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Critique de fanfanouche24


J'ai fini il y a déjà quelques jours… cet essai captivant d'Alain Mabanckou .Exemple vivant d'un citoyen du monde… qui analyse, décortique, élargit le débat pour ne pas tomber dans des affirmations manichéennes ou trop simplistes.

Un long moment que j'avais en tête de découvrir les textes de cet écrivain…une rencontre avec Alain Mabanckou, à la Médiathèque d'Issy-Les-Moulineaux ce 21 mars…au moment du Salon du Livre, a accéléré ma décision ; tant je l'ai trouvé passionné,... passionnant, ...dans l'enthousiasme de son poste d'enseignant de littérature de langue française, aux Etats-Unis…

Ainsi je me suis plongée dans « le Sanglot de l'homme noir » (référence à l'essai de Pascal Brückner )…réflexion dans laquelle il s'adresse à son jeune fils ; chaque intitulé de chapitre fait référence à un texte de langue française : L'Esprit des lois, L'Etudiant étranger, le Soleil des Indépendances, L'Afrique fantôme, etc."
Questionnements, constats, réflexions élargies sur l'identité nationale, le racisme, l'antagonisme historique noirs-blancs, les idées préconçues, l'aveuglement entretenu sur les réalités historiques dérangeantes, mais aussi l'amour de l'auteur pour la langue française et les richesses culturelles, historiques de tous les pays.
Un ouvrage assez court, mais très dense ; un beau texte qui incite à la tolérance et à la réflexion, avant d' "Exclure » quiconque !

Un passage très explicite sur son travail d'enseignant aux Etats-Unis, et de ses engagements :
« Je gagnais bien ma vie en France et j'aurais pu vivre ainsi jusqu'à la fin de mes jours. Il s'agit d'abord et avant tout d'une décision individuelle mûrement réfléchie. Si j'ai accepté d'aller enseigner aux Etats-Unis, c'est parce que je savais que je ne me couperais pas pour autant de cette langue d'écriture qui est la mienne : le français. J'ai exigé d'enseigner le français, ce qui est toujours le cas à ce jour. J'ai aussi souhaité enseigner, outre les auteurs africains, certains auteurs français que j'apprécie. Il se trouve que j'allais, bien malgré moi, devenir l'ambassadeur d'une culture et d'une langue que j'avais reçues par la colonisation. En enseignant les textes d'écrivains africains d'expression française, j'avais pour mission indirecte de veiller à la diffusion de la langue auprès des étudiants américains. Et c'est en Amérique qu'on m'a pour la première fois considéré comme un écrivain français, parce que dans ce pays la couleur de la peau ne définit pas forcément le pays d'origine d'un individu. Je m'exprime et enseigne en français, pour les Américains. Je suis donc naturellement un français. Jamais ils n'ont songé à me demander si je suis un « franco-quelque chose ». (p.114)

Cet ouvrage m'a appris de nombreuses choses quant à l'histoire de l'Afrique, ses littératures…dont le parcours difficile, contesté de l'écrivain , Ouologuem…qui reçut le prix Renaudot 1968, avec « le devoir de violence » ; ce texte polémique, accusé de plagiat fut retiré de la vente. Ce texte reste un roman incontournable de l'histoire de la littérature africaine d'expression française. Texte pour la première fois éloigné des thèmes habituels, et autocritique quant au continent africain ; il dérangea à l'époque l'image que l'on voulait donner des civilisations africaines « avant l'arrivée des méchants européens »...

J'ai fort apprécié cet essai rendu très vivant de par les anecdotes vécues par l'écrivain, qui viennent illustrer ses propos…Dans ce texte, Alain Mabanckou refuse de définir l'identité noire par le ressentiment, le ressassement et la haine du « Blanc »…permanents

Avant d'achever cette note de lecture sur deux autres extraits, je redis mon plaisir et vif intérêt pour l'ouverture d'esprit, la réflexion élargie d'Alain Mabanckou… qui va bien au-delà de l'histoire africaine, de l'hostilité ancestrale des blancs envers les noirs et réciproquement. Ce livre incite à peser le pour, le contre, d'analyser les faits historiques, de prendre de la distance… et de ne surtout pas ostraciser aucun individu, au nom de la race ou d'autre chose. Mise en garde indirecte contre toutes les intolérances…possibles, et célébration de la richesse apportée par la diversité des cultures

« Définir l'homme par le –sang-, c'est privilégier une vision naturaliste au détriment d'une approche humaniste correspondant plus à l'évolution des sociétés actuelles, où l'identité est le résultat d'une diversité de cultures. En somme, il y a deux catégories de Français : ceux qui n'ont rien fait pour l'être, et ceux qui ont entrepris les travaux d'Hercule pour le devenir. Les premiers se croient –naturellement-français » (p.93)

« le fanatisme trouve son terrain d'expérience d'abord entre les hommes d'une même origine, avant de s'étendre peu à peu sur d'autres « races » avec une virulence alimentée par l'esprit de vengeance. » (p.15-16)

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