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Critique de BazaR


Hop, dans ma valise pour l'île déserte, direct.
Mais comment ai-je pu ne pas m'extasier lors de ma première lecture il y a 27 ans ? Dingue ! (en fait il y a des circonstances atténuantes, j'en causerai à la fin).

Quelle vie extraordinaire que celle de cet homme dont les noms sont à eux seuls un condensé de voyage. Hasan ibn Muhammad al-Wazzan al-Fasi, Hassan fils de Mohamed le peseur, de Fès, ou alors al-Ḥasan ibn Muḥammad al-Zayyātī al-Fāsī al-Wazzān, ou aussi Johannes Leo de Medicis, ou encore Giovanni Leone Africano, sans oublier le surnom de Grenadin. Cet homme a accompagné la fin du 15ème siècle et le début du 16ème siècle tout autour de la Méditerranée. Bien qu'il ne l'ait pas volontairement recherché, il a été témoin d'un nombre phénoménal d'événements historiques, comme un journaliste à l'insu de son plein gré. Auteur de fameuses Descriptions de l'Afrique, Amin Maalouf lui invente une autobiographie qu'il nous livre dans toute sa beauté.

Hassan nait dans le finissant royaume de Grenade dont il vit la chute à défaut de la comprendre. Qu'à cela ne tienne, ses parents font office de conteur à sa place pour ses plus jeunes années. Il grandit et s'éduque à Fès, voyage à Tombouctou puis plus tard dans l'empire de l'Askia Mohamed Touré jusqu'en Égypte. Il est commerçant, puis diplomate et participe à une ambassade auprès du sultan Ottoman Sélim, le père de Soliman. le destin ou, comme il dit, la volonté du Très-Haut guide ses pas jusqu'en Italie où il se convertit au catholicisme, au moment où l'hérésie luthérienne prend corps. Ses mêmes pas croisent ceux de personnages qui enflamment l'imagination comme Barberousse, Sélim 1er, François 1er, Léon X ou Clément VII – les Médicis qui l'accueillent dans la famille. Mais Hassan semble poursuivi par une sorte de malédiction, comme s'il ouvrait la boîte de Pandore partout où il passe. Grenade tombe aux mains des Castillans, et c'est l'exil. Tombouctou brûle. L'empire Mamelouk d'Égypte est cruellement brisé par les Ottomans et Rome est ravagée par l'empereur Charles Quint. Cette histoire montre que la violence et la cruauté transcendent la religion, car ce sont des musulmans qui réalisent des horreurs au Caire, et des Chrétiens qui réalisent des horreurs similaires à Rome.

Mais au-delà des horreurs, Amin Maalouf dessine une vraie vie bien palpable pour Hassan et pour ses relations les plus chères : son père, sa mère, sa soeur, ses femmes, et les amis. Tous existent sous nos yeux, vivent des existences faites de joies et de peines, d'habitudes – j'ai adoré les descriptions du hammam de Fès, ayant personnellement profité avec plaisir de ceux de Cappadoce et de Ouarzazate – et de rires, acceptant les meilleurs moments comme les pires de leur vie comme des cadeaux du Très-Haut. Je ne crois pas qu'on puisse lire ses existences et rester accrochés à des préjugés sur l'islam. C'est une civilisation tellement humaine, avec ses beautés et ses malignités, que l'auteur rapproche de nous, et l'empathie et le respect ne peuvent que naître chez le lecteur un tant soi peu sensible. Hassan lui-même est très attachant. Il maîtrise si peu son destin. Il a toujours l'air un peu naïf même s'il se révèle parfois malin, parfois arrogant ou têtu (et c'est lui-même qui le dit).

Cette relecture est comme une première lecture. Lors de la première, la « vie réelle s'imposait trop à moi pour que je parvienne à m'en échapper par l'écrit. Je venais de terminer mes classes militaires et j'avais intégré l'équipe formatrice qui accueillait un nouveau contingent. Parmi eux se trouvaient des jeunes sous-officiers sortis tout récemment d'école. Et je me souviendrai toujours de leurs rires railleurs quand je leur ai dit que je lisais un livre d'un auteur qui se nommait Maalouf. Sans commentaires.
Mais je ne veux pas propager moi-même de préjugés. Dans ce corps comme partout, se trouvaient des gens que j'ai appréciés et d'autres que j'ai trouvés débiles, indépendamment de leurs origines sociales ou de leur éducation.
Désolé pour la digression.
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