèrent le contenu et le firent descendre et remonter sur le visage de sa victime. Des taches rouges commencèrent à apparaître à la surface de l'étoffe. [...]
Le Gentil massa l'étoffe avec plus de vigueur. A présent, il appuyait à l'endroit où devaient se trouver les yeux, puis sur le nez, la bouche, le menton. Le sac était de plus en plus rouge et humide, jusqu'à ce qu'enfin les spasmes de Frédérico cessent totalement. Lorsque le Gentil relâcha son étreinte, il avait l'air d'avoir écrasé des tomates.

"C’est donc ça, la vengeance, marmonna Locke.
- Oui, murmura Jean. […]
- C’est de la merde."

« - Tu te rappelles ce que je t’ai dit que nous ne travaillons pas comme les autres voleurs ? Nous sommes une nouvelle espèce, Locke. Des acteurs, voilà ce qu’on est. Notre visage n’est pas le vrai. »