Ralph Sampson, richissime homme d'affaires, a débuté comme prospecteur de pétrole, genre mi-homme, mi-alligator, mi-piège à ours avec un coffre fort à la place du coeur. Il a disparu, laissant Elaine, son épouse handicapée, en proie à une anxiété modérée ; elle fait cependant appel à Lew Archer pour retrouver son époux. Lew découvre une famille riche et oisive, teigneuse comme un nid de crotales, vivant dans une splendide propriété de Carillo Canon dont les terrasses surplombent le Pacifique, qui paraît lui aussi luxueux avec ses vagues couleurs miel-de-sauge et sa brume pareille à une subtile fumée produite par des billets en lente combustion.
Lew est un détective privé de la nouvelle école car il ne boit pas d'alcool avant le déjeuner. Il a débuté dans la police parce qu'il croyait alors que le mal est une qualité avec laquelle certaines personnes naissent, qu'il suffisait aux policiers de les trouver pour les neutraliser, avant de comprendre au gré de sa carrière, que le mal peut être en chacun d'entre nous. Il a en conséquence quitté la police pour faire cavalier seul.
Il ne faut pas attendre dans
Cible mouvante une intrigue complexe, de l'hémoglobine à l'hectolitre, un suspense insoutenable ou une action effervescente ; l'enquête menée par Lew est classique, tout comme son épilogue, en conformité avec les codes des polars et romans noirs américains des années 40-50. L'intérêt du roman réside dans son atmosphère, son ambiance, la description d'une époque révolue, ses dialogues affûtés comme des rasoirs, brillants et drôles, la nonchalance et l'auto-dérision de Lew, les balades en Rolls Royce sur les routes escarpées de Californie, les cheveux au vent, la clope au bec, une arme dans la boîte à gants, une jolie passagère avec qui flirter.
Première enquête de Lew Archer parue en 1949,
Cible mouvante a bénéficié grâce à Gallmeister et
François Guérif d'un lifting et d'une nouvelle et intégrale traduction, accomplie avec talent par
Jacques Mailhos.