Citations sur Léon l'Africain (235)
Lorsque l'esprit des hommes te paraîtra étroit, dis-toi que la terre est vaste. N'hésite jamais à t'éloigner, au-delà de toutes les mers, au-delà de toutes les frontières, de toutes les patries, de toutes les croyances.
Ton fils, par cette circoncision, est bien plus rayonnant
Car la lumière du cierge augmente quand on taille la mèche.
p20
Mais le monde est ainsi fait que souvent le vice est le bras de la vertu, que souvent les meilleurs actes sont accomplis pour les pires raisons.
p298
- De quelle pâte es-tu fait pour accepter de perdre une ville après l'autre, une patrie après l'autre, une femme après l'autre, sans jamais te battre, sans jamais regretter, sans jamais te retourner ?
- Entre l'Andalousie que j'ai quittée et le Paradis qui m'est promis, la vie n'est qu'une traversée. Je ne vais nulle part, je ne convoite rien, je ne m'accroche à rien, je fais confiance à ma passion de vivre, à mon instinct du bonheur, ainsi qu'à la Providence.
p268
Moi-même, pourquoi le nier ? jamais je ne me suis séparé du bout de jais que Sarah a vendu à Salma la veille de mon premier anniversaire, et sur lequel sont tracés des signes cabalistiques que je n'ai pu déchiffrer. Je ne crois cette amulette investie d'aucun pouvoir magique, mais l'homme est si vulnérable face au Destin qu'il ne peut que s'attacher à des objets enveloppés de mystère.
Dieu, qui m'a créé faible, me reprochera-t-Il un jour ma faiblesse ?
p39
Blancs minarets de Gammarth, nobles débris de Carthage, c'est à leur ombre que me guette l'oubli, c'est vers eux que dérive ma vie après tant de naufrages. Le sac de Rome après le châtiment du Caire, le feu de Tombouctou après la chute de Grenade : est-ce le malheur qui m'appelle, ou bien est-ce moi qui appelle le malheur ?
- Tu vas me demander, poursuivit Khâli, pourquoi j'ai dit à ces gens qui étaient là le contraire de la vérité. Vois-tu, Hassan, tous les hommes ont encore, accrochée à leurs murs, la clé de leur maison de Grenade. Chaque jour, ils la regardent, et la regardant ils soupirent et prient. Chaque jour reviennent à leur mémoire des joies, des habitudes, une fierté surtout, qu'ils ne retrouveront pas dans l'exil. Leur seule raison de vivre, c'est de penser que bientôt, grâce au grand sultan ou à la Providence, ils retrouveront leur maison, la couleur de ses pierres, les odeurs de son jardin, l'eau de sa fontaine, intacts, inaltérés, comme dans leurs rêves. Ils vivent ainsi, ils mourront ainsi, et leurs fils après eux. Peut-être faudra-t-il que quelqu'un ose leur apprendre à regarder la défaite dans les yeux, ose leur expliquer que pour se relever il faut d'abord admettre qu'on est à terre. Peut-être faudra-t-il que quelqu'un leur dise la vérité un jour. Moi-même, je n'en ai pas le courage.
P132
"Astaghfirullah ! Astaghfirullah ! J'implore-le-pardon-de Dieu !" hurlait-il à la seule mention d'un vin, d'un meurtre ou d'un vêtement de femme.[...]La richesse, frères croyants, ne se mesure pas aux choses qu'on possède mais à celles dont on sait se passer. Craignez Dieu ! Craignez Dieu ! Craignez-Le quand vous êtes vieux, mais aussi quand vous êtes jeune ! Craignez-Le quand vous êtes faible, mais aussi quand vous êtes puissant ! Je dirais même que vous devez Le craindre bien davantage quand vous êtes puissant, car pour vous Dieu sera encore plus impitoyable, et sachez que Son regard traverse tout aussi aisément la muraille imposante d'un palais que le mur d'argile d'une masure. [...] Frères ! De même que dans le poisson pêché, c'est la tête qui pourrit en premier, de même dans les communautés humaines, c'est de haut en bas que se propage la pourriture.
p43
- Chaque fois que je pense à elle, victime depuis quatre ans de la plus scélérate des injustices, j'ai envie de saisir le Zerouali à la gorge et de l'étrangler, de même que son complice le cheikh des lépreux;
Je joignis le geste à la parole. Haroun ne se montra nullement impressionné :
- Ta pierre est trop grosse !
Je ne saisissais pas. Il répéta, avec une pointe d'impatience dans la voix :
- Je te dis que ta pierre est trop grosse, beaucoup trop grosse. Quand je suis dans la rue avec d'autres portefaix, je vois souvent des gens qui crient, qui s'insultent, et créent un attroupement. Parfois l'un deux ramasse une pierre. Si elle a la taille d'une prune ou d'une poire, il faut retenir la main de cet homme, car il risque de blesser son adversaire jusqu'au sang. Si, en revanche, il ramasse une pierre de la grosseur d'une pastèque, alors on peut s'éloigner tranquillement, car cet homme n'a aucune intention de la lancer; il a seulement besoin de sentir un poids dans ses mains nues. Menacer d'étrangler le Zerouali et le cheikh des lépreux, c'est une pierre aussi grosse qu'un minaret, et si j'étais dans la rue, je serais parti en haussant les épaules.
p188
Si quelqu'un te dit que l'avarice est fille du besoin, dis-lui qu'il se trompe. Ce sont les impôts qui ont engendré l'avarice !
p161