Citations sur La fin des monstres - Récit d'une trajectoire trans (41)
Peut-être qu'en devenant invisible, je vais apprendre à dormir paisiblement. Mais peut-être que dormir paisiblement, c'est déjà avoir oublié et devenir un homme comme les autres.
Devenir un homme, c'est devenir invisible.
Par chance, mais non sans étonnement, chaque injection suit la précédente sans encombre, et chacune m'apporte bien plus de soulagement que de blessure accidentelle. Pourvu que ça dure: ce serait quand même bête de mourir de ce qui me sauve.
Mon corps se trouve surinvesti et délaissé à la fois, dans une danse morbide, et les rares fois où mon regard se pose sur lui, c'est pour réfléchir aux manières de le faire disparaître.
J'ai quinze ans et je me tiens droite face au miroir, l'œil en opinel.
Qu'est-ce qui, dans notre simple présence, vous menace tant ? Qu'avez-vous peur de perdre en existant dans le même espace que nous ?
Il y a le deuil et la mort, oui, mais derrière, une tornade ronde et menace de tout dévaster sur son passage.
Être trans, c'est se préparer à mourir, simplement parce qu'il faut compter tous les jours les départs de nos semblables. [...] C'est ne pas avoir d'aîné.es, pas de vieux trans pour nous guider sur le chemin, ou si peu, tué.es par leur propre main ou celle d'un autre.
C'est faire semblant, avec toute la grâce qu'il est possible, de flotter au-dessus du déshonneur, de ne pas y prendre garde, quand il nous afflige d'un sentiment d'injustice terrible.
Être trans, c'est faire l'apprentissage de l'humiliation, chez le médecin, à la mairie, dans la rue.