C'est une histoire étrange et tragique, comme le sont souvent les histoires des hommes. Un conte crépusculaire peuplé de femmes extraordinaires, où les hommes sont soit des pantins, soit des ombres fugitives. Sauf le narrateur, Jean. Il a 14 ans, il est pauvre, indolent à la limite de la paresse, et a pour seules passions l'observation des femmes (et les rêves érotiques qu'elle suscite) et la lecture. Pour son malheur, il attire l'attention du personnage le plus pittoresque et le plus dérisoire de sa petite ville : une naine grotesque, risée des habitants, qui est tombée follement amoureuse de lui. Devant le dégoût horrifié de Jean à son égard, elle va faire appel aux mystérieux pouvoirs de la Sanson, terrifiante sorcière locale qui tient la population sous sa coupe. Et c'est alors que le drame va sa jouer...Avec un très grand talent et beaucoup de poésie,
Pierre Magnan brosse une galerie de portraits de personnages à à la fois ordinaires dans leurs préoccupations quotidiennes, et fascinants dans leur individualité. Comme
la Naine, laide, obstinée, et criminelle ; les Dames du Nord, qui commentent impitoyablement la vie de leurs concitoyens comme un choeur antique ; l'irréprochable Agassonne, prête à tous les sacrifices pour sa fille malade, et qui recèle des trésors de sensualité ; l'Avocate, vivante oeuvre d'art, aérienne, enchanteresse, qui mourra dans d'atroces circonstances ; et tant d'autres... On sent à travers l'écriture ciselée de l'auteur toute une vie d'observation de ses frères et soeurs humains. Un regard à la fois froid et distancié, mais aussi pétri de tendresse pour leurs fragilités. Il décrit aussi avec un amour profond la région de Haute-Provence où il a grandi, dure avec les hommes, mais si belle avec ses paysages séchés par le vent âpre, ses sources rares mais d'une beauté sans égale, sa terre aride qui tient amoureux ceux qui y sont nés... Avec la mort de
Pierre Magnan au printemps dernier, la littérature française a perdu un grand écrivain, injustement méconnu du grand public. Peut-être avez-vous vu à la télé "
La maison assassinée" avec Patrick Bruel ? Ou encore "
Les courriers de la mort" ou "
Le secret des Andrônes" avec
Victor Lanoux ? Sachez que ces téléfilms sont adaptés des romans de
Pierre Magnan, et qu'ils peinent à en retranscrire la beauté et la puissance. Alors n'hésitez plus, lisez ses livres, ils le méritent.