AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Kirzy


Kirzy
11 septembre 2022
°°° Rentrée littéraire 2022 # 15 °°°

Première page intérieure : Marcus Malte ( auteur français ) s'invente un traducteur américain, un certain Edouard Dayms, nom d'un des personnages de son roman Garden of love. Mes radars n'ont rien capté, juste un petit clignotant vite éteint en mode «  tiens, c'est bizarre ». J'aurais du me méfier.

Ça démarre comme un thriller avec la mort d'un génial inventeur autodidacte Philip-Joseph dit Phily-Jo Deloncle ( tiens, le même patronyme que le fondateur de la Cagoule, organisation terroriste des années 30, rien à voir ) , 34 ans , tombé de la balustrade d'un hôtel de Dallas lors d'un cocktail en l'honneur des lauréats d'un prix scientifique. Suicide ? Meurtre ? Son beau-frère, professeur de littérature, le narrateur de la première partie mène l'enquête, persuadé que Phily-Jo a été assassiné par une organisation clandestine surnommée la Pieuvre noire qui voudrait l'empêcher de diffuser une invention révolutionnaire : la FreePow, capable de convertir l'énergie du cosmos en électricité libre, gratuite, utilisable par tous, ce qui ruinerait le business des acteurs qui profitent des énergies fossiles.

Tu crois que le récit va chercher à résoudre le mystère de la mort de Phily-Jo. Et puis non. Marcus Malte déroule les quatre parties suivantes en mode roman gigogne, changeant à chaque fois de narrateur. Les cinq parties s'enchâssent, chacune résonnant avec les précédentes, chacune apportant un regard et un éclairage sur une réalité qui s'éloigne de plus en plus du lecteur alors que celui-ci croit très souvent l'approcher.

L'emboîtement est vertigineux. Marcus Malte a construit une intrigue machiavélique dont le courant romanesque impossible à remonter vous emporte irrésistiblement. Jusqu'à une dernière partie diabolique qui brouille à nouveau les pistes et suscitent mille théories sur l'identité du narrateur. En fait, il fait essayer de remonter le courant en lisant les chapitres à l'envers et repérer les nombreux indices semés avec une intelligence folle. On est presque dans un Usual suspects littéraire tant tout est doute et instabilité.

J'ai pris un plaisir dingue à être manipulée non-stop, l'auteur nous emmenant où il veut, quand il veut et comme il veut tout en nous invitant dans le jeu. Et jeu il y a, ne serait-ce qu'avec les nombreuses références hommages à Nabokov et notamment à sa Vraie vie de Sebastian Knight ( dans laquelle un homme s'efforce de retracer l'existence de son frère écrivain et peine à démêler ce qui relève de l'illusion et de la réalité ) ou à Feu pâle qui joue avec les codes de la narration.

Ultra ludique donc mais Qui se souviendra de Phily-Jo n'est pas qu'un exercice de style creux pour public averti. C'est un roman très contemporain par les thématiques abordées, engagé même, sans que la mise en scène n'entrave la force du propos. Rarement un roman n'aura aussi brillamment abordé la question du complotisme associé la manipulation et la désinformation jusqu'à la paranoïa, mais aussi celle de la déprédation généralisée du capitalisme dans un contexte de crise environnementale. Et même la question de la peine de mort avec de longs passages dans les couloirs de la mort américains. le tout avec une humour décapant et une ironie mordante.

Jubilatoire et étourdissant que ce grand roman sur toutes les manipulations, rien par le pouvoir de la fiction. Brillantissime ! Je suis très surprise de le voir absent des principales listes pour les prix littéraires d'automne.


Commenter  J’apprécie          16233



Ont apprécié cette critique (139)voir plus




{* *}