Quand c'est tante Louise qui me fait l'école, j'ai la tête qui s'alourdit. Surtout qu'elle fourre du catéchisme même dans la géographie.
À chaque fois que j'allais chercher les œufs, je lui apportais un des livres que m'offrait Sylvia. Je le lisais juste avant et me réjouissais en imaginant ses yeux sur les pages, son cœur et son cerveau qui passeraient par le même chemin que moi.
- Ton oncle est un rêveur. Mais il oublie que quand on rêve trop grand, on passe sa vie à être déçu de la réalité.
- Ta tante est une rêveuse. Mais elle oublie que quand on ne rêve pas ses propres rêves, on s'emmerde.
Je vais devoir écrire un mode d'emploi pour mon cerveau, je crois. Sauf que je le reconnais à peine. Plus rien ne fonctionne comme avant. Tout est mélangé, le coeur et les souvenirs.
C'est presque étrange de me réjouir de quelque chose, même impossible. De penser à un truc amusant. La joie est rouillée, je ne sais plus trop comment ça marche.
Rien ne remplacera jamais ta maman. Perdre se maman, c'est se faire couper un bras. Ce bras ne repoussera pas. Mais tu trouveras la force de fabriquer une prothèse.
Je m'attends à recevoir un sermon de première classe. Mais rien. Pas un mot. L'engueulade la plus terrible de ma vie se résumera à un grand silence plein de vide.
Par contre,je tombe amoureux. Mais alors à m'en péter les chevilles dans l'escalier tellement ça tremble. C'est bombardement de coeur sur bombardement de coeur. Son rire , quand il finit par arriver, ça fait comme un court circuit dans la guerre. Je me prends un tel taux de lumière dans le sang que je me sens luminescent. Je brille comme une étoile dans mon lit toute la nuit et je ne m'éteins qu'au petit matin .
Les nazis n'aiment pas les Juifs, comme moi je n'aime pas les légumes. Je ne mets pas le feu au potager pour autant. C'est ce que j'ai du mal à comprendre.