- Alors ? demanda-t-elle en mastiquant. Tu me trouves toujours hideuse ?
Oliver l'examina. Secoua la tête.
Alice ce figea.
- Non ? fit-elle quasiment dans un murmure, le cœur battant la chamade.
Elle n'avait pas réalisé à quel point elle espérait qu'il ait changé d'avis. Elle n'avait pas envie d'être vilaine. Mais alors pas du tout.
- Tu ne me trouves pas hideuse ? questionna-t-elle.
Oliver haussa les épaules.
- Je pense que tu ne ressembles à rien.
— Je suis désolée... murmura-t-elle. Je ne te veux aucun mal. Mais j'ai le cœur brisé, et je crains que personne ne puisse recoller les morceaux.
- [...] Parce que je peux t'offrir quelque chose en échange de ta coopération.
- Il n'y a rien que tu puisses m'offrir qui pourrait me plaire, espèce de grand ananas touffu.
Elle n'aurait su dire qui pleurait le plus fort : elle-même ou le ciel.
Alice n'avait aucune pièce pour elle toute seule. Aucun endroit privé, aucun sentiment d'être chez elle. Elle avait besoin de se sentir chez elle quelque part. Mais une fille comme elle – qui ne ressemblait en rien à sa mère, une sœur qui ne ressemblait en rien à ses frères – n'avait pas beaucoup d'autres choix. Elle se sentait plus à l'aise dans la nature, où les choses n'étaient pas forcées de se ressembler pour vivre ensemble et en paix.
-Tu es la fille la plus abracadabrante que j'aie jamais rencontrée...
Alice sourit.
--Eh, bien, merci..
Peu importe désormais la manière dont le monde la voyait, ce qui comptait,c'était la manière dont Alice se voyait elle-même.
Alice choisirait donc de s'aimer, différente et extraordinaire, chaque jour de la semaine.
Aimer Père signifiait aimer tout en lui - ses fenêtres ouvertes comme ses coins poussiéreux - , et elle refusait de l'aimer moins à cause d'éventuels secrets qu'elle ignorait.
Lorsque leur monde fut bâti, il était d'une beauté si éclatante - riche de mille et une couleurs - que le ciel en pleura cent ans. Un déluge de larmes de bonheur et de chagrin inondèrent la terre et la lézardèrent ici et là, en créant fleuves, lacs et océans qui existent encore aujourd'hui. La beauté suscita une grande joie, mais également une grande tristesse, parce qu'il n'y avait personne pour apprécier pareille magnificence. Alors, comme le veut la légende, le peuple de Ferenwood naquit des larmes qui inondèrent la terre.
- Des études ont montré que la réflexion et la délibération menaient à une prise de décision réfléchie. Une véritable épidémie.